Autorité, liberté et légitimité libérale chez Benjamin Constant. 1814‑1819

Authority, civil liberties and liberal legitimacy in Benjamin Constant’s works. 1814‑1819

Flavien Bertran de Balanda

p. 121-137

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Flavien Bertran de Balanda, « Autorité, liberté et légitimité libérale chez Benjamin Constant. 1814‑1819 », Cahiers Staëliens, 70 | 2020, 121-137.

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Flavien Bertran de Balanda, « Autorité, liberté et légitimité libérale chez Benjamin Constant. 1814‑1819 », Cahiers Staëliens [En ligne], 70 | 2020, mis en ligne le 05 mai 2022, consulté le 24 avril 2024. URL : https://cahiersstaeliens.edinum.org/453

Les années séparant sa mise en retrait de la vie publique de son entrée en politique, en 1819, sont pour Benjamin Constant décisives, en ce qu’elles lui permettent de préciser les contours de sa pensée politique. Durant ces cinq années, il s’attelle à définir les principes cardinaux que sont l’autorité, la liberté et la légitimité, afin de voir en quoi ceux-ci peuvent se compléter mutuellement, offrant à long terme une stabilité politique bienvenue après vingt-cinq ans de troubles politiques.

The years between Benjamin Constant’s withdrawing from public life and his entry into politics in 1819 are crucial to gain more insight into his political thought. In those years, Constant defines the key principles of his political thought – authority, civil liberties and legitimacy. In doing so, he intends to see how these principles can complement one another and therefore ensure political stability in France – which would be welcome after twenty-five years of political havoc.

Introduction

« J’ai défendu quarante ans le même principe, liberté en tout, en religion, en philosophie, en littérature, en industrie, en politique […]1 ». Cet incipit des Mélanges de littérature et de politique de 1829 est connu qui balaie, au soir de la vie de Constant, les accusations de réversibilités successives auxquelles on a pu résumer sa vie politique. Nous nous rangerions plus volontiers parmi les rangs de ceux qui acceptent la sincérité de la formule. Certes, pour revenir à ce qui fut interprété comme la plus vertigineuse de ses palinodies, l’homme qui déclarait le 19 mars 1815 refuser de « [se] traîner d’un pouvoir à l’autre, couvrir l’infamie par le sophisme et balbutier des mots profanés pour racheter une vie honteuse2 » devenait le 20 avril suivant Conseiller d’État de Napoléon, et s’attelait aussitôt à la rédaction de l’Acte additionnel. Là encore, le Mémoire apologétique adressé à Louis XVIII en janvier3, pas davantage que les Mémoires sur les Cent-Jours de 1820 dans lesquels le premier fut inséré4 ne sauraient se réduire à un parapluie rhétorique visant à annuler les revirements de la veille ou de l’avant-veille. Sa ligne de défense, consistant à assumer d’entrer au service de régimes antagonistes pour chaque fois peser de tout son poids afin d’empêcher que la France retombe dans la tyrannie, est convaincante : dans les faits, la « Benjamine » entendait bel et bien fixer l’Empire ressuscité sur le tronc libéral planté par la Charte de 1814.

Ces prémisses, faute d’être innovantes, ont pour seul propos de justifier le parti-pris herméneutique que nous nous assignons ici, soit relire Constant au prisme de sa constance. Il est notamment courant de considérer que les trois pamphlets de la période directorienne5 ne formèrent qu’une ébauche théorique vite abandonnée ; ou encore que sa pensée politique fut une fois pour toutes définitivement établie dans les deux manuscrits retranscrits en 18106, qui auraient servi de matière globale à tous les écrits ultérieurs, lesquels y auraient pioché au gré des circonstances, reprenant volontiers des chapitres entiers de cette matrice. C’est en partie vrai, ainsi lorsque De l’esprit de conquête et de l’usurpation emprunte mot pour mot des passages des Principes de politique de 18067, à leur tour réinfusés dans De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes quelques années plus tard8, tandis que paraissait en 1815 un ouvrage dont le titre était tout bonnement identique à celui des Principes9. Mais c’est également en partie faux, du fait même que l’argumentaire constantien, intact dans les axiomes qui le guident, s’adapte sans cesse au contexte alors si changeant, se reformulant afin de donner plus de force à son combat intellectuel.

En ce sens, les années séparant la maturation silencieuse de l’exil de l’entrée dans l’arène politique de la Restauration par l’élection du 26 mars 1819 – qui lui ouvre les portes de la Chambre des députés – nous semblent décisives. Rien n’est en effet encore définitivement joué dans les destinées de la nation, encore marquée par les convulsions qui la traversent depuis un quart de siècle, et qui menacent de se poursuivre. Or, si Constant veut à tout prix la prémunir contre un retour au despotisme, il souhaite éloigner cet autre que formerait le spectre d’une nouvelle révolution10. Garantir l’ordre et la liberté dans un moment-charnière où l’on sent que des pages de l’Histoire se ferment et que d’autres s’ouvrent : il s’agit, de part et d’autre, de bien choisir lesquelles ; de les lire ou de les écrire correctement, surtout. La Révolution, pour Constant, a été un échec par défaut de lisibilité, de clarté, par un brouillage notionnel ayant faussé la fin comme les moyens. Régénérer la société par la mise en pratique des vérités inédites énoncées par les Lumières était juste et nécessaire ; y procéder par un mauvais usage des catégories nouvelles fut tout aussi funeste, dégageant un espace mal borné dans lequel un Robespierre puis un Bonaparte purent s’engouffrer sans effort et s’assoir seuls pour reprendre les rênes d’un pouvoir laissé vacant faute d’avoir fait les frais d’un travail de redéfinition.

