Le Voyage D’Angleterre (1776) de Suzanne Necker

Catherine Dubeau

p. 15-72

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Catherine Dubeau, « Le Voyage D’Angleterre (1776) de Suzanne Necker », Cahiers Staëliens, 68 | 2018, 15-72.

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Catherine Dubeau, « Le Voyage D’Angleterre (1776) de Suzanne Necker », Cahiers Staëliens [En ligne], 68 | 2018, mis en ligne le 15 avril 2019, consulté le 18 avril 2024. URL : https://cahiersstaeliens.edinum.org/185

[…] en tout il me semble que j’ai tant vû d’objets nouveaux et aquis tant d’idées nouvelles par la comparaison avec les anciennes que je croirois presque avoir changé de tête pendant mon séjour en Angleterre […].
Suzanne Necker, Voyage D’Angleterre1

Le récit du voyage en Angleterre effectué par la famille Necker, en 1776, est l’un des joyaux conservés dans les archives de Coppet. Ce texte de 78 pages, retranscrit par les soins d’un secrétaire (non identifié), est tiré du volume VI des manuscrits privés de Suzanne Necker2. À ce jour, il n’a fait l’objet d’aucune édition intégrale, cependant des fragments en ont été communiqués au public par la comtesse de Pange en 19483. À sa suite, L.-A. Boiteux4 a grandement enrichi nos connaissances en révélant la nature collective du projet : les Necker auraient été accompagnés de François-Claude Gigot de Garville5 et de Jean-Baptiste-Antoine Suard6. L’auteur cite également de nombreux extraits de lettres de Suard à son épouse demeurée à Paris, offrant ainsi un point de vue complémentaire sur le voyage. Enfin, Danielle Johnson-Cousin7 nous apprenait, en 1979, que le chevalier de Chastellux et certainement d’autres voyageurs8 faisaient partie de la cohorte, et elle fournissait au lecteur une très utile chronologie du déplacement outre-Manche.

Pourquoi ce voyage en Angleterre ? Tous les chercheurs ont posé la question. On a bien sûr tenté d’établir un lien entre ce séjour anglais et la chute prochaine de Turgot : Necker pressentant les développements politiques serait allé chercher des appuis dans une Angleterre qui ne lui était pas étrangère9. On sait par ailleurs que le comédien David Garrick avait annoncé un grand cycle théâtral – notamment shakespearien – en guise de conclusion à sa remarquable carrière. Or, les Necker admiraient profondément Garrick, dont ils avaient fait la connaissance à Paris, en 1764-176510. Du reste, la coïncidence du voyage avec la « cérémonie d’inauguration de Free-Masons Hall, Great Queen Street, à Lincoln’s Inn Fields11 » a été évoquée sans qu’il ait été possible de rien conclure à ce sujet. En dépit des pistes avancées, force est de constater que le mystère demeure. Qu’à cela ne tienne : lisons le Voyage D’Angleterre pour lui-même, pour Suzanne Necker. Il en est plus que temps. Suivons le regard attentif, tantôt étonné, tantôt émerveillé, d’une femme imprégnée de ses racines suisses et françaises, captivée par sa découverte d’un univers que ses lectures, sa liaison déjà ancienne avec Edward Gibbon12 et les invités de son salon lui avaient rendu familier. Le 29 mars 1776, elle écrit à Madame de Reverdil :

[…] je ne puis me résoudre à entreprendre un tres grand voyage sans prendre congé de vous et sans me mettre à vos pieds avec toute la tendresse dont mon cœur est susceptible. mais malgré moi j’abrégerai ma lettre ; car un des plus doux plaisirs de ma vie est de répandre mon cœur dans votre cœur celeste. je pars pour londres dans très peu de jours avec ma fille et Mr Necker, ce dernier désiroit cet amusement, et en avoit besoin j’ai cru devoir me conformer à son gout, et je commence à voir avec interret un voyage qui m’avoit paru dabord assez peinible nous reviendrons par la Hollande, et s’il plait au Seigneur nous serons de retour au milieu de juin13 […].

À l’aube d’une révolution industrielle qui changera à tout jamais le visage de l’Europe, il est fascinant de retrouver avec Madame Necker les lieux célèbres de Londres et de ses environs (St-Paul, Westminster, la tour de Londres, le British Museum…), de lire ses descriptions de parcs, de jardins et d’intérieurs (Kew, Hampton, Claremont, Strawberry Hill…), enfin de rencontrer ces individus qui formaient une part importante de la communauté mondaine, culturelle et politique des Lumières britanniques (lord North, lord Stormont, les Stanhope, les Mansfield, Garrick…). C’est à une comparaison de goûts et de coutumes que nous convie Madame Necker, sensible aux paysages et aux jardins pittoresques, à l’architecture londonienne, aux pratiques sociales, aux modes parfois déroutantes, aux musées et aux arts de la scène, dont elle est si friande… Sa fascination ne va pas sans ambivalence et elle se révèle critique devant la place accordée aux femmes, devant les excès et contrastes prononcés en tout genre. Sa plume rend compte, avec une précision étonnante, de toutes ces choses vues et entendues, de ces petits détails du quotidien, parfois prosaïques, qui forment le trésor d’une expérience personnelle et concrète du monde ici jugée, ô surprise, supérieure au savoir livresque : « il est certain aussi que cette manière d’étudier par ses yeux et par sa propre pensée dégoute de s’instruire par la pensée et par les yeux des autres c’est à dire par la lecture14 ». Permettons-nous de passer outre cette affirmation et de plonger dans ce journal de voyage riche en passages inédits. On a beaucoup glosé sur l’apport de ce séjour pour Necker et sa fille. On verra désormais, nous l’espérons, combien la traversée a marqué un jalon essentiel dans l’écriture comme dans la formation mondaine, culturelle et politique de Suzanne Necker.

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La transcription qui suit respecte le plus fidèlement possible l’orthographe et la ponctuation telles qu’elles se présentent dans le manuscrit. Étant donné l’imprécision de la calligraphie dans le cas des accents aigus et graves, nous avons pris la liberté d’employer l’accent conforme à l’usage moderne le cas échéant. Nous n’avons toutefois pas rétabli les accents manquants, ni supprimé les accents excédentaires ou corrigé la confusion très fréquente entre le verbe avoir et la préposition à. Sauf exception, l’emploi de [sic] a été réservé aux accords fautifs.

Suzanne Necker

[389] Voyage D’Angleterre <pas Copier>

Du 13e avril 1776.
ce Samedi

Je suis partie de Paris le 13e. je n’ai rien vû d’interressant dans la première journée que les Ecuries de Chantilly15 dont les arcades a perte de vuë les têtes de cerf de marbre noir entre chaque arcade la grande propreté, l’ordre l’uniformité le bassin qui est au milieu font un effet presque Sublime et bien peu assorti a l’idée d’une écurie. J’ai été couché [sic] à Breteuil, toute la France n’offre presque de ces cotés lâ qu’un Paÿs arride et sans couleur.

Du Dimanche 14

Nous nous sommes aréttés a Amiens la ville a des fortifications anciennes la maison de l’intendant16 nous a paru de bon gout, les femmes sont presque toutes jolies a amiens et encore plus à Abbeville ou nous avons diné, mais en avançant près de Montreuil elles enlaidissent et sans doute la misère y contribue ; pour épargner le bois et les pierres les maisons sont creusées dans la terre et couvertes de Chaume, le Sol est Sec et blanchâtre, nous avons diné a Abbeville même [sic] fortifications a peu près, nous avons couché à [390] Montreuil, la journée étoit fatiguante, j’étois de trop mauvaise humeur pour observer

Du lundi 15e.

Nous avons été diner a Boulogne, c’est lâ oû j’ai commencé a voir la mer pour la première fois d’abord dans le lointain c’est une grande trace bleue qui s’emble se joindre au Ciel et n’être distinguée des nuages que par une couleur plus foncée et par les mats et les voiles qui dominent sur cette grande ligne bleue le Sentiment que j’ai éprouvé Surtout en la voyant de plus pres en sortant de Boulogne à été très extraordinaire et très violent cette idée entièrement nouvelle pour moi jointe a l’espèce de nécessité ou je me trouvois de m’exposer sur cet abime avec tout ce que j’avois de plus cher au monde m’a arraché des larmes j’avois en moi de la terreur et de la Sensibilité, et en regardant la mer oû jallois m’embarquer je croyois voir ces ondes bleuatres du Stix17 tristement chantées par les poëtes. Boulogne se ressent du mouvement et de l’abondance d’un port de mer la nation n’y paroit déja plus la même, après diner nous avons été sur la jettée c’est la qu’on voit dabord cet espace immense de Sables [391] que la mer doit remplir dans peu d’heures par le flux, et dans le lointain nous apperceumes ces ondes Stygiennes, couvertes de voiles errants [sic] au gré des vents, c’est la surtout que je fus frappée de la Sublimité de ce Spectacle, Sans doute augmentée pour moi par la terreur Secrette que j’éprouvois enfin nous arivames a Calais de très bonne heure en descendant a une Superbe auberge a Calais j’ai trouvé le capitaine du vaisseau qui devoit nous passer dont la phisionomie m’a un peu rassurée

Du mardi 16.

