La recherche staëlienne n’a rien perdu de son dynamisme. Indépendamment des commémorations et des anniversaires – Staël dirait : des « circonstances » –, elle poursuit son travail de fond au service de l’interprétation et de l’analyse des œuvres. C’est la principale mission de notre Société : produire un savoir, qui plus est renouvelé, sur le corpus et la pensée du Groupe de Coppet. Le Cahier staëlien a donc lui aussi pour ambition de recueillir ces perspectives scientifiques. Elles nourrissent donc l’intégralité du présent numéro, somme des plus récentes contributions proposées, à l’échelle internationale, par les spécialistes de l’œuvre staëlienne.
Deux événements les ont plus particulièrement suscitées : le colloque organisé à Naples, en octobre 2017, par Benedetta Craveri et Alvio Patierno à l’Universita degli Studi Suor Orsola Benincasa. Intitulé « Germaine ou l’Europe (1817-2017) : nouvelles lectures, nouvelles perspectives », il a réuni quelque quinze universitaires invités à reconsidérer la relation, déjà longuement commentée, entre Staël et l’Europe. Quatre grandes pistes s’y sont dégagées, qui confirment les nouvelles orientations de la recherche staëlienne : la question des nations et des identités, la problématique libérale, l’ambition anthropologique et la réception, notamment en Italie, des théories exposées dans Corinne. Ces lignes de force structurent le premier volet, né à Naples, de ces axes prometteurs.
Le second concerne une œuvre spécifique, les Considérations sur les principaux événements de la Révolution française récemment rétablies, grâce à Lucia Omacini, dans leur version originale1. À l’initiative de Blandine Poirier et Flavien Bertran de Balanda, une journée d’étude a été organisée, en février 2019, pour célébrer le 200e anniversaire de la parution posthume du grand ouvrage staëlien et en proposer une analyse renouvelée. Jamais en effet les Considérations n’ont été mises en lumières dans leur singularité. L’ensemble des sciences humaines ont donc été sollicitées à cette occasion : l’anthropologie, l’histoire, la littérature et le droit éclairent ce texte aussi massif que complexe et où l’audacieuse fermeté de l’analyse staëlienne apparaît d’autant plus que l’auteur, au crépuscule de son existence, n’a plus rien à craindre, ni à perdre.
L’ensemble de ces dix-sept articles ne témoigne pas seulement de la vitalité des études staëliennes, ni de leur ouverture générationnelle. Il propose surtout de nouveaux éclairages particulièrement stimulants aussi bien sur les fondements de l’univers staëlien – l’Europe, la liberté, l’identité –, que sur les territoires encore peu explorés de sa cartographie. Que les organisateurs de ces beaux événements, à Naples et à Paris, soient ici chaleureusement remerciés : grâce à deux, l’esprit de Coppet vibre toujours et le Cahier staëlien n° 69 en est la réjouissante preuve.
Bonne lecture !