C’est précisément cette tâche que s’assigne alors Benjamin : tracer les plans d’une architectonique neuve où la source, la place et le rôle des concepts cardinaux que sont l’autorité, la liberté et la légitimité soient clairement posés afin d’offrir les conditions de possibilité d’une complémentarité stable et pérenne.

Pouvoir, souveraineté, autorité

Le premier impératif constantien consiste à soustraire le politique à l’arbitraire. Dès la seconde partie de L’Esprit de conquête, dont la première dénonçait le césarisme militaire, ce dernier est défini comme le corollaire de l’usurpation – et inversement –, laquelle ne peut subsister que par le despotisme – et ne peut donc pas subsister11 –, soit la systématisation de l’arbitraire dont la description de la nature comme des effets occupe l’essentiel de la section. Arbitraire d’un seul, ici Bonaparte, qui a son pendant dans l’arbitraire de tous, sous la forme d’une volonté générale mal entendue. Considérée comme une totalité insécable indépendante de ses parties, una voce pourrait-on dire, elle n’est que transfert d’absolutisme d’un souverain personnel vers un souverain impersonnel mais d’autant plus indétrônable. On en revient aux conceptions des juristes modernes qui, depuis Bodin, font du roi l’incarnation de la chose publique, à ceci près que sa direction a changé de mains – pas davantage dignes de confiance au demeurant. Rousseau doit donc cesser d’être pris à la lettre, Mably plus encore12, et la volonté générale être considérée comme rien de plus, mais rien de moins que la somme des volontés individuelles13. Modernité et individualisation du politique, ou plutôt prise en compte par la politique de la dimension individuelle forment donc une nécessité primordiale, jusqu’à la prise en compte des intérêts les plus personnels par la collectivité souveraine14.

Plus exactement, cette dernière ne l’est que par délégation, Constant reprenant à nouveaux frais la discussion sur les représentants et autres mandataires qui, du Contrat social à la Convention, a été au cœur des débats de philosophie politique. On peut définir celle de Constant comme une philosophie de la dissociation et de l’autonomisation. Entre l’État et la société civile notamment, ce qui implique d’ores et déjà limitation des prérogatives du premier, et plus largement limitation de l’autorité. Indirectement, c’est donc la volonté générale qui est limitée naturellement, ainsi que les Principes de 1815 l’énoncent sans détour15.

Dissociation et limitation : les lois elles-mêmes doivent être réduites a minima, et leur production autant que faire se peut, puisqu’elles n’ont pour fonction que le rappel écrit de règles déjà tacitement adoptées de par leur efficience prouvée par l’usage16 – ce en quoi, fort curieusement, Constant se rapproche de son adversaire Bonald, dont on croirait lire une paraphrase de la Préface à la Théorie du Pouvoir17 :

L’on a défini des lois l’expression de la volonté générale. C’est une définition très fausse. Les lois sont la déclaration des relations des hommes entre eux. Du moment où la société existe, il s’établit entre les hommes certaines relations ; ces relations sont conformes à leur nature, car si elles n’étaient pas conformes à leur nature, elles ne s’établiraient pas. Les lois ne sont autre chose que ces relations observées et exprimées. Elles ne sont pas la cause de ces relations qui au contraire leur sont antérieures. Elles déclarent que ces relations existent. Elles sont la déclaration d’un fait. Elles ne créent, ne déterminent, n’instituent rien, sinon des formes pour garantir ce qui existait avant leur institution18.

Et de poursuivre :

Il s’ensuit qu’aucun homme, qu’aucune fraction de la société, ni même la société tout entière ne peut, à proprement parler et dans un sens absolu le droit de faire des lois. Les lois, n’étant que l’expression des relations qui existent entre les hommes et ces relations étant déterminées par leur nature, faire une loi nouvelle, c’est seulement une déclaration nouvelle de ce qui existait précédemment. La loi n’est point à la disposition du législateur. Elle n’est point son œuvre spontanée. Le législateur est pour l’ordre social ce que le physicien est pour la nature. Newton lui-même n’a pu que l’observer et non déclarer les lois qu’il reconnaissait ou croyait reconnaître. Il ne s’imaginait pas qu’il fût le créateur de ces lois19.

L’analogie entre les deux auteurs ne va bien entendu guère plus loin20 ; le pouvoir, comme l’a montré Marcel Gauchet, est formé chez Constant par la réunion de deux instances distinctes, l’une d’action, l’autre de représentation21. La seconde est autorisée par l’existence du système représentatif. Quant à la première, elle échoit au gouvernement à proprement parler. Parvenus à ce point, on pourrait arguer que Constant n’a déployé son système que pour revenir à l’aporie qu’il entendait combattre, soit le risque d’une appropriation excessive du pouvoir par ses détenteurs, même distincts, ou d’un usage néfaste de ce pouvoir.

C’est ici qu’intervient la troisième dimension de sa réflexion, celle d’un contrôle permanent. Les représentés contrôlent leurs représentants non seulement par le vote, mais par la possible destitution ou du moins la non reconduction de mandats que Constant souhaite bornés par des scrutins à intervalles courts22. Le gouvernement, outre le fait que les ministres soient responsables, est pour sa part autant un lieu de décision qu’une sphère d’autorégulation. Nouvelle menace aporétique : si le civil et le politique entretiennent les rapports distendus que l’on a vu, jusqu’au divorce, comment s’assurer de la justesse d’une quelconque pondération ? Par le quatrième pilier de la doctrine constantienne, soit le principe d’extériorité. Assurant l’indépendance des parties, il maintient en même temps les moyens de leur communication ; surtout, il autorise l’existence d’un pouvoir suprême, surplombant l’édifice et produit par lui – un pouvoir éminent donc, immanent car produit par la structure même du politique mais également transcendant en ce qu’il la dépasse ensuite : il s’agit du « pouvoir neutre23 », non dans le sens où il serait dépourvu de prérogatives – in fine c’est devant lui que les ministres sont responsables, et c’est lui qui peut les défaire –, mais au contraire de par son rôle protecteur, qui lui confère une nature quasi surhumaine :

Le pouvoir représentatif de la durée réside dans une assemblée héréditaire ; le pouvoir représentatif de l’opinion dans une assemblée élective ; le pouvoir exécutif est confié aux ministres ; le pouvoir judiciaire aux tribunaux. Les deux premiers pouvoirs font les lois, le troisième pourvoit à leur exécution générale, le quatrième les applique aux cas particuliers. Le pouvoir royal est au milieu, mais au-dessus des quatre autres, autorité à la fois supérieure et intermédiaire, sans intérêt à déranger l’équilibre, mais ayant au contraire intérêt à le maintenir24.