Nous nous Sommes rendus au bord du vaisseau, le Spectacle que j’avois eu plusieurs fois la veille, des Sables presque Secs que la mer doit remplir par le flux m’avoit un peu rassurée, il me sembloit que j’avois fait connoissance avec les abismes et que je Scavois ce qui étoit au fond, les bords du port étoient entièrement remplis par la mer, nous sommes allés tout de suite dans le Vaisseau, comme je n’étois pas encore bien familiarisee avec le monstre je suis descendue <immediatement> dans la petite chambre ou je me suis couchée sur un matelat avec ma fille a mes cotés sans autre [392] Spectacle que la boiserie de ma chambre, au premier mouvement du vaisseau j’ai senti mon cœur defaillir, on nous a contraintes a monter sur le tillac18, mais mon état ma paru alors insuportable tous les pas que je faisois me portoient au cœur, le Spectacle de cette grande mer dont chaque vâgues Sembloient [sic] multiplier le balancement tout cela augmentoit cruellement mon mal, ma Curiosité cessoit il me sembloit qu’un orage même meut trouvée insensible s’il n’avoit pas augmenté le mal être qui me tourmentoit je me suis recouchée mon mal s’acroissoit a chaque minutte et j’eprouvois un sentiment si pénible et si nouveau pour moi que je ne puis m’en faire l’idée a présent qu’il n’existe plus abandonnée au Soin du Capitaine et des matelots, malgré ma manière d’être qui me fait répugner à tous les services des hommes leur complaisance en a fait des femmes pour moi et ma fait oublier que je l’étois, je n’ai senti que leurs tendres attentions et j’ai serré plusieurs fois la main du Capitaine dans les moments ou je Souffrois le plus et ou il me servoit avec une adresse et une Sensibilité incomparable, enfin j’ai été obligée de fermer les yeux, de me taire de ne faire aucun mouvement [393] celui que j’entendois au dessus de ma tête qui étoit très vif dans le commencement me paroissoit insuportable nos gens qui faisoient dabord les vaillants qui crioient qui se réjouissoient sur nos têtes d’un Spectacle si nouveau se sont tus insensiblement et j’ai bien compris quils étoient alors aussi malheureux que nous, je n’entendois plus que les cris de la manœuvre et le bruit des vagues qui tous les deux S’accordoient parfaitement avec ce mal être indeffinissable qui semble précisément dans ce point qui réunit la douleur phisique a la douleur morale : tels sont tous les maux de cœur car les douleurs violentents paroissent n’appartenir qu’au corps par la force qu’a l’ame de se les imposer et de les vaincre, nous demandions sans cesse l’heure ma fille et moi, nous comptions les instants, le Capitaine regardoit sa montre et soupiroit, enfin un petit matelot est venu nous dire encore deux minuttes, il avoit la joye peinte dans les yeux on nous a levées nous ne pouvions nous soutenir, le bonheur actuel (car il est impossible de se faire une idée de nôtre joye) nous donnoit des forces, mais qu’el à été mon étonnement quand en montant sur le tillac, je me suis vue entourée de toute part de [394] ces effrayantes ondes et que j’ai vû a bord du vaisseau une petite chaloupe séparée du vaisseau par l’abisme qui étoit entre deux balancant d’une manière terrible et dans laquelle on m’a dit qu’il falloit descendre, cétoit me proposer de me jetter dans la mer car comment croire que je pusse franchir cet intervalle sans tomber dans les ondes la nessecité m’a contrainte je me suis jettée dans les bras du Capitaine à un intervalle de plusieurs pieds mais quand j’ai regardé derrière moi et que j’ai vu que ma fille avoit le même espace vuide à traverser j’ai perdu absolument la tête, et j’ai fait rétentir la mer de mes cris Mr. Necker en passant a renouvellé toutes mes douleurs j’avois un tremblement universel et si violent qu’on étoit obligé de me tenir pour que le grand balancement de la chaloupe ne m’entraina pas dans la mer, ce balancement très violent ne porte pas au cœur et malgré ce qu’il à d’effrayant nous avons été bien tôt plus tranquilles enfin près du bord il a fallu encore se faire porter hors de la Chaloupe par des matelots très attentifs et les meilleures gens du monde arrivés à Douvres19 j’ai été frappée de la douceur des [395] phisionomies et de l’air d’aisance et de propreté qui se trouvoit même dans les plus minces chaumières chaque homme ou chaque femme etoit pour moi un Spectacle, les moindres objets avoient une Singuliarité infiniment agréable.

Du mercredi 17.

Le lendemain j’ai traversé une partie de l’angleterre les campagnes y sont soignées comme le plus beau jardin il semble par tout que l’industrie et l’agriculture ont choisi ce Paÿs pour leur temple, les plus petites maisons de briques sont décorées par des comparturets <compartiments> blancs et rouges infiniment agréables a l’œil deux petites colonnes soutiennent par tout les portes des maisons sur le Seuil de ces portes on voit des multitudes d’enfants de la plus grande beauté, le moindre Paÿsan a un air noble et distingué on n’en voit point comme en France les épaules courbées et le dos plié sous le joug du malheur, la verdure qui flatte les yeux ces hayes si bien taillées, cette quantité d’habitations éparses l’uni et la propreté des chemins la beauté simple des maisons de campagne et de ces parcs anglois que nous cherchons en vain d’imiter tout cela dis je me transportoit dans un paÿs [396] imaginaire comme celui de l’age d’or, mon admiration à augmenté quand j’ai apperçeu les bords de la tamise qui sembloit une forest mouvante par la multitude des vaisseaux qui la couvroient<e> ­­a Rochester ou j’ai diné on voit le port de S<C>hattam20 oû l’on construit les vaisseaux, je n’ai pas eu le tems d’y entrer j’ai vu seulement la midwai21 grande rivière qui se jette dans la tamise avec impétuosité son cours ayant trouvé quelques obstacles dans les arches massives d’un très grand pont, si la route de Douvres a rochester annonce le bonheur et l’aisance celle de Rochester a Londres est l’image de l’opulence et du luxe on y trouve moins de fermes mais une quantité immense de <superbes> maison [sic] de Campagne les carosses se succedent sur le chemin comme dans une rue de Paris a mésure qu’on aperçoit la ville immense de Londres on voit en même tems un nuage épais qui semble voler sur elle et qui ajoutoit pour moi a l’idée de sa grandeur en se réunissant a celle des hautes montagnes a une distance assez grande de Londres on trouve de quares sic et des triangles de gazon environnés de barrières blanches et coupés par des routes extrêmement larges qui donnent a ce [397] coup d’œil une varieté très agréable de distance en distance, de coté et d’autres on à planté de petits poteaux blancs auxquels les lanternes sont attachées tout cela fait un effet aussi piquant au moins que nos grandes avenues inconnues en angleterre et même dans toutes les maisons de Campagne, en entrant dans Londres je fus frappée de la magnificence des rües l’on en compte vingt, quatre fois plus larges que les plus belles de Paris, de part et d’autre est un trottoir a l’abri des carosses, ce trottoir est rempli de peuple et surtout de femmes en petits Chapeaux et bien mises toutes les maisons sont de niveau presque toutes avec ces petites portes que j’ai decrites et quand les poteaux sont alumés des deux cotés ces rues dont la longueur énorme et toujours uniforme ne laisse reposer la vue sur rien de borné oû d’inégal, font deux chaines de feu qui portent dans l’imagination, l’idée unique de l’immensité

Du Jeudi 18 avril 1776.

Le lendemain de mon arivée a Londres j’ai été voir le matin l’eglise de St. Paul22 j’ai été frappée de la grandeur et de la régularité de cet édifice le Dome qui reigne Sur la ville [398] de Londres a d’en bas les plus belles proportions, je suis montée jusques a une galerie qui commence le ceintre du Dome c’est la qu’en parlant au bord du ceintre la voix se porte a l’oreille d’une autre personne qui est dans une differente partie du ceintre quelle quelle soit mais a une distance qui permet a peine à l’œil d’appercevoir les objets j’ai été frappée de cet effet phisique comme d’u [sic] miracle et je pouvois à peine en croire mes sens, de la je suis montée a une hauteur prodigieuse pour ariver a une galerie extérieure qui environne le haut du Dome c’est de la que mon œil planant sur la ville de Londres comme d’une montagne élevée j’ai vu cet amas effrayant de maisons égales coupées par de larges rues et variées simplement par une quantité enorme de tours noires et blanches qui sont les clochers des différentes églises tout cela fait comme un parterre et la tamise dans le lointain ajoute a la beauté du Spectacle cependant le nuage qui couvre Londres dans l’éloignement n’est ici que de la fumée et embrouille beaucoup la beauté de ce coup d’œil, je dois dire aussi que cette propreté que j’avois remarquée dans les campagnes me paroit bien moins observée a Londres tout y est enfumé par le [399] Charbon de terre et en general les détails sont peu Soignés et il me semble que les maisons, les ornements, les parures et mème les femmes font effet de loin et par les masses et perdent beaucoup à l’examen. J’ai été le Soir a l’opéra, la Salle est mal propre et de mauvais gout cetoit des bouffons italiens la Sposa fidelle23 je m’y suis mortellement ennuyée, les acteurs jouoient sans grace avec des gestes fort brusques qui paroissent plaire aux anglois, ils saluent quand on les applaudit et ils ne l’ont été que dans les mouvements vifs, demême dans les ballets qui ne seroient pas Supportés a la Comedie françoise on a accablé d’applaudissements des airs dont la mésure étoit infiniment marquée et forcée encore par le tambourin et une grande dansseuse et de grands dansseurs qui imitoient le genre de d’auberval24, c’est a dire comme l’ane de la fable imitoit le petit chien en passant amoureusement son pied ferré sous le menton de son maitre25, cependant cette dansse brutale à fait un plaisir inexprimable et toute la Sale a retenti de battements de mains, apparemment que ces grands mouvements tiroient nos anglois de leur létargie, ils ont voulu aussi nous donner un ballet dans le genre du pas de Sylvie de Mlle Guimard26 [400] tous ces dansseurs et dansseuses ayant Six pieds étoient fort ridicules tombant dans les bras des géants avec des gestes quarés on paye douze francs ce hideux Spectacle je n’ai pu me resoudre a en voir la fin

Du Vendredi 19e.