Et, plus loin :

La monarchie constitutionnelle nous offre, comme je l’ai dit, ce pouvoir neutre, si indispensable à toute liberté régulière. Le roi, dans un pays libre, est un être à part, supérieur aux diversités des opinions, n’ayant d’autre intérêt que le maintien de l’ordre, et le maintien de la liberté, ne pouvant jamais rentrer dans la condition commune, inaccessible en conséquence à toutes les passions que cette condition fait naître, et à toutes celles que la perspective de s’y retrouver nourrit précisément dans le cœur des agents investis d’une puissance momentanée25.

Et de poursuivre :

Cette auguste prérogative de la royauté doit répandre dans l’esprit du monarque un calme, et dans son âme un sentiment de repos, qui ne peuvent être le partage d’aucun individu dans une position inférieure. Il plane, pour ainsi dire, au-dessus des agitations humaines, et c’est le chef-d’œuvre de l’organisation politique d’avoir ainsi créé, dans le sein même des dissentiments sans lesquels nulle liberté n’existe, une sphère inviolable de sécurité, de majesté, d’impartialité, qui permet à ces dissentiments de se développer sans péril, tant qu’ils n’excèdent pas certaines limites, et qui, dès que le danger s’annonce, y met un terme par des moyens légaux, constitutionnels, et dégagés de tout arbitraire26.

En 1825, l’image royale n’a guère changé : « Déjà l’on a voulu, au mépris de tous les devoirs et de toutes les libertés parlementaires introduire dans nos débats le nom sacré du roi. On n’en a pas le droit. On n’a pas le droit de faire descendre de sa haute et inattaquable position le roi de France au rang d’un chef de parti27 ».

Ces cadres posés, l’ordre peut enfin régner ; non pas l’ordre autoritaire bonapartiste, ni celui, rétrograde et coercitif, prôné par les ultras, mais ce que l’on pourrait qualifier d’ordre libéral, synonyme de tranquillité publique assurant la tranquillité privée. Dans son Entretien d’un électeur avec lui-même, Constant dénombre ce qu’il considère en être les six piliers fondamentaux : « ordre dans les finances », « liberté des personnes », « mise en activité de tous les articles de la Charte », « liberté des cultes », « liberté de la presse et des journaux », « protection des acquéreurs de biens nationaux28 ».

Tranquillité à son tour à la fois condition et conséquence d’une liberté dont les contours demeurent eux aussi à redéfinir.

Liberté des Modernes, modernité de la liberté

La Révolution a en effet œuvré à une subversion sémantique, celle d’une liberté entendue comme un retour à ses formes antiques, grecque et romaine. Pour Constant, il y a là véritable charlatanisme, ainsi qu’il l’expose dans divers chapitres de De l’usurpation29, eux aussi tirés du manuscrit de 1806. C’est dans sa conférence prononcée en février 1819 à l’Athénée royal de Paris, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes30, qu’il s’attelle à dissiper ce quiproquo et à reconsidérer la liberté postrévolutionnaire.

La liberté des Anciens est toute inféodation du particulier au collectif, dans une perspective radicalement holiste :

Celle-ci consistait à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté tout entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix, à conclure avec les étrangers des traités d’alliance, à voter des lois, à prononcer les jugements, à examiner les comptes, les actes, la gestion des magistrats, à les faire comparaître devant tout un peuple, à les mettre en accusation, à les condamner ou à les absoudre ; mais en même temps que c’était là ce que les anciens nommaient liberté, ils admettaient, comme compatible avec cette liberté collective, l’assujettissement complet de l’individu à l’autorité de l’ensemble31.

La vie publique absorbe la vie privée jusqu’à l’interdire, le loisir dont disposent les membres de la Cité leur permettant de déléguer à leurs intendants et à leurs serviteurs le soin de leurs affaires. C’est du reste parmi ceux de ses contemporains qui bénéficient encore d’une persistance d’otium cum dignitate, les propriétaires terriens par exemple, que seront de préférence choisis les représentants du Peuple32. Autres temps, autres mœurs. En ce siècle où la nouvelle donne socio-économique permet et appelle l’ascension individuelle et la gestion personnelle des fortunes et des carrières, le citoyen ne peut être contraint à être contre son gré tout à la fois acteur et esclave de la société. On ne saurait du reste, poursuit Constant, comparer les cités-États de l’Antiquité, où cette participation était rendue possible par leur faible étendue territoriale comme par leur population peu nombreuse, aux grands États contemporains. La liberté moderne, à la fois fondatrice de la Modernité et issue du contexte qui la caractérise, est donc avant tout un ensemble de garanties :

C’est pour chacun le droit de n’être soumis qu’aux lois, de ne pouvoir être ni arrêté, ni détenu, ni mis à mort, ni maltraité d’aucune manière, par l’effet de la volonté arbitraire d’un ou de plusieurs individus. C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie et de l’exercer ; de disposer de sa propriété, d’en abuser même ; d’aller, de venir, sans en obtenir la permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches33.

Il poursuit :

C’est, pour chacun, le droit de se réunir à d’autres individus, soit pour conférer sur ses intérêts, soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit simplement pour remplir ses jours et ses heures d’une manière plus conforme à ses inclinations, à ses fantaisies. Enfin, c’est le droit, pour chacun, d’influer sur l’administration du gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des représentations, des pétitions, des demandes, que l’autorité est plus ou moins obligée de prendre en considération34.

Les Anciens, en participant activement à la vie politique, ne sacrifiaient de leur indépendance privée que pour mieux garantir l’indépendance publique. En les imitant, les Modernes perdraient au change, leur voix se noyant dans la multitude et perdant son poids par dilution. La liberté politique, assurée par quelques-uns mais surveillée comme on l’a dit par tous, doit être mise au service de la liberté civile, et tenir compte du principe de jouissance :

Les gouvernements n’ont pas plus qu’autrefois le droit de s’arroger un pouvoir illégitime. Mais les gouvernements qui partent d’une source légitime ont de moins qu’autrefois le droit d’exercer sur les individus une suprématie arbitraire. Nous possédons encore aujourd’hui les droits que nous eûmes de tous temps, ces droits éternels à consentir les lois, à délibérer sur nos intérêts, à être partie intégrante du corps social dont nous sommes membres. Mais les gouvernements ont de nouveaux devoirs. Les progrès de la civilisation, les changements opérés par les siècles, commandent à l’autorité plus de respect pour les habitudes, pour les affections, pour l’indépendance des individus. Elle doit porter sur tous ces objets une main plus prudente et plus légère35.

Dans l’Entretien d’un électeur, le ton était plus franc encore : « Je ne demande pas à mes députés de sacrifier le bien de l’État à mes intérêts ; mais c’est bien le moins qu’ils tiennent compte de ces intérêts, et qu’ils ne se taisent pas quand on les attaque36 ».

On assiste donc à la naissance d’un individualisme revendiqué, à ceci près que tous les individus qui composent le corps social doivent être respectés à parts égales dans leur individualité. Les « droits éternels » invoqués dans l’avant-dernière citation sont là pour rappeler que l’individu ne se retire point pour autant de la chose publique. Il se déleste simplement, grâce aux rouages du gouvernement représentatif, d’une part dévorante de l’action politique confiée aux mandataires et au gouvernement pour ne conserver que la part plus légère et moins astreignante de surveillance et de délibération37 – encore que, nous l’avons vu, le principe d’auto-surveillance et de responsabilité rende la première plus aisée. Nulle intention de dépolitisation donc, Constant redoutant tout désintérêt envers la chose publique : c’est une des raisons du combat qu’il mène avec passion dès le début de la Restauration en faveur de la liberté de la presse38. Née sous la Révolution, elle avait été comprimée puis réduite à néant sous le Consulat et l’Empire. Désormais, elle forme un double canal tenant chacun informé des débats du moment, et informant en retour l’autorité des attentes du peuple. Méfiance, donc, envers la presse officielle faisant la part belle à la propagande et au mensonge39 : le Moniteur n’énonce qu’une vérité tronquée, celle qui sied au gouvernement. Nul bâillon ne doit entraver la plume du publiciste, rôle qu’assume du reste volontiers Constant en personne, dans la Minerve notamment.

La liberté des Modernes ne se résume donc nullement à un miroir inversé de celle des Anciens, mais se présente comme sa réappropriation heureuse débarrassée de certains malentendus prérévolutionnaires, révolutionnaires et postrévolutionnaires pour revenir dans une forme à la fois épurée et réactualisée : « loin donc, Messieurs, de renoncer à aucune des deux espèces de liberté dont je vous ai parlé », rassure Constant, « il faut, je l’ai démontré, apprendre à les combiner l’une avec l’autre40 ».

Pour ce, il est impératif de tenir compte des éléments nouveaux qui structurent les échanges humains, à commencer par l’industrie et le commerce. De la liberté recèle un vibrant plaidoyer en faveur de celui-ci, considéré tout à la fois comme le meilleur moyen de rapprocher les peuples et de faire reculer le risque d’arbitraire. D’une part, en effet, il marque le passage d’une ère agonistique dominée par la guerre à une ère de la concurrence pacifique, tenant davantage de la saine émulation que du conflit, tout en se jouant des frontières comme des éventuelles inimitiés entre États : cette vision irénique invoque avant l’heure une mondialisation équitable, une résorption des tensions par la production et la circulation des marchandises qui assurent le nécessaire comme le superflu, permettant ce bien-être sans lequel la jouissance ne peut se réaliser. D’autre part, il est par définition le lieu où l’autorité politique s’efface. Ce vœu constantien limite donc l’action de celle-ci non seulement par la sphère privée mais par une autre sphère, collective quant à elle, celle de l’économie internationale. Autre limitation du pouvoir et de ses possibles abus, autre délimitation d’un espace d’où le politique se voit chassé, d’autant que les deux sont complémentaires.

Cette intersection du libéralisme politique et du libéralisme économique fait bien de Constant, davantage peut-être que Thiers, Guizot ou Tocqueville, le précurseur de la pensée libérale entendue comme un système globalisant, et informant ses avatars ultérieurs. Dans l’enceinte de l’Athénée toujours, il va jusqu’à prophétiser l’union des puissances européennes, le politique étant voué à s’adapter à l’économique : de la primauté chronologique du second sur le premier, on passe en même temps à un primat axiologique. Serait-ce à dire que Constant, annonçant Hayek davantage que Weber, poserait en fait premiers jalons du néo-libéralisme tel que nous le connaissons aujourd’hui, rendant secondaires des catégories précitées telles que la liberté civile pour promouvoir en réalité l’avènement d’un tout-économique no régulé ?