Levée de très bonne heure pour le jugement de Milady Kingston27, Milady Mansfield28 et Milord Stormont29 sont venus me chercher j’ai traversé toutes les Salles de Westminster30, jusqu’a celle ou se plaidoit cette fameuse cause, il y avoit devant le palais une quantité de gardes a cheval Superbement vètues [sic], dans l’intérieur d’autres gardes vètues Singulièrement et magnifiquement qui répondent a peu près a nos cent Suisses, on en rencontroit a chaque pas, toutes les Salles étoient démeublées et sans ornement jusques a celle ou nous nous Sommes arretés, elle est immense d’une hauteur prodigieuse, la voute est recouverte par une multitude d’arcades de bois pareilles aux arches d’un pont le fond étoit tapissé par un amphitheatre rouge garni d’un peuple énorme d’hommes et de femmes, les deux cotés étoient tapissés par le même amphithéatre surmonté d’une galerie [401] l’entrée est terminée par des ballustrades très elevées a cette entrée est le dais du throne à coté une loge cramoisi [sic], destinée a la famille royale et de l’autre coté une moins ornée pour les ministres étrangers, les premiers bancs de l’amphithéatre étoient remplis par les pairesses et les filles des pairs, le milieu de la Salle étoit rempli d’abord par un grand carré cramoisi dans lequel devoit venir Milady Kinston, ce carré est en face du throne, elle se met a genoux en arrivant, on la fait relever, ses avocats sont à coté d’elle et ceux de son adverse partie un peu plus loin viennent ensuite des bancs destinés aux pairs, après cela une grande table sur laquelle des Secretaires écrivent tout ce que les avocats disent d’intéressant, ensuite des carreaux cramoisis qui sont en effet des ballots de laine d’une grosseur énorme, les juges doivent s’assoir derrière le long de l’amphithéatre, un banc pour les évèques, et enfin sous le dais du throne, tous les fils de pair debout ; les femmes étoient vètues comme en France point de rouge, la tête plus chargée de pompons et avec moins de graces, plusieurs n’avoient point de poudre, leur [sic] robes étoient sans paniers, et presque toutes étoient flétries, dailleurs leur [sic] parures [402] ont beaucoup moins qu’en France la convenance de l’age et de la figure, des vieux visages chargés de plume, des bossues sans manteaux et en tout beaucoup moins de jolies femmes qu’a Paris les pairs sont arrivés dans leurs habit [sic] de Cérémonie, ce sont des robes et un manteau plissé cramoisi bordés D’hermines plus ou moins de bandes d’hermines selon la qualité 4 pour les Ducs trois pour les Comtes &c. ils ont au col une chaine qui pend sur l’estomac en or et émail, les évèques ont une grande perruque avec la Callotte, la robe cramoisi [sic] mais au lieu de bordures d’hermine ils ont le manteau tout entier en pointe Chaque pair a fait Sa reverence au throne en passant, ils étoient précedés par des <espèces de> licteurs qui tenoient en main comme une urne d’or avec un manche très long, le heraut mettoit aussi cette machine sur son épaule quand il vouloit prendre la parole d’autres officiers portoient une baguette blanche a la main d’autres avoient un Léopard brodé au bord de leur habit, après tous les pairs deux à deux, marchoit le duc de Camberland31 seul un officier vètu superbement portoit la queue de sa robe, le Chancellier le dernier, et immediatement après le Duc, on lui portoit aussi [403] la robe, il s’est placé sur le throne, mais bientôt il est allé s’asseoir au rang des juges. Miladi Kinston s’est mise a genoux devant le throne on la faite asseoir le plaidoyer à été d’autant <plus> long que les deux parties ont la permission d’avoir un grand nombre d’avocats qui plaident pour la même cause immediatement les uns après les autres, leur manière de parler est ce me Semble sans insinuation ils s’appliquent a prononcer avec un accent coupé et ils élèvent la voix et frappent sur la table comme Sils vouloient enfoncer leurs paroles dans la tête des auditeurs, il n’y a eu aucun mouvement dans l’assemblée, on ne balloit pas on ne dormoit point <pas on ne balloit point>, enfin il sembloit qu’on ne s’ennuyoit ni ne s’amusoit seulement des onze heures toutes les femmes ont sorti de leur poche dans du papier ou dans de petites boëtes des œufs durs du pain et des tranches de viande froide, j’étois infectées [sic] par ces diverses odeurs, les juges même [sic] dans leur grands habits ont mangé un petit morceau sans façon, et l’avocat parloit toujours enfin plus impatiente que toute l’assemblée j’ai quitté a deux heures et demi. J’ai été dans une boutique d’estampe oû je n’ai rien remarqué d’interressant dans les figures Sérieuses oû [404] gracieuses mais j’y ai vû des quantités énormes de caricatures qui comme les mots prononcés et les farces plaisent infiniment aux anglois, c’est par tout le Sérieux des anglois la misère ou les prétentions des francois presentées avec une charge extraordinaire, j’en ai pris qu’elques unes et de la j’ai été a Drary laine32, la Salle est très petite, comme une Salle de Province, le parterre est assis, le théatre a peu de profondeur on jouoit une traduction de Mahomet33, tous les acteurs <tragiques> sont maniérés et éxagérés sans aucune nuance, ce qui rend leurs cris encore plus ridicules, celui qui jouoit Mahomet se promenoit continuellement sur le théatre pour se donner un air de grandeur cetoit toujours ce que nous appellons un matamore on changeoit de Scene a chaque instant, le traducteur n’ayant pas trouvé l’assassinat de Zopire assez tragique, a imaginé de mettre sur le théatre l’intérieur du temple, Seide arrive auprès de palmire apres avoir donné le coup mortel avec un grand air d’assurance, mais quand il lui récite l’assassinat de Zopire derrière l’autel il ajoute je ne puis me le rappeller sans tomber par terre et alors il se jette tout étendu comme un sac [405] de plomb la tête la première, palmire se met cent fois à genoux mais toujours de la manière la plus maussade, enfin a la dernière Scêne on apporte le Cadavre de Zopire dans une bierre, ce qui fait un très bel effet mais le jeu des acteurs gate le théatre Spectacle, Palmire agonise avec les hoquets de la mort, tous les deux tombent tout à plat sur le plancher sans gradins pour les recevoir et ne se doutent pas de la pudeur de polixene34, l’orchestre qui ne juge pas a propos d’entendre la pièce est toujours appellé a la fin de l’acte par une petite clochette qui fait un effet fort ridicule en avertissant qu’elques minuttes a l’avance qu<’>e ici l’on va se taire tous les anglois chantent leurs vers a peu près de la même manière, ce sont des tons coupés et leur déclamation me paroit du plus mauvais genre, en ce qu’ils n’expriment que les cadences et jamais les nuances ni les Sentiments et que leur visage ne rend non plus que les plus forts mouvements de l’ame le ballet de ce théatre est simplement des pas anglois les dansseurs et les dansseuses étoient a peu près vètus comme ces joueuses de vielles qui courent les rues de Paris un jupon de laine rouge et une espèce de mantelet d’indienne juste a la taille tout leur [406] art consiste a faire des pas anglois très vite et en cadence il y en avoit un cependant qui m’étonna dans ce genre par sa force et son agilité on donnoit le bon ton35 pour petite pièce un acteur Mr. King36 Savançat Sur la Scêne pour réciter le prologue, il me fit un plaisir inexprimable il contrefit à merveille divers personnages qui entroit [sic] dans son prologue, la petite pièce aussi m’amusa infiniment une actrice y jouat avec toutes les graces de l’accent que la nature peut donner cetoit dans le genre plaisant, la pièce n’étoit composée que de rendez vous criminels qui manquoient au moment du dénouement sans doute pour ménager la pudeur des Dames.

Du Samedi 20e

J’ai été voir ce matin une fort belle maison du Duc de Bedfort37, la cour et la forme est [sic] a peu près comme celle [sic] de nos hotels de Paris, les plafonds sons [sic] assez bas, les ornements sont massifs et gothiques beaucoup de richesse et peu de gout les cheminées sont faites comme des dessus de porte cochère un espece de chapiteau, en tout, cette manière de décorer est fort triste les glaces sont petites et circulaires et tellement [407] surmontées de bordures epaisses et dorées quelles ne répètent que l’or et jamais la personne, enfin les richesses des anglois me rappellent assez la fable de Midas38 qui changeoit en or tout ce qu’il touchoit ensorte qu’il étoit privé des parfums des Saveurs et de toutes les commodités de la vie, les glaces même [sic] ne peuvent répéter une jolie femme c’est de l’or qu’on y voit le Jardin du Duc de Bedfor [sic] est comme tous les autres jardins de ville anglois, du gazon et des arbres, rien de plus, un grand espace vuide devant la maison, pour ne pas géner la vüe, c’est ainsi qu’est le parc St. James39, on voit sur la Pelouse environnée d’arbres, un grand troupeau, une immense piece d’eau le traverse tout entier, il est bordé des deux cotés par une allée d’arbres à perte de vue tout cela Sans Soins et sans ornements l’impression de ces objets n’est pas agréable au Sein de la ville on aime bien alors que l’art ajoute un peu a la nature cette négligence porte l’imagination aux deux extrêmes, depuis les carosses et la magnificence jusques a cette nature agreste, il faut que les passages soyent moins sensibles autrement ils ne servent qu’a montrer leurs deffauts réciproques, leurs jardins [408] me plaisent plus dans les Campagnes éloignées, le Soir j’ai été entendre un opéra de métastase cayus marius la musique est de piccini40, il m’a fait effectivement assez de plaisir Mlle. Gabrielli41 ménage sa voix ses gestes, l’expression de sa phisionomie comme le feroit a Paris une actrice consommée, ce qui prouve que le vrai beau est le même dans tous les Paÿs, je suis sure qu’a Paris la Salle seroit tombée d’applaudissements, a peine avons nous entendu quelques battements de mains, mais en revanche au ballet les airs de tambourins ont été reçus avec les meme [sic] transports que les jours précédents chacun battoit la mésure, il y avoit une actrice détestable qui nous écorchoit les oreilles, on la laissée chanter tant quelle a voulu, sans Souffler sans huer cela ne faisoit aucune peine, j’aime mieux la Gabrielli que la Bastardella42, cette dernière a la voix plus étendue mais l’autre fait de la Sienne tout ce qui lui plait la file, la nuance a son gré, l’une m’a étonnée et l’autre m’a charmée, ces chanteurs Italiens font l’effet le plus ridicule, dese gros hommes avec des voix fluttées et mignones sont deplaisants et bizares ce sont encore des disparates [409] mais j’aime passionement leur voix quand je ferme les yeux43 au reste si l’impression que reçoivent les Spectateurs ne se montre pas fortement dans ces deux Spectacles on peut l’attribuer a différentes causes, a l’opera le parterre est à douze francs et ce sont les meilleures places, les femmes vont par tout et par tout il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes j’ai oublié de parler des décorations, il y en a quelques unes d’assez belles a l’opéra, mais a la Comedie j’ai trouvé la même disconvenance que j’ai remarqué [sic] dans tout ce que font les anglois en ce genre.

Du Dimanche 21e.

J’ai diné chez Miladi Sthanopes44 [sic] oû je n’ai rien remarqué que la Singularité de la chère angloise.

Du Lundi 22e.