Ce serait selon nous aller trop loin dans l’exégèse d’un propos qui se verrait tiré de son contexte d’énonciation et lui prêter des intentions exagérées, qu’elles soient conscientes ou non. Constant demeure selon nous avant toute chose un penseur politique, et un penseur du politique dans sa substance la plus profonde.

Une légitimité libérale ?

On a pu considérer que l’itinéraire personnel de Constant, s’accommodant de régimes successifs et ennemis, comme le titre même de ses maître-ouvrages présentés comme « applicables à tous les gouvernements » donnait à l’ensemble un caractère relatif, dont la souplesse échappait de ce fait à la grande question postrévolutionnaire de la (re)définition de la légitimité. À l’heure où les visions s’affrontent avec fracas, elles-mêmes nuancées à l’intérieur de chaque camp – la légitimité monarchique défendue par Chateaubriand n’est pas exactement celle de Bonald41, elle-même distincte de Maistre, tandis que les héritiers de Sieyès s’écharpent sur la légitimité populaire –, Constant ne se présente-t-il pas comme le défenseur d’une certaine neutralité en la matière ? Si les axes qu’il propose peuvent indifféremment former le socle d’une république non jacobine ou d’une monarchie non absolue – ce qui recouvre un champ on ne peut plus vaste –, n’échappe-t-il pas par là aux théories classiques de la légitimité, telles qu’énoncées par un Weber, un Schmitt ou, ce qui est peut-être plus opérant pour la période, par un Ferrero42 ?

Dans De l’usurpation, le sujet est pourtant abordé avec clarté, rappelant par une note que la préface de ses Réflexions sur les constitutions et les garanties43 y a déjà consacré des développements : « J’admets deux sortes de légitimité : l’une positive, qui provient d’une élection libre, l’autre tacite, qui repose sur l’hérédité ; et j’ajoute que l’hérédité est légitime, parce que les habitudes qu’elle fait naître, et les avantages qu’elle procure, la rendent le vœu national44 ». Nous voilà bien en présence du principe électif-démocratique et du principe héréditaire-monarchique de l’historien italien ; de façon plus originale, la digression qui suit relativement à la tentative de légitimation de Bonaparte, affirmant que « personne n’a plus travaillé que cet homme à ressusciter le dogme du droit divin45 », la rangerait davantage dans la légitimité traditionnelle wébérienne que dans la légitimité charismatique.

Dans les Principes de 1815, Constant affine encore son analyse :

En un mot, il n’existe au monde que deux pouvoirs, l’un illégitime, c’est la force ; l’autre légitime, c’est la volonté générale. Mais en même temps que l’on reconnaît les droits de cette volonté, c’est-à-dire la souveraineté du peuple, il est nécessaire, il est urgent d’en bien concevoir la nature et d’en bien déterminer l’étendue. Sans une définition exacte et précise, le triomphe de la théorie pourrait devenir une calamité dans l’application. La reconnaissance abstraite de la souveraineté du peuple n’augmente en rien la somme de liberté des individus ; et si l’on attribue à cette souveraineté une latitude qu’elle ne doit pas avoir, la liberté peut être perdue malgré ce principe, ou même par ce principe46.

Le premier passage ne relève nullement d’un opportunisme de circonstance – vanter la légitimité des Bourbons à leur retour – ni le second d’un renversement axiomatique ; dans les deux cas, sont renvoyés dos à dos le despotisme jacobin et le despotisme consulaire et impérial. Si l’on garde en mémoire les caractéristiques du « pouvoir neutre » et la nécessité du principe représentatif, nous ne sommes guère loin de la « légitimité constitutionnelle » défendue – sans surprise – par Germaine de Staël dans ses Considérations sur les principaux événements de la Révolution française47. Laquelle n’est à son tour guère incompatible en certains points avec les convictions de l’auteur de la Monarchie selon la Charte. Le Grand René est alors ultra, mais voué à glisser au fil des ans dans un royalisme libéral, jusqu’à l’alchimie entre républicanisme de raison et fidélité légitimiste qu’il opère sous Juillet48. Quant au couple passionné que les Cent-Jours avaient fait voler en éclats, il se compose de deux âmes-sœurs, de deux esprits-frères si l’on préfère, qui depuis Coppet se sont attelés à tracer les contours de ce qu’on pourrait nommer une légitimité libérale.

Se tenant éloignée à parts égales de la guillotine et du glaive, elle définit un entre-deux fécond, qui ne se construit pas seulement a contrario des deux modèles honnis – l’observation de leur mise en pratique les a définitivement frappés de caducité – mais également comme un terreau potentiellement fertile ouvrant le champ de tous les possibles (raisonnables).

C’est que l’Histoire non seulement a un sens mais elle fait sens. Dès 1813, Constant ordonne :

Obéissez au temps ; faites chaque jour ce que chaque jour appelle ; ne soyez ni obstinés dans le maintien de ce qui s’écroule, ni trop pressés dans l’établissement de ce qui semble s’annoncer ; restez fidèles à la justice, qui est de toutes les époques ; respectez la liberté, qui prépare tous les biens ; consentez à ce que beaucoup de choses se développent sans vous, et confiez au passé sa propre défense, à l’avenir son propre accomplissement49.

Le destin des hommes semble ici se faire sans eux, par une marche téléologique à laquelle ils ne peuvent qu’assister, éviter de la déranger afin de ne pas compromettre son accomplissement – nous voilà à nouveau proches de la temporalité religieuse-historique de Bonald50. N’oublions pas la spiritualité mélioriste qui est celle de Constant : chez l’un comme chez l’autre il y a avancée majestueuse vers une Parousie civilisationnelle, même si la nature de ce stade ultime diverge radicalement. C’est que les deux hommes, tout comme Germaine de Staël du reste, insèrent leur analyse dans la question, alors toujours en vogue, de la perfectibilité. En voici la version constantienne, telle qu’énoncée en 1819 :

D’ailleurs, Messieurs, est-il donc si vrai que le bonheur de quelque genre qu’il puisse être soit le but unique de l’espèce humaine ? En ce cas, notre carrière serait bien étroite, et notre destination bien peu relevée. Il n’est pas un de nous qui, s’il voulait descendre, restreindre ses facultés morales, rabaisser ses désirs, abjurer l’activité, la gloire, les émotions généreuses et profondes, ne pût s’abrutir et être heureux51.