J’ai été voir la tour de Londres45 on ma montré d’abord une Salle immense qui contient des armes de toute espèce pour plus de quatre vingt mille hommes, les décorations sont faite [sic] par larangement des armes, j’ai été dans une autre Salle remplie [410] de pieces de canons de mortier &c. on ma montré ensuite la couronne du roi celle de la reine le Sceptre &c. tout cela garni des plus beaux diamants et valant des Sommes, mais de très mauvais gout, la Sallière46 pour le jour du couronnement est un modele en or de cette tour avec quatre tourelles, on m’a fait passer dans une Salle très curieuse ou sont toutes les armes de l’ancienne Chevalerie et de tel chevalier en particulier qui s’est distingué par sa force et son courage, on y voit des chevaux tous armés, tels qu’ils l’etoient autrefois avec leur Cavalier dessus ; enfin les figures en cire a cheval et toutes armées des principaux rois d’angleterre j’ai été frappée sur tout du visage ridé de Charles 247 de ce roi si galant, du visage assez peu intéressant de Charles premier48 et de la phisionomie si terrible si expressive d’henri huit49 de la on ma montré des tigres et des Lyons50, la terreur étoit trop forte pour que le plaisir fut grand je n’ai pas eu le courage de les éxaminer avec une attention calme ; J’ai encore remarqué l’avidité du peuple anglois pour l’argent. Les Domestiques attachés a ce monument public ne veulent rien montrer qu’ils ne soyent payés d’avance. Une Dame avoit pleuré beaucoup sur le [411] sort de Miladi Kinston mais quand elle eut été a Wesminster et quelle eut entendu plaider, ah ! dit-elle je donnerois tout au monde pour r’avoir mes larmes. Garrick dit qu’il est impossible de juger de la déclamation dans une langue étrangère avant de s’être habitué au ton particulier a la nation qui paroissent [sic] toujours ridicules les premières fois ; diné chez Miladi Mansfield le soir on m’a menée a une grande assemblée chez la Duchesse Northumberland51, j’ai vu beaucoup de meubles magnifiques beaucoup de femmes peu d’hommes et une nombreuse Compagnie sans Societé

Du mardi 23e.

L’après midi J’ai vû la femme jalouse52 oû j’ai remarqué trois choses, l’une c’est l’abandon des acteurs qui se permettent de crier de pleurer d’elever la voix, comme feroit dans la Societé la personne qui se possederoit le moins, telles sont les vapeurs de la femme jalouse, l’autre c’est que l’amant interressant de la piece paroit ivre aux yeux de sa maitresse, et enfin les femmes ne sont point ménagées, le mari chante pendant que sa femme pleure, j’ai vû une pantomime53 Spectacle très Singulier, c’est [412] toujours Arlequin qui enlève Colombine qu’on voudroit donner a un marquis François, Arlequin est magicien et fait sur le théatre des choses fort étonnantes

Du Jeudi

Vû le Soir guarrick every man in his humour54, des le premier instant ou j’ai vu ce grand acteur j’ai connu qu’il étoit ce modèle idéal que tous les autres cherchent en vain à imiter, ils ont une partie des instants, mais l’ensemble qui fait cette impression extraordinaire, c’est le premier a qui je l’ai vû, l’attitude le regard les passions violentes ont <ou> étouffée [sic] les nuances et en un mot la perfection c’est toujours la nature mais la nature dans sa plus grande beauté ; ce n’est pas l’acteur de Langleterre c’est celui de tous les Siècles et de toutes les nations, vous oubliez l’acteur c’est la passion même que vous voyez, vous n’avez pas le tems de respirer, sa demarche tout lannonce incessu patuit dea55, des que je l’ai vu je l’ai reconnu et tous les autres nont plus été rien pour moi l’image même de nos acteurs célèbres ne s’est plus présentée a moi qu’avec dégout tout ma paru forcé déplaisant a coté de ce grand homme il jouoit le role de Kileli56 ou la jalousie d’un Bourgeois

[413] Du Vendredi

J’ai été voir de fort beaux lustres une Suite d’injection57[sic] très extraordinaire ou toutes les parties du Corps humain sont mises en comparaison avec celles de tous les différents animaux par gradations insensibles jusques au poissons, j’ai vu une tête de blanc à coté d’une tête de noir et plus loin celle dun Singe, il y avoit les mêmes différences du blanc au noir que du noir au Singe, ensuite j’ai diné chez Milord Shelburn58, tous les anglois riches ont leur [sic] plafonds Sculptés et dans les intervalles de la Sculpture on met de fort beaux tablaux, j’y ai vu un grand nombre de Statuës.

Du Samedi

J’ai été voir le monument59 c’est une immense colonne la plus haute de l’Europe dont la baze est large ; sur un des cotés est une l’ongue inscription qui vous apprends [sic] que ce monument à été élevé en commémoration de l’incendie de Londres dont on accuse les catholiques, l’intérieur ne contient qu’un escallier d’ou l’on peut monter à l’extrêmité de la tour et découvrir <ainsi> un Paÿs immense, de la diner chez Mr. Walpole60 belle maison encore et toujours beaucoup de tableaux on disoit au laquais de Mr. horace61 [414] Walpole que sa maison étoit bien ancienne. Ah! dit-il mon maitre en fera une l’année prochaine qui le sera bien d’avantage, on prétend que je disois a Mr. horace Walpole que je Suis venue a Londres pour voir les spectacles les campagnes et les grands hommes on assure qu’il ma répondu, je vous donnerai la liste de nos campagnes, je vous accompagnerai au Spectacle et quand aux grands hommes je m’en informerai, a ce diné chez Mr. thomas Walpole j’ai recueilli par mon expérience, qu’il falloit toujours recevoir avec politesse les offres de recommandation qu’on nous fait fussent elles humiliantes pour nôtre amour propre et qu’il ne faut jamais dire après un conte je l’ai déja entendu, enfin le soir j’ai vu garrick dans hamlet62, son air d’abbatement dans la première Scêne m’a frappé [sic] comme très sublime, son air d’effroi à laparition de l’ombre m’a paru encore très beau, la maniére dont il suit l’ombre dans la conversation avec sa mère, ses yeux ne perdent pas l’ombre de vue un instant sans sortir de sa place on y voit tout a la fois la crainte d’une chose extraordinaire, la terreur qu’inspire la vue du Spectre d’un père cheri et le désir d’aprocher l’ombre sans oser le faire, c’est ainsi que dans la première Scêne [415] ou l’ombre lui fait Signe de le Suivre, il marche en tremblant à pas lents et a une grande distance mais cependant il la Suit toujours, hamlet dans cette piece veut contrefaire le fol pour n’être pas observé, mais cependant on voit qu’il est reellement frappé et c’est la finesse du jeu de l’acteur qui fait faire cette remarque plus que le poëte ; il a un geste qui fait <produit> un grand effet, dans des mouvements de passions ; il porte ses deux mains avec vivacité contre son front et il les rejette ensuite de coté en les tournant de différentes manières malgré cela j’aime mieux garrikc [sic] encore dans le comique que dans le tragique mais je crois que c’est plus la faute de Shakespear que celle de l’acteur qui est obligé necessairement de nuire a son caractère par le contrastre du comique et du tragique quoique ce comique ne rappelle point sa manière de jouer dans la comédie, les anglois regrettoient infiniment toutes les Scènes bizares que garrick a retranchées63.

Du Dimanche.

Diné chez Milord Mansfield lâ, vu des êvèques vètus de grandes robes fort larges Serrées avec une Ceinture de soye qui fait remonter les plis et boursoufflé [sic] la taille et assez longue pour s’embarrasser [416] dans leurs jambes et donner un air empétré a toute leur personne, en tout je rencontre tant <de> choses nouvelles, l’on me parle d’une manière si surprenante pour moi sur le gout sur les mœurs &c. qu’il me semble que je recommence a vivre dans un nouveau monde il y a une certaine barbarie jointe a la plus grand magnificence qui rend ce Spectacle plus frappant par le contraste. Si nous étions chez des Sauvages j’en Serois moins étonnée.

Du Lundi 13e.

Le soir j’ai été a Renelaugh64 avec Milady Mahon65, cette sortie de Londres est encore d’une Magnificence qui laisse a peine respirer des avenues d’une largeur immense bordées de deux files de lanternes, une suite de Carosses non interrompues [sic] depuis la ville jusqu’a cet enorme batiment, lâ tout est dans le grand, une cour plus grande qu’une place publique environnée de trottoirs par le moyen desquels on peut aller chercher son carosse a quelque distance que ce<’il> Soit point de police et beaucoup d’ordre. l’equité générale tenant toujours lieu de la force ; nous avons traversé d’abord une Salle dans laquelle sont des bancs pour attendre son carosse, cette salle seule [417] est presque aussi grande que nôtre collisée ensuite une multitude de galleries dont l’œil ne Sçauroit mésurer la longueur et enfin nous sommes arrivés dans une rotonde66 effrayante par son immensité toute environnée d’une galerie avec des appuis surmontés d’une multitude de Senestres67, au milieu est un batiment très décoré qui sert a cacher un enorme poële, tout le tour de la rotonde est une galerie guirlande de lumière non interrompue alternativement rouge bleue et blanche, ce batiment du milieu porte aussi plusieurs rangs de ces mêmes guirlandes, rien n’est si beau que ces illuminations la foule <qui> tourne sans cesse autour de cette Salle et [sic] si grande le bourdonnement d’une langue Sifflée s’élève avec tant d’impétuosité que vous vous croyez a ce rendez-vous général ou tout l’univers doit comparoitre un jour, ou a ce palais de la renommée décrit par les poëtes ou toutes les voix du monde aboutissent, l’effet de ce premier coup d’œil est inexprimable, on ne peut marcher qu’avec adresse et beaucoup de peine au milieu de ces flots de peuple, pour étouffer un peu ces sifflements on a imaginé un maudit concert68 aigre qui crie du haut de la galerie personne n’écoute les voix qui le forment et dont le fausset domine quelque fois le Sifflement, l’amour [418] propre de ces chanteurs ne doit pas être fort Satisfait, plusieurs espèces de Salles basses ou de loges très enfoncées de plein pied et autour de la rotonde sont occupées par des tables de thé, au milieu de toute cette magnificence de bon gout car tout ce qui est grand est de bon gout, on apperçoit dans le fond de chaque loge un tableau en carricature car il faut que le bout d’oreille se montre69