Il poursuit de la sorte :

Non, Messieurs, j’en atteste cette partie meilleure de notre nature, cette noble inquiétude qui nous poursuit et qui nous tourmente, cette ardeur d’étendre nos lumières et de développer nos facultés : ce n’est pas au bonheur seul, c’est au perfectionnement que notre destin nous appelle ; et la liberté politique est le plus puissant, le plus énergique moyen de perfectionnement que le Ciel nous ait donné.
La liberté politique soumettant à tous les citoyens, sans exception, l’examen et l’étude de leurs intérêts les plus sacrés, agrandit leur esprit, établit entre eux tous une sorte d’égalité intellectuelle qui fait la gloire et la puissance d’un peuple52.

Le passage nuance singulièrement le règne de l’individu comme ultima ratio du politique, l’utilitarisme, l’hédonisme, le mercantilisme et autres désignants qui auraient un instant pu ternir le schème constantien. Un chapitre entier est du reste consacré à la perfectibilité humaine dans les Mélanges de 182953, tiré des manuscrits de 1810 et probablement rédigé dès 180554. Le texte est éloquent relativement à la finalité de l’Histoire humaine : « On doit en conclure qu’il existe dans la nature humaine une disposition qui lui donne perpétuellement la force d’immoler le présent à l’avenir, et par conséquent la sensation à l’idée55 ». Et plus loin : « Ces quatre révolutions, la destruction de l’esclavage théocratique, de l’esclavage civil, de la féodalité, de la noblesse privilégiée, sont autant de pas vers le rétablissement de l’égalité naturelle. La perfectibilité de l’espèce humaine n’est autre chose que la tendance vers l’égalité56 »

L’apparent refoulement du politique agirait en dernière analyse comme un refoulement partiel de la politique telle qu’elle a pu et peut encore saturer l’activité humaine et comprimer ces deux pôles complémentaires que sont la liberté de chacun et celle de tous. La vision des Anciens ignorait la première ; celle des Modernes a failli galvauder la seconde : Constant a redéfini chacune afin de la rendre compatible avec l’autre, et dessiné une architecture politique adéquate à leur juste épanouissement. Il n’y aura pas de cinquième révolution : il s’agira plutôt d’une Révélation.

Conclusion : la « tendance vers l’égalité »

Les dernières citations éclaircissent en effet bien des interrogations soulevées au cours de cette modeste étude. La pensée de Constant est moins un éloge de l’individualisme, avec tout ce que le terme peut connoter de cynisme et d’égoïsme, qu’une redécouverte de l’individu, dans sa singularité, sa dignité, sa faculté à s’améliorer. La société est un agrégat d’individus, mais d’individus qui se tolèrent, échangent, coopèrent ensemble au bien commun. Si la place dévolue au politique semble rétrécie, ce n’est nullement qu’il bat en retraite : il reprend seulement le rôle qui lui est naturellement dévolu, un temps dévoyé par les songeries utopiques ou les gloires césariennes, en un mot par ce qu’on qualifierait au xxe siècle d’idéologies.

Le libéralisme constantien est un peu plus qu’un simple libéralisme. L’autonomie des sphères (civile et sociale, politique et économique) n’a pas pour seul propos d’éviter des empiètements ou des zones de confusion vis-à-vis de leur périmètre respectif. Elle est autonomie de l’être, compris dans sa globalité, son intimité, et non plus dans sa seule fonction d’atome d’un tout écrasant. En ce sens, elle devient impératif d’émancipation incarné dans la tension vers l’horizon égalitaire. Pourquoi dès lors s’être satisfait du Directoire, du Consulat, de la Restauration, du retour de Bonaparte comme de celui des Bourbons ? Pour la simple et bonne raison que tout régime, tant qu’il respecte les principes de représentation, de liberté d’expression, et qu’il offre aux citoyens les moyens d’une éducation à la fois intellectuelle et morale, laisse ouvert cet horizon.

On connaît les passages où Chateaubriand se décrit comme un nageur entre les berges de l’Histoire, s’éloignant de celles du monde d’hier pour s’approcher de celles de demain, cet inconnu aussi inquiétant que potentiellement radieux. Plus discret, Constant effectue la traversée en barque : c’est que, contrairement au vicomte qui s’aventure vers une terra incognita, Benjamin en a pour sa part précocement imaginés les reliefs. Il en a déjà tracé les cartes dès les années 1800 ; aussi peut-il fermer sereinement une dernière fois les yeux, ce 8 décembre 1830, dès lors que l’ancienne rive a définitivement disparu dans la brume.

1 Mélanges de littérature et de politique (1929), repris dans De la liberté chez les Modernes, Marcel Gauchet (éd.), Paris, Pluriel/Le Livre de poche

2 Journal des Débats, 19 mars 1815 cité par Pozzo di Borgo, op. cit., p. 65.

3 Mémoire apologétique, adressé au roi le 21 juillet 1815.

4 Mémoires sur les Cent-Jours, en forme de lettres, Paris/Rouen, Béchet, 1820.

5 Da la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier (1796), Des réactions politiques (1797), Des effets de la Terreur

6 Fragments d’un ouvrage abandonné sur la possibilité d’une constitution républicaine dans un grand pays et Principes de politique applicables à tous

7 De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation (1814), repris dans Gauchet, op. cit.

8 Repris dans Gauchet, op. cit.

9 Quoique plus étendu dans son titre complet, qui en réactualise singulièrement le propos : Principes de politique applicables à tous les

10 « Je ne veux plus de Révolution », Entretien d’un électeur avec lui-même, repris dans Pozzo di Borgo, op. cit., ici p. 79.

11 Cf. le titre du chapitre XIX de De l’usurpation : « Que l’usurpation, ne pouvant se maintenir par le despotisme, puisque le despotisme lui-même ne

12 Un résumé des griefs que Constant adresse aux deux auteurs est dressé dans De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, repris dans

13 Principes, op. cit., p. 306.

14 Cf infra.

15 Ibid., p. 270.

16 Ibid., p. 293, ainsi que De la liberté, op. cit., p. 506.

17 Théorie du Pouvoir politique et religieux dans la société civile, démontrée par le raisonnement et par l’histoire (1796).

18 Œuvres manuscrites de 1810, 14364, p. 61, cité par Gauchet, préface, op. cit., p. 58.

19 Ibid.

20 Sous la Restauration, les deux hommes se comportent en adversaires irréductibles : voir Léonard Burnand, « L’anti-Bonald : Benjamin Constant

21 Gauchet, préface, op. cit., p. 88.

22 Idée notamment développée dans De la liberté.

23 Neutre par opposition au gouvernement, pouvoir « actif ». Cf. les Fragments d’un ouvrage abandonné, où il forme le sujet de l’ensemble du livre 

24 Principes, op. cit., p. 280.

25 Principes, op. cit., p. 282-283

26 Ibid.

27 Discours du 23 février 1825, repris par Pozzo, op. cit., p. 139‑140

28 Entretien, op.cit., p. 84-85.

29 Notamment les chapitres VI à IX : « De l’espèce de liberté qu’on a présentée aux hommes à la fin du siècle dernier » ; « Des imitateurs modernes

30 Nous avons coécrit avec Éric Anceau deux articles à paraître sur cette conférence : « Nous sommes des Modernes : La prophétie de Benjamin Constant

31 De la liberté, op. cit., p. 494-496.

32 Cf. les Principes, p. 313 et 316-320.

33 De la liberté, op. cit., p. 494-495.

34 Ibid.

35 Ibid., p. 510.

36 Entretien, op. cit., p. 88.

37 « Le système représentatif n’est autre chose qu’une organisation à l’aide de laquelle une nation se décharge sur quelques individus de ce qu’elle

38 Cf. De la Liberté des brochures, des pamphlets et des journaux, considérée sous le rapport de l’intérêt du gouvernement, Paris, Nicolle, 1814.

39 Notamment en période électorale, rappelle l’Entretien.

40 De la liberté, op. cit., p. 514.

41 Sur les conceptions respectives des deux hommes en la matière, nous nous permettons de renvoyer à notre texte : Flavien Bertran de Balanda, « 

42 C’est la thèse de Pozzo di Borgo dans sa postface, op. cit. p. 200. Guglielmo Ferrero, Pouvoir. Les Génies invisibles de la cité, Paris, Plon, 1988

43 « Réflexions sur les constitutions et les garanties, Préface, p. IX », De l’usurpation, op. cit., p. 254, n. 1.

44 Ibid.

45 Ibid.

46 Principes, op. cit., p. 270.

47 « La légitimité, telle qu’on l’a proclamée nouvellement, est donc tout à fait inséparable des limites constitutionnelles. Que les limites qui

48 On se souvient de la formule par laquelle l’Enchanteur se déclare désormais « bourbonien par honneur, monarchiste par raison, républicain par goût

49 De l’usurpation, op. cit., p. 252.

50 Conception développée par Gérard Gengembre, notamment dans sa thèse de doctorat (Bonald, les concepts et l’Histoire, Université Paris IV, 1983).

51 De la liberté, op. cit., p. 513.

52 Ibid.

53 Mélanges, op. cit., « De la perfectibilité de l’espèce humaine ».

54 Où l’on trouve également des Fragments d’un essai sur la perfectibilité de l’espèce humaine.

55 Mélanges, op. cit., p. 584

56 Ibid., p. 591.

1 Mélanges de littérature et de politique (1929), repris dans De la liberté chez les Modernes, Marcel Gauchet (éd.), Paris, Pluriel/Le Livre de poche, 1980, p. 519. Nos références renvoient à cette anthologie, ainsi qu’à Constant polémiste, Olivier Pozzo di Borgo (éd.), Paris, Pauvert, 1965. Nous rappelons qu’une nouvelle édition des Œuvres est en cours chez De Gruyter.

2 Journal des Débats, 19 mars 1815 cité par Pozzo di Borgo, op. cit., p. 65.

3 Mémoire apologétique, adressé au roi le 21 juillet 1815.

4 Mémoires sur les Cent-Jours, en forme de lettres, Paris/Rouen, Béchet, 1820.

5 Da la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier (1796), Des réactions politiques (1797), Des effets de la Terreur (1797).

6 Fragments d’un ouvrage abandonné sur la possibilité d’une constitution républicaine dans un grand pays et Principes de politique applicables à tous les gouvernements.

7 De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation (1814), repris dans Gauchet, op. cit.

8 Repris dans Gauchet, op. cit.

9 Quoique plus étendu dans son titre complet, qui en réactualise singulièrement le propos : Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la constitution actuelle de la France (1815), repris dans Gauchet, op. cit.

10 « Je ne veux plus de Révolution », Entretien d’un électeur avec lui-même, repris dans Pozzo di Borgo, op. cit., ici p. 79.