Du mardi

A la Comédie le soir cetoit Sir john brute ou la femme provoquée70 garrick avoit une grande perruque, un habit gris galonné en or un gros ventre toute l’habitude du corps si bien dun gentilhomme de Campagne qu’il étoit impossible de retrouver la hamlet, quel ton de dégout dans la première Scêne, quel ton brusque avec sa femme et cependant sans charge, sans exagération, on voyoit qu’il retenoit la moitié de son humeur, il ma bien fait appercevoir que sans nous en douter les personnes qui ont un caractère font des mines à toutes les choses qu’ils disent et qu’ils entendent ces mines échappent à nôtre attention comme le Son des lettres mais elles nous frappent dans limitation, un acteur médiocre ne Saisit que des grands traits et comme ils ne sont point nuancés par les [419] gestes et les mines de détail, ce n’est plus qu’une caricature, mais le bon acteur est comme l’excellent peintre, tout est vrai dans tous les instants et dans toutes les parties, c’est ainsi que Garrick avoit de l’humeur contre sa femme jusqu’au bout du pied et que tous les traits de sa phisionomie sans être dérangés exprimoient le degout ce qui n’empechoit pas que toute l’habitude de son Corps n’appartint a un gentil’homme riche bon vivant campagnard et fénéant, après s’être montré avec sa femme, il reparoit avec des hommes de sa Connoissance, c’est toujours le gentil’homme Campagnard mais plus a son aise et moins de mauvaise humeur parce qu’il est avec des homme [sic] qui boivent un peu avec lui, on voit bien cependant qu’il n’est pas <encore> entièrement en liberté avec eux et quand on lui annonce ses vrais compagnons de débauche son visage s’épanouït d’avantage enfin il reparoit au sortir de table on voit l’empreinte de l’ennui qu’il a éprouvé en dinant avec sa femme, il est cependant un peu moins fort que dans l’autre tête a tête car il a bu et mangé et il attend sa pipe, mais ou il commence surtout à être sublime cest quand il paroit a table avec tous ses amis, il n’est qu’un peu gris, il est aux transports de la [420] joye la plus vive, cest alors qu’il s’ennivre insensiblement qu’il devient querelleur qu’il fait des yeux des mines des gestes incomparables son regard dit plus que tous les poëtes n’en pourroient exprimer c’est une si grande perfection dans l’imitation que l’objet le plus hideux devient alors le plus sublime, qui pouroit rendre l’expression de ses moindres mouvements, c’est une métamorphose réelle et entière, c’est le miracle de l’art, on le trouve ensuite dans la rue, appercevant les habits de sa femme il pallit reellement en les voyant, enfin il s’habille en femme il n’est pas assez ivre pour ignorer tout le parti qu’il peut tirer de cette plaisanterie et chez le juge de paix on le voit tout a la fois ivre et cependant jouant un role fort gay, c’est encore une autre nuance d’ivresse, dans la Scene ou il veut s’emparer des deux femmes masquées il est un peu plus ivre encore mais quelle perfection dans sa poltronerie, nos acteurs tremblent et nous font appercevoir tout de suite par la charge que ce n’est qu’un jeu, lui en homme du monde cache sa peur on ne l’apperçoit que dans des regards dont il n’est pas le maitre, on démèle ses pensées comme on le feroit dans la Societé et c’est ainsi que l’illusion [421] augmente, mais enfin quand il entre chez sa femme la nuit il est ivre mort, il ouvre la porte et reste appuyé contre un des cotés, sa figure est dans un terrible désordre tous ses traits sont abbatu [sic], ses jambes et ses doigts sans force et je n’ai plus pensé que toute cette ivresse n’étoit qu’un jeu, depuis ce moment je ne l’ai plus applaudi, je sentois l’odeur du vin de ma place et quand il a contraint sa femme a le baiser j’ai éprouvé un dégout affreux, quand après avoir trouvé l’amant de sa femme il s’endort en grondant, les efforts qu’il fait pour se tenir éveille [sic] la manière dont il ouvre les yeux en se ridant le front, les mots qu’il prononce bas en croyant de parler haut, tout est d’une vérité incomparable, j’ai oublié de parler d’ une autre nuance de sa poltronnerie lorsqu’étant un peu plus ivre il contrefait les gens qui ont du courage et les tourne en ridicule. J’ai vu ensuite un opéra commique anglois pris d’on ne Savise, [sic] jamais de tout71 dont on a retranché toutes les choses fines pour y mettre desu burlesques, une vielle femme amoureuse, un nègre ivre cet ivrogne ma paru insuportable après garrick j’ai bien vu alors que les grands traits sans les détails nont aucune vérité

[422] Du mercredi

J’ai été voir le parc de Kingsinton72. J’ai été charmée de l’etendue de la varieté des Sites qu’on entrevoit de loin pour piquer la curiosité et jamais pour la Satisfaire j’ai admiré aussi l’effet que les anglois produisent par la varieté des verds ils font des espèces de mur avec des colomnes d’un verd si sombre qu’on croit être dans un lieu de dueil [sic], et ce Sentiment vous inspire du respect et de l’effroi l’on met en contraste cette triste verdure avec le verd le plus pale ou avec des arbres dont les feuilles sont vertes bordées de blanc d’ailleurs les espaces sont immenses car ils aiment tout ce qui est grand en batiment en rue en place en jardin, je suis enchantée aussi de ces Squares que l’on trouve à chaque bout des rues de Londres ce sont d’immenses places toutes environnées de maisons égales au milieu une pelouse immense de gazon dans laquelle se trouvent tantôt une pièce d’eau tantôt des arbustes et tout choisis, <et tout> cela environné par une balustrade a hauteur d’appuis.

Du jeudi

Le soir j’ai vû Rule a wife and have a wife73 garrick joue dabord [423] le role d’imbecille avec une perfection dont il est impossible de donner l’idée, toute son attitude le bout de ses doigts annonce la bétise et tous les Spectateurs y sont trompés, commé [sic] les acteurs ; dans la Scene avec marguerite quand elle lui ordonne de la baiser on voit sont [sic] embaras de la manière du monde la plus plaisante il ne sçait ou mettre sa canne et son chapeau, enfin quand il l’a embrassée, la maniére dont il sourit comme un homme qui est content de s’etre aquitté de sa tâche et qui y trouve pour tant un certain plaisir tout cela est du meilleur comique quand il s’apperçoit qu’on lui fait des questions Scabreuses, il regarde son chapeau et le tourne sans cesse et enfin quand il a répondu comme il est assez content de ce qu’il a dit il se hazarde a regarder celui qui lui parle avec un petit air de Satisfaction, après s’être marié avec quel respect et a quelle distance il donne la main a sa femme comme il la suit et comme il marche toutes les fois quelle marche et s’arrète quand elle s’arrète enfin ces nuances de bètises disparoissent un peu quand il veut commencer a gronder comme c’est adroitement et par dégrés, il garde son premier habit et alors sa phisionomie est moitié bète moitié raisonnable et moitié [424] Soumise, enfin dans le reste de la pièce il change entièrement mais comme ce qu’il avoit a dire étoit fort dur, il a corrigé la brutalité du role par un grand air de Noblesse quand il parle en brulant <brutal>, on voit qu’il est en colère et que c’est la passion qui l’emporte et non le caractère, quand il a des chôses douces a dire il y met un ton de politesse et de tendresse qui montre aux Spectateurs que c’est malgré lui qu’il use de violence, l’on le plaint des choses qu’il est obligé de faire, l’on hait sa femme de rendre mal’heureux un si galant homme qui veut la rendre heureuse et qui l’aime c’est ainsi que l’impression qu’on reçoit en lisant la pièce et celle qu’on éprouve en la voyant jouer sont entièrement différentes, garrick à trouvé le moyen de cacher tout l’odieux de son role, et de faire même oublier Sa Supercherie en se montrant amoureux de la femme qu’il veut corriger nous avons vu dans cette pièce des charges qu’on ne Supporteroit pas en France, un usurier dont le ventre tout couvert dargent étoit monstrueux, deux femmes qu’on ne peut appeller d’aucun nom, cetoit des hommes habillé [sic] en femme, mais si hideux qu’ils <qui> avoient tellement l’empreinte du vice dans toute leur personne [425] une haleine si infecte qu’on faisoit appercevoir au Spectateur que jamais je n’ai rien vu de si vrai et de si odieux enfin pour achever le tableau quand on a jette [sic] ces Spectres par terre ils <se> sont occupés a cacher[ ?] <cacher[ ?]> leurs jambes pour dégouter de la pudeur comme <le vice> on a dégouté<e> de la beauté

Du Vendredi

Je suis allée a Cuë <Kew74> j’ai dabord été frappée de la Simplicité extérieure de la maison qui a quelque distance a plus l’air d’une ferme que d’un palais, l’intérieur est plus simple encore, de petites Salles basses, rien de remarquable que d’assez beaux tableaux, mais j’en ai vu une si grande quantité qu’ils se sont confondus dans ma tête, n’ayant dailleurs personne qui fixat mon attention par des remarques, j’ai vû des peintures sur glaces faites a la Chine qui sont assez agréables, le plus beau meuble étoit de Damas et la tapisserie de papier l’escaillier de bois, mais quand je suis sortie pour voir le jardin la Scêne a entièrement changé jamais je n’ai vu la magnificence de la nature se déployer avec tant de graces et avoir tant d’empire sur les Sens, dabord cette mer de gazon qui est devant toutes les maisons de ce paÿs entourée [426] d’arbres superbes disposés de differentes manières ensuite ces Sentiers tortueux ou l’on fait plusieurs milles a l’ombre entre des bosquets couverts de fleurs et qui repandent les plus délicieux parfums, a chaque pas un objet qui pique la curiosité ou un batiment étranger ou d’immenses pieces d’eau entourées d’arbustes et de gazon et sur lesquelles se trouvent un Kioske un [sic] Isle dans le milieu un pont quelquefois un temple ou une colonne a perte de vue, sur laquelle on monte dans l’intérieur par un escallier facile et d’ou l’on découvre cet eden qui frappe d’avantage les yeux et l’imagination, mais d’une manière différente par tout une propreté qui enchante tous les sens, voila les impressions qui me sont restées et que je voudrois retrouver sans cesse, je suis entrée de la dans le parc de Richemont75 qui m’a paru un peu moins soigné, cependant la vue est belle sur la Tamise thamise tous ces vaisseaux a grandes voiles que l’on voit passer d’une rive bordée de verdure et d’arbustes font un charmant effet on apperçoit a l’autre bord Scion Superbe maison du Duc de Richemont76. J’ai été diné [sic] a l’auberge a Richemont77, de l’auberge même qui est dans un lieu fort élevé on découvre le lit de la [427] tamise qui tourne trois fois dans la plaine, entourée de toutes ses richesses, d’arbustes, de grands arbres de troupeaux, de verdure le soir nous l’avons traversée en bateau pour nous rendre à Scion78, la porte de ce palais appuiée sur quatre colonnes annonce déja Sa magnificence, j’ai été frappée de l’antichambre au point de reculer d’étonnement, c’est une vâste Salle dont les deux extremités sont soutenues par des Colonnes de marbre blanc, au milieu de ces colonnes sont des Statues couchées et dans des niches tout le tour autant de Statues des plus beaux modèles, le plafond Sculpter [sic] comme tous les plafonds de ce Paÿs, celui ci est en blanc, on monte par deux rampes de marbre placées aux deux cotés de l’estrade qui soutient ces Statuës, et l’on arrive a une autre Salle d’un marbre vert changeant d’Italie environnée de Colonnes du même marbre les Conssoles et le parquet demême, le plafond Sculpté et doré sur chaque colonne une Statue dor qui forme le chapiteau et qui est presque de grandeur naturelle quoi quelle paroisse petite a cause de l’elevation suit un troisieme Sallon ou l’on a prodigué tout ce que la dorure peut étaler de richesses tapissé d’une Superbe étoffe de Lyon, et les fauteuils demême des cheminées fort hautes et presque sans rebord [428] comme toutes les cheminées angloises mais d’un travail exquis en marbre et en bronze doré ce qu’il y a deplus extraordinaire, c’est le plat font [sic] tout composé de petits tableaux parfaits de différentes formes encadrés en or et copiés d’herculaneum, suit enfin une galerie immense ou l’on a affecté de ne point mettre de dorure et qui repose délicieusement la vue ; après toute cette magnificence ; c’est un fond bleu celeste tout parsemé de guirlandes et de figures de platre de la plus grande délicatesse le plat fond de même, c’est un ouvrage charmant qu’un souffle peut detruire joignez a cela les plus beaux tapis, dans les trois pièces qui ne sont pas parquettées de marbre des glaces, des glaces qui ont la proprieté de renverser ou de rapetisser les objets, j’en ai vu [sic] de ce genre dans plusieurs maisons car les anglois aiment souvent dans l’art ce qui est le plus loin de la nature aux deux extrémités de cette galerie sont deux boudoirs Superbement orné [sic] dont l’un a un dome qui ressemble assez (j’en excepte cependant la richesse et la magnificence) au Dome d’un Cabinet de Madrid le jardin rappelle en petit celui de Cëu79 il est coupé par une rivière factice sur laquelle s’élève [sic] plusieurs ponts, il est séparé du [429] parc par un haha80 ensorte que tous les animaux qui paissent dans le parc paroissent être dans le jardin. au bas du parc est la tamise

Du Samedi

J’ai bien vu aujourd’hui la différence d’un parc anglois a un jardin anglois, nous avons traversé le Superbe parc81 de Miladi Spencer82 ce sont de grands espaces de verdure, ni roulés ni coupés, et ou les animaux paissent au hazard car ils ne sont retenus par aucune haye de grands bouquets, d’arbres dans la pleine ou sur des colines verstes une pièce d’eau souvent factice mais toujours très vaste et qu’on apperçoit comme un grand lac du haut de ces colines tel est le parc de Milady Spencer, point d’arbustes en un mot l’art y est toujours caché et on ne le reconnoit qu’a l’assemblage d’effets toujours séparés dans la Campagne ; la maison83 n’a rien de fort magnifique, beaucoup de beaux tableaux dont l’impression ne m’est pas restée, on m’en a fait remarquer deux travaillés en Soye qui font un fort bel effet, nous avons commencé de voir le jardin, des allées en Spirale bordées d’arbustes des deux cotés et qui laissent toujours la Curiosité de voir ce qui est derrière [430] Curiosité qui se renouvelle a chaque pas, de la nous avons été chez Milord Besborough84, j’y ai vu une quantité de tableaux de toute espèce, mais comme je n’ai fixe [sic] mon attention sur aucun en particulier il ne m’en reste que des idées confuses, un Cabinet tout entier de Liottard85 l’on y voit des choses frappantes pour la vérité de l’imitation, de la j’ai été chez M. Vaneck86, l’aspect de la Scêne87 qui coule doucement sous ses fenêtres couverte [sic] de voiles et de bateaux dans sa plus grande largeur et environnée de verdure ma paru délicieux nous avons vu encore chez lui un tableau88 qui réunit tous les tableaux de la galerie de florence et chacune de ces miniatures de tableaux à été fait [sic] par le peintre qui avoit composé le grand modèle toutes ces têtes examinées avec une loupe ont une vie qui ma frappée d’étonnement, le soir je suis revenue pour la pantomine<me> ou je n’ai vu avec plaisir qu’une cascade faite d’eau véritable

Du Mardi

Le Soir j’ai vu jouer le role d’archer par Garrick dans le Stratageme des beaux89 c’est un gentil’homme déguisé en Laquais qui a plusieurs bonnes fortunes, il m’a paru aussi parfait dans [431] ce role que dans tous les autres, il faut être très galant sans fatuité et cependant sans amour, il faut être très brâve dans le moment des voleurs et cependant paroitre ne pas vouloir se battre afin de se faire presser d’avantage par la Dame sans que le Spectateur vous soubconne de poltronerie enfin il faut être moitié escroc et moitié gentil’homme, j’ai vu ensuite l’homme de qualité90 ou Mlle habington91 jouë très agréablement un petit role de Campagnarde

Du mercredi

J’ai été voir le panthéum92 c’est une belle Salle en colonne de Stuck avec un dome Superbe environnée de galeries avec <et> des<e> niches qui contiennent des Statues

Du jeudi

Ensuite j’ai été a Much ado about <about> nothing93 par garrick c’est là oû il a déployé encore une autre sorte de talent, son role est celui d’un homme qui dit du mal des femmes et qui prétend ne pouvoir les souffrir pour l’attraper on lui laisse entendre car il est caché derrière un arbre qu’une jeune personne est amoureuse de lui, alors la vanité se glisse insensiblement dans son esprit [432] et travaille sur son Cœur on voit ces gradations sur sa phisionomie et dans tous ces mouvements, cette jeune personne qu’il ne pouvoit Souffrir prend insensiblement de l’assendant sur lui il se répette des choses simples quelle lui a dites et même désagreables et il se dit qu’il est condamnable s’il ne laime pas mais tout cela avec des gestes si agréables et si pittoresques qu’on l’entendroit quand on ne comprendroit pas sa langue ce n’est jamais les mots qu’il marque comme les acteurs communs mais c’est le Sentiment qu’exprime [sic] les mots il faut suivre toute sa personne qui change a chaque Seconde et cependant tous ses mouvements sont doux et gracieux a la fin dans un acces de joye il s’est mis a danser dune contre danse la gayeté et la grace la justesse sembloient l’avoir embelli de nouveaux charmes, j’ai oublié de me le retracer dans le moment ou sa maitresse a exigé de lui qu’il se battit avec son ami, la peine que cette demande lui fait éprouver, ensuite la résolution qu’il prend de lui complaire la manière dont il l’éxécute, c’est la bravoure d’un homme irrité et indigné, ce n’est plus celle qu’il avoit dans l’autre pièce contre les voleurs, ce n’est plus le même homme.

[433] Du Samedi

Vû le parc de Richemont, il est plus agreste que les autres, les daims y paissent, le gazon n’y est pas entretenu, ensuite le parc de Milord Clives94, c’est toujours des bouquets d’arbre [sic], des pièces d’eau, des montagnes couvertes d’arbres, des gazons charmants et en tout l’air de grandeur et de fraicheur, on le traverse en carosse par une route de gravier, on arrive au pied de la maison qui vient d’être batie, le devant est un perron Soutenu par plusieurs Colonnes, derrière est le jardin, dans le jardin on voit presque adossée <contre la maison> une Colline d’arbustes odoriférants, dans l’enfoncement et tout le tour de la maison sont des arbres d’un verd différent qui entourent <environnent> de grandes pièces de gazon, cela ressemble à une mer dont les arbres feroient le rivage, remarqu’ons en passant qu’on cherche Souvent des comparaisons dans des objets qui ne nous sont connus que par la description, ceux que nos yeux ont vû n’offrent pas autant de rapports, car nous appercevons alors toutes les différences ; dans l’antichambre de Milord Clives comme dans celle du Duc de Bedfort il y a des nudités, les anglois ont pour leur Statue le même principe que pour leur comédie et leur tragédie, ils ne veulent point de voiles du Sang des rendez vous [434] et des nudités, je m’accoutume à cette architécture angloise, à ces plafonds décorés, à cette quantité de Colonnes dans l’intérieur, tout cela fait un beau Spectacle, de la nous Sommes arrivés à Cobbham qui appartient à Mr. hopkin95, nous avons vû dans cet endroit ce qu’on nomme véritablement un jardin anglois, on nous à fait courir en Chaise à travers des Sentiérs bordés d’arbustes fleuris, à chàque pas nouveau, sic point de vue, car l’art consiste sur tout à les varier, nous avons vû d’abord un temple sur une Colline C’est un batiment rond entouré de Colonnes, d’oû l’on découvre une belle pièce d’eau, avec le pont qui la traverse et plusieurs autres points de vue charmants, ensuite on descend vers cette pièce d’eau et l’on S’apperçoit quelle est factice ce qui n’est pas aussi agréable, l’on y a bati une grotte en rocaille avec des cristalisations parfaitement bien imitées qui sont Suspendues c’est précisement la demeure des nayades telle que les poëtes la dépeignent, on entrevoit la pièce d’eau qui entoure la grotte par des jours pratiqués exprès, et l’on y sent une fraicheur excessive, tous les environs sont remplis de rocaille, on m’a fait monter de la sur une coline solitaire, au milieu de la coline commence [435] une grande allée d’arbres allignés et rapprochés, au bout est un hermitage avec le lit de Malte et tous les petits utenciles de bois destinés à l’hermite, comme cette cabanne est sur le penchant de la Colline, on découvre de la fenêtre la plus belle vuë possible, et autour de la fenêtre sont des arbres inclinés par le penchant de la coline on reprend l’allée et <l’on> continue à se promener jusques a une tour très élevée et batie à l’antique, l’escalier monte jusques sur le toit d’ou l’on découvre le jardin qui est entouré par une terre noire déserte et Stérile, ce qui montre les fraix énormes qu’il a falut faire pour élever cet eden au milieu de ce désert, ensuite on vous fait descendre dans des brousailles, et l’a vous appercevez des ruines, des inscriptions antiques, des arbres renversés, des pierres jettées au hazard, c’est au pied d’une montagne inculte qu’on vous fait cotoyer par un chemin étroit oû vous vous croyez dans lendroit le plus reculé de l’univers, on à profité du revers de cette montagne pour en faire un autre aspect, celui d’une coline délicieuse et cultivée et d’une vallée très agréable qui vous mêne insensiblement à une plaine un peu élevée oû l’on a répandu sur le gazon le plus frais et le plus soigné, les arbustes les plus [43796] odoriférants, tout ce que la fraicheur et la grace des jardins peut produire d’enchanteur se trouve lâ, au milieu est un temple de la plus belle architecture antique ; architecture qui ne me plait pas cependant, en ce qu’elle est basse, que le devant est un triangle, et que les quatre Colonnes qui le Soutiennent sont de suite et basses comme le reste de l’edifice, sur le devant sont quatre niches avec des Statues, dans l’intérieur est la Statue de Bachus, nous avons été dela à une autre maison de Campagne C’est une ferme ornée qu’on nomme je crois Sockey97 du nom du maitre, c’est dabord de grands carrés de Charmille dont on fait le tour par un Sentier pratiqué le long, [sic] de la charmille bordé de l’autre coté par quelques fleurs et le milieu rempli de trefle, de bled &c. toujours en variant les plantations, plus on avance plus le soin se montre, après avoir vû des objets champêtres on rencontre des corbeilles de fleurs, souvent des pièces deau, quelquefois de petits batiments pour se reposer et enfin on arrive à un bois délicieux dont la vuë donne sur la tamise mais toujours a travers les branches qui laissent des jours artistement ménagés, au milieu est aussi un temple moins riche que celui [438] de Cobbham, en tout je n’en puis faire une description exacte cet endroit qui semble planté au hazard et sans méthode fait naitre beaucoup de Sentiments et peu d’idées, l’on admire l’un, et l’on veut en parler, l’on voudroit rester dans l’autre et n’y rien dire nous avons vû une petite Campagne dont j’ignore le proprietaire le devant de la maison est une grande pièce circulaire de gazon environnée de Sapins et de cèdres ce qui donne à cet espace un air triste et majestueux, on voudroit y batir un tombeau, nous avons vû ensuite à travers les arbres une superbe cascade et un pont sur une grande pièce deau qu’on fait tourner a son gré pour ouvrir et fermer le parc, un cèdre du liban d’une grande hauteur ; de la nous avons été à ockland dans le parc du Duc de Neucastle98, c’est la magnificence angloise dans toute sa majeste, ce Sont les plus beaux gazons lespace le plus immense, les arbres les plus élevés les montagnes les colines les prairies tout cultivé avec le même soin, et tout y paroit d’autant plus vaste que la vue peut tout embrasser d’un coup d’œil par la disposition des objets, l’on remarque sur tout une terrasse de gazon qui donne sur la tamise qui fait le plus bel effet du monde par la pente insensible qui conduit [439] avec une verdure délicieuse de la hauteur jusques à la rivière