11 Cf. le titre du chapitre XIX de De l’usurpation : « Que l’usurpation, ne pouvant se maintenir par le despotisme, puisque le despotisme lui-même ne peut se maintenir aujourd’hui, il n’existe aucune chance de durée pour l’usurpation ».

12 Un résumé des griefs que Constant adresse aux deux auteurs est dressé dans De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, repris dans Gauchet, op. cit., ici p. 503 sq.

13 Principes, op. cit., p. 306.

14 Cf infra.

15 Ibid., p. 270.

16 Ibid., p. 293, ainsi que De la liberté, op. cit., p. 506.

17 Théorie du Pouvoir politique et religieux dans la société civile, démontrée par le raisonnement et par l’histoire (1796).

18 Œuvres manuscrites de 1810, 14364, p. 61, cité par Gauchet, préface, op. cit., p. 58.

19 Ibid.

20 Sous la Restauration, les deux hommes se comportent en adversaires irréductibles : voir Léonard Burnand, « L’anti-Bonald : Benjamin Constant défenseur des Considérations sur la Révolution française de Madame de Staël », in Cahiers de la Nouvelle Société des études sur la Restauration, n° XI, 2012, p. 59-72.

21 Gauchet, préface, op. cit., p. 88.

22 Idée notamment développée dans De la liberté.

23 Neutre par opposition au gouvernement, pouvoir « actif ». Cf. les Fragments d’un ouvrage abandonné, où il forme le sujet de l’ensemble du livre VIII qui clôt le manuscrit. On note que la figure royale s’insère donc dans un régime considéré comme républicain.

24 Principes, op. cit., p. 280.

25 Principes, op. cit., p. 282-283

26 Ibid.

27 Discours du 23 février 1825, repris par Pozzo, op. cit., p. 139‑140

28 Entretien, op.cit., p. 84-85.

29 Notamment les chapitres VI à IX : « De l’espèce de liberté qu’on a présentée aux hommes à la fin du siècle dernier » ; « Des imitateurs modernes des républiques de l’Antiquité » ; « Des moyens employés pour donner aux modernes la liberté des anciens » ; « L’aversion pour cette prétendue liberté implique-t-elle en eux l’amour du despotisme ? ».

30 Nous avons coécrit avec Éric Anceau deux articles à paraître sur cette conférence : « Nous sommes des Modernes : La prophétie de Benjamin Constant sur l’avènement du nouveau monde libéral face à l’ancien (1819) », pour Histoire, Économie & Société, et « Anciens et Modernes : de la liberté selon Benjamin Constant », pour la Revue des Deux-Mondes.

31 De la liberté, op. cit., p. 494-496.

32 Cf. les Principes, p. 313 et 316-320.

33 De la liberté, op. cit., p. 494-495.

34 Ibid.

35 Ibid., p. 510.

36 Entretien, op. cit., p. 88.

37 « Le système représentatif n’est autre chose qu’une organisation à l’aide de laquelle une nation se décharge sur quelques individus de ce qu’elle ne peut ou ne veut pas faire elle-même. Les individus pauvres font eux-mêmes leurs affaires ; les hommes riches prennent des intendants. C’est l’histoire des nations anciennes et des nations modernes. Le système représentatif est une procuration donnée à un certain nombre d’hommes par la masse du peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus, et qui néanmoins n’a pas le temps de les défendre toujours lui-même », De la liberté, p. 512.

38 Cf. De la Liberté des brochures, des pamphlets et des journaux, considérée sous le rapport de l’intérêt du gouvernement, Paris, Nicolle, 1814.

39 Notamment en période électorale, rappelle l’Entretien.

40 De la liberté, op. cit., p. 514.

41 Sur les conceptions respectives des deux hommes en la matière, nous nous permettons de renvoyer à notre texte : Flavien Bertran de Balanda, « Chateaubriand et Bonald : légitimité et sens de l’Histoire », Actes du colloque du 15 juin 2018, in Cahiers de la Maison de Chateaubriand, n° 8, décembre 2018, p. 105‑122.

42 C’est la thèse de Pozzo di Borgo dans sa postface, op. cit. p. 200. Guglielmo Ferrero, Pouvoir. Les Génies invisibles de la cité, Paris, Plon, 1988 [1943].

43 « Réflexions sur les constitutions et les garanties, Préface, p. IX », De l’usurpation, op. cit., p. 254, n. 1.

44 Ibid.

45 Ibid.

46 Principes, op. cit., p. 270.

47 « La légitimité, telle qu’on l’a proclamée nouvellement, est donc tout à fait inséparable des limites constitutionnelles. Que les limites qui existaient anciennement en France aient été insuffisantes pour opposer une barrière aux empiètements du pouvoir, qu’elles aient été graduellement enfreintes et oblitérées, peu importe : elles devraient commencer d’aujourd’hui, quand on ne pourrait prouver leur antique origine » (Germaine de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, dans La passion de la liberté, Michel Winock (éd.), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2017. La même année, Lucia Omacini et Stefania Tesser ont publié une édition critique de l’ouvrage dans les Œuvres complètes, Paris, Honoré Champion.

48 On se souvient de la formule par laquelle l’Enchanteur se déclare désormais « bourbonien par honneur, monarchiste par raison, républicain par goût et par caractère ».

49 De l’usurpation, op. cit., p. 252.

50 Conception développée par Gérard Gengembre, notamment dans sa thèse de doctorat (Bonald, les concepts et l’Histoire, Université Paris IV, 1983).

51 De la liberté, op. cit., p. 513.

52 Ibid.

53 Mélanges, op. cit., « De la perfectibilité de l’espèce humaine ».

54 Où l’on trouve également des Fragments d’un essai sur la perfectibilité de l’espèce humaine.

55 Mélanges, op. cit., p. 584

56 Ibid., p. 591.

Flavien Bertran de Balanda

Sorbonne-Université
Centre d’Histoire du XIXe siècle

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