Du Dimanche

En allant à Strawberri99 diner chez Mr. horace Walpole je me suis arretée à Twichnam100 a la maison de pope101 j’y ai vû un jardin anglois très agréable, au milieu des bosquets les plus fraix est une grotte qui à été errigée <Construite> par william Sthanopes102 à la mémoire de pope devant est le buste de pope avec des vers, dans l’intérieur sont des niches oû l’on trouve encore plusieurs bustes et en particulier celui de Milord Chesterfield103, en sortant de l’autre coté on rencontre une colonne sur un petit tertre, environné d’arbres, colonne que pope avoit fait erriger a la mémoire de sa mère104, enfin l’on trouve une autre grotte remplie de divers morceaux antiques, on la traverse et l’on est surpris de voir la tamise à l’autre bout avec ces bords verds et fleuris, enfin j’ai été a Staberri105 j’ai vû dabord quatre tours de différentes formes qui composent tout le batiment, ce batiment est environné de hautes murailles couvertes de lierre qui serpente ; au milieu est une vielle petite porte noire à laquelle j’ai frappé, je suis entrée et j’ai vû un escalier de bois fait a lantique tous les cotés peint [sic], au bas de châque rampe sur Ces[ ?] cotés oû <les balustrades> [440] l’on[ ?] dappuis sont des figures d’animaux, les chambres sont inégalement distribuées, il faut monter et descendre pour aller de l’une à l’autre le jour ne vient qu’a travers des verres peints ce qui ajoute encore a l’air antique, il est vrai que les peintures sont superbes, les vitres sont surtout en déhors comme ces anciennes vitres pointuës qu’on voit aux églises, il est impossible de tirer un parti plus agréable de toutes ces antiquités, j’ai remarqué dans l’une des chambres le portrait de Mdme. du Défan106 et plusieurs Superbes miniatures, entrautre celle d’une femme peinte quatre fois, à dix neuf ans, à vingt cinq, à trente deux et apres sa mort107, dans une autre chambre j’ai vû une toilette a l’antique, des énormes peignes tels qu’on les avoient [sic] pour peigner les perruques du tems jadis, des Chaises d’ebenne d’un poids énorme, d’autres Chaises faites en triangle sur les modèles anciens, les cheminées les plafonds, les lits faits à l’antique avec des formes extraordinaires et des desseins bizarres, par tout les plus beaux tableaux, une chambre tapissée en étoiles d’or, j’en ai deux très présentes que je vais décrire, les autres se sont confondues dans ma tête l’une est une galerie immense dont le plafond est doré avec des figures [441] assez bizarres, d’un des cotés de la galerie sont cinq baldaquins où dais travaillés en bois et en or qui tiennent au plafond, dont quatre couvrent quatre niches qui contiennent de beaux tableaux, et dont le cinquième couvre la cheminée, dans une de ces niches est une108 aigle antique, c’est un des plus beaux morceaux de Sculpture par la legéreté et la vérité des plumes et par la phisionomie expressive de l’aigle, au bout de cette galerie est une chappelle dorée, le plafond est en dôme, au milieu du plafond est une forme circulaire qui laisse passer le jour à travers un verre jaune, tout le tour est garni de fenêtres dont le verre est peint et qui transmettent la lumière à travers les couleurs les plus brillantes, ce sont de belles têtes de viellards dont l’expression est noble, dans l’enfoncement est un autel sur lequel on trouve posé un cabinet qui contient les plus belles mignatures, les Sevigné109 &c. aux deux cotés sont des armoires vitrées garnies de toutes les richesses antiques, c’est une cloche d’argent110 d’un travail exquis et délicat oû l’on voit des insectes ailés et rampans &c, c’est le cachet du roi théodore de Corse111, les heures d’une reine d’angleterre couvertes de [442] pierreries112 et dont les figures sont faites par les plus grands peintre [sic], c’est une cravatte de bois113, c’est a dire le nœud et les deux bouts comme on les portoit du tems de Charles sécond, parmi toutes ces curiosités se trouve la lettre de Madame du Défan écrite au nom de Sévigné114 en envoyant son portrait a Mr. Walpole rien n’est si beau que l’effet du soleil dans cette chambre si ornée lors qu’il passe a travers toutes ces superbes peintures ; dans une autre chambre j’ai vu le véritable portrait et le seul de Ninon115 quelle avoit donné a Miladi Sandouich116, ceux de Mlle. hamilton117 et de la Valière118 j’ai remarqué une autre armoire vitrée qui contient diverses antiquités des gands brodés comme on les portoit autrefois ceux de la reine anne le jour de ses noces119, j’ai vû une Chambre destinée a la bibliothêque, <dont> toutes les portes ressemblent a ces vitres d’église, beaucoup de pointes comme des espèces de cœur. J’ai vû aussi sur l’escalier des niches dans lesquelles sont mises des armes, l’armure entiére de François premier120, celle d’un indien121 &c. la vue du jardin sur la tamise contraste parfaitement par sa beauté et sa fraicheur avec cette antiquité, c’est de toute cette maison Solemnelle qu’on a les plus beaux points de vuë du monde on [443] trouve encore dans les jardins une Chapelle122 ou Mr. de Walpole a recueilli de belles antiquités catholiques

Du Lundi

J’ai vu jouer King Lear123 ce roi viellard a paru sur son thrône avec un bonnet de velour cramoisi chargé de plumes noires et de Diamands un habit de velour cramoisi brodé en or et en diamands un manteau de velour noir brodé en or tout au tour et borde d’hermine, des bas a coins brodés d’or des Souliers de velour avec de grandes rosettes or et blanc, une chevelure parfaitement blanche sa phisionomie étoit un peu longue et mince, les plis de son visage assez prononcé [sic] on y remarquoit tout a la fois de la bonté de la vivacité de la foiblesse et de l’opignatreté. on s’est senti pénètre [sic] de respect en le voyant, <j’ai> observé sa phisionomie quand il s’est addressé a ses filles pour leur demander des expressions de tendresse cétoit un viellard qui vouloit être Caressé, quelles nuances dans cette phisionomie quand cordelie ne le flatte pas assez a son gré, enfin quel feu foible et opiniatre quand il bannit Kent, ce n’est pas la fermeté d’un roi qui veut être obéïs [sic] dans une chose raisonnable Dans la Scêne suivante quel étonnement dans sa phisionomie [444] quand sa fille le maltraite il n’est pas <encore> accoutumé au mal’heur il est bien plus emporté qu’on ne le voit dans la Suite, comme il se met à genoux dans l’imprécation quelle belle attitude, et cependant comme c’est bien celle d’un viellard qui se soutient mal, quelle expression dans la Scêne suivante quand il apprend que sa fille ne veut pas lui parler avec quelle tendresse il dit cest le cher père qui veut parler a sa chère fille comme on voit ensuite qu’il tremble un peu devant regan et qu’il veut chercher a l’adoucir, enfin comme il est beau au milieux [sic] des tempêtes et des orages, comme sa bonté se remarque dans les caresses qu’il fait a Kent, ainsi que le sentiment de son abandon qui lui fait connoitre le prix de l’amitié, comme ces caresses sont douces et agréables, on voit déja cependant qu’il s’affoiblit, enfin dans la Scêne avec le fou Supposé, sa vue se fixe d’abord et Ségare peu a peu en suivant les gestes du fou, et quand sa tête est tout a fait egarée sa folie est douce et noble il rit deux fois mais ce rire est triste et semble l’expression de la douleur, son visage ne perd pas un instant l’impression de la tristesse et y retombe sans aucune gradation, j’ai oublié de remarquer la façon particulière dont il arrète ses larmes devant sa méchante fille, enfin de quelle manière [445] il reconnoit Cordélie, ses remords et la tendresse de ses regard [sic] sont inexprimables, c’est de l’idolatrie qu’on voit dans ses yeux pour cette fille offencée comme dans son trouble il s’étoit mis a genoux devant elle la voyant a genoux, mais le moment inimitable ; [sic] est celui ou l’on va assassiner devant lui cette fille chérie, sa douleur qui le fait se précipiter aux genoux des meurtriers ensuite le mouvement de rage qui le ranime, et l’etat de foiblesse ou il retombe, après cet effort la phisionomie de garrick n’a <alors> aucun rapport avec celle qu’il montre dans la Societe, il dit qu’il se tire les traits avant de monter sur le théatre, et qu’il à été pendant l’ongtems a l’hopital des fous pour étudier la folie de ce role, mais il l’a bien ennoblie je n’ai rien vu de si beau dans ma vie, jamais on n’a manié comme lui la terreur et la pitié

Du mardi

J’ai été l’après diné a Chelsey124 les invalides de terre, j’ai vû un batiment fort grand et fort vaste des jardins presque francois sur la tamise et rien de remarquable, je me Suis arretée au retour a la pompe a feu125 qui fournit d’eau toute la ville de Londres, on fait un feu d’enfer qui chauffe une chaudière pleine deau la vapeur [446] de l’eau chaude concentrée est une des plus grandes forces connues elle fait lever un enorme piston qui retombe bientôt par son propre poids aidé d’une fontaine d’eau froide qui se jette continuellement dans la vapeur pour en diminuer l’effet au retour du piston tout cela sert a lever un autre piston qui fait monter l’eau de la tamise dans les caneaux destinés a abreuver la ville

Du mercredi

Il est sur que les françois rient par amitié quand on parle mal françois et que les anglois rient par moquerie, Mr. garrick m’a dit que les viellards ne tombent jamais à genoux par dégré, mais quand ils ont commencé a plier les jambes ils tombent tout de suite comme si on les coupoit, si l’on l’obligeoit ajoutoit-il <à tomber en> en tremblotant comme il s’écarteroit de la vérité, il se distrairoit de son role et ne pouroit plus s’y remettre, c’est en voyant un pauvre viellard se mettre à genoux dans la rue qu’il a appris comment les viellards s’y mettent, telle est l’influence de l’attention elle nous montre dans les objets qui nous interessent ce que d’autres ne verroient jamais je crois d’avoir dit ailleurs toutes les études que garrick a fait [sic] dans l’hopital de fous pour jouer lear.

[447] Du Jeudi

J’ai eu la visite de Mr. Burke126, cest un homme de beaucoup d’esprit il ma racconté que Rousseau vint chez Diderot pour le prier de lui preter cinq louis Diderot lui dit revenez demain je vous les donnerai je ne les ai pas aujourd’hui, le lendemain Rousseau entre dans sa chambre avec un gros paquet de hardes une vielle robe &c. qu’aportez vous la dit Diderot, ce sont des gages &c et de la grande querelle l’après diné j’ai été voir le miracle Wander woman Keeps a Secret127 Mlle. yates128 que je ne connoissois point et qui a de la réputation en angleterre est grande et forte, l’expression de sa phisionomie est comme toute sa personne sans graces mais vive – juste et roide elle m’a fait le plaisir d’une vérité un peu désagréable. C’est bien la maitresse de Don felix mais une maitresse peu aimable le visage de garrick dément la jeunesse de son role cependant il a joué avec beaucoup de finesse et de vérité, la jalousie d’un honnête homme ardent et sensible, je le trouve bien Supérieur a Molé129 dans ces roles qui sont precisément les seuls ou molé excelle, on ne voit jamais dans garrick que l’amant passionné, et d’ailleurs toutes les nuances sont marquées comme dans la nature ou l’on ne passe [448] point brusquement d’un Sentiment a l’autre c’est surtout dans ces gradations exquises que consiste la Supériorité de garrick, dans la première Scêne ou il exprime sa passion avec vivacité un excellent acteur auroit pu parler comme lui il est aisé de Saisir la nature dans ses élans mais des qu’il entend frapper ; le premier coup l’inquiète le second augmente cette inquiétude, le troisième l’irite le quatrième lui donne de la rage, quel mouvement dans sa phisionomie quand le colonel en lui racontant ce qui s’est passé chez violente lui dit que c’est un père qui les a interrompu [sic], avec quelle joye il se répète — un père un père parceque cette circonstance ne convient pas a sa maitresse quel intéret quelle curiosité dans son jeu muet dont il ne se distrait jamais un instant comme sa voix s’attendrit bien quand sa maitresse pleure et que cependant il veut lui faire les mêmes questions qu’il lui a faites auparavant dans sa Colere dans ses moments de fureur il sçait mettre du feu et de l’irritation dans ses regards sans y mettre de la dureté précaution qu’il faudroit toujours avoir même dans la Societé car l’un se pardonne et l’autre ne soublie que difficilement, quand il contrefait l’ivrogne on voit a travers son ivresse feinte l’attention qu’il donne [449] à l’histoire que fait sa maitresse et a la personne qui vâ passer enfin sa joye quand il découvre que cest une femme, joye qui le porte a contrefaire l’ivrogne avec une charmante extravagance de la Myladi Milles130 m’a mènée a halmach131, j’ai trouvé une salle immense et presque à perte de vue appuiée des deux cotés en face par d’immenses colonnes, toute la décoration en colonnes d’un autre ordre des guirlandes de fleurs peinte [sic] sur divers fonds des couleurs les plus douces et des guirlandes d’illuminations tout le tour, cinq lustres celui du milieu en cristal verd les autres en christal vert et blanc, quatre cent femmes rangées sur des gradins, l’on voit la comme sur les orangers de Provence les Fleurs les fruits et les feuilles mortes, ce qui ne fait pas un aussi agréable effet cent hommes a peine faisoient la Societé de s<c>es quatre Cent femmes, l’on est descendu de<ans> la Salle a manger, la voute est soutenue par trois colonnes, une table immense est dans le milieu et dans les cotés plusieurs petites tables <toutes> fort bien décorés [sic], la musique jouoit pendant le repas, cette fête se renouvelle toutes les Semaines, il y en a plusieurs autres dans le même genre qui font <quel fraid[?]> plaisir pour les hommes et les femmes qui ne sont [450] plus dans la fleur de la jeunesse

Du vendredi

J’ai été me promené [sic] a hay parc132, j’ai vu encore là des endroits charmant [sic] une piece d’eau formée par une Source qui ressemble a un joli lac des bouquets darbres plantés sur les bords, un charmant gazon les délices de tempé133, j’ai été ensuite dans une grande assemblée chez la Duchesse de Beaufort134 pour entendre M. Texier135, il nous a lu la partie de Chasse d’henry quatre136 beaucoup moins bien ce me Semble qu’on ne la joue a la Comedie, excepté la Scêne de la frayeur des deux femmes ou il a mis une grace particulière il n’a jamais pû saisir le ton du monarque, en tout ce genre de Spectacle m’a fait beaucoup moins de plaisir depuis que j’ai vu garrick. Tessier a de la grace dans les mouvements il a le merite d’une sorte d’imitation comme ceux qui contrefont les absents, mais qui vous font voir toujours deux personnes a la fois, cette imitation est un peu en charge, il est comme ces petites exquisses ou avec une seule ligne on saisit un defaut dans le visage et l’on fait reconnoitre sans faire ressembler, voila pourquoi on ne se trompe jamais aux personnages qu’il joue sans qu’on le prenne pour eux en le regardant sous ce point de vue [451] j’ai été frappée en ridicule de toute la vérité des détails, ce fagot ce rouet ce pistolet, cette lanterne sourde, ce Sac de farine, tout cela m’a paru une manière grossière de m’en imposer, il ne faut jamais dans une imitation qui ne peut être que de pures conventions joindre des réalités car comment se persuadera-t-on sans convention qu’une meme personne en est dix a la fois, les femmes n’applaudissent point mais elles rient

Du Samedi

En angleterre les tables et les plats sont un peu plus décorés qu’en france, on fait une toilette avant de sortir de table, l’on reste beaucoup plus longtems au dessert, et les femmes sortent les premières mais c’est seulement pour prendre un moment de liberté

Du Dimanche

J’ai été entendre Mr. Roustand137 qui nous a fait un bon Sermon Sermon sur la Charité, il nous a dit que Jésus refusoit les Signes du Ciel aux incredules mais jamais une œuvre de charité

Du lundi

La maison de garrick138 est la plus jolie possible pour la propreté et [452] l’élégance l’on trouve dans le coin d’un jardin charmant comme sont tous les jardins anglois une grotte au bout passe la tamise avec une terrasse du plus beau vert possible, a l’un des bouts de cette terrasse est un temple dédié a Shakespear, sa Statue est placée sur un autel dans une belle attitude, a coté est une chaise avec le buste de Shakespear en relief, cette terrasse est délicieuse toute environnée d’arbres avec des bancs des bosquets et les bords de la tamise couverts de vaisseaux, on nomme cette campagne hampton, du coté opposé a la grotte dans l’intérieur du jardin s’élève une petite montagne de verdure aussi environnée d’arbres, d’ou l’on découvre la percée de la grotte et la tamise dans le lointain ; c’est un coup d’œil ravissant, cette maison n’est qu’un enchantement, de la nous avons été a hamtoncourt139 vieux chateau roial qui n’est plus habité quoique très magnifique Mr. Necker me l’a fait parcourir avec une si grande rapidité qu’il ne m’en reste rien, je Sçais qu’il est immense et rempli de fort beaux tableaux, et que les jardins y sont a la françoise tres bien entretenus avec plusieurs pièce [sic] d’eau et presque aussi imposants que ceux de versailles il m’en est resté une idée de richesses [453] de grandeur et de Luxe

Du mardi

J’ai été au muséum140, Mr. Matti le père141 m’a racconté que Milord Chesterfield étant près de mourir Mr. Matti lui avoit dit, je vous prie de me donner des memoires pour faire vôtre éloge car l’academie des inscriptions me le demandera, non lui dit-il vous n’avez qu’a écrire, colas vivoit, colas est mort, Mr. Matti fut effectivement bientot Sollicité, mais il n’avoit rien, il envoiat cependant un petit canevas ; la bibliothêque du Museum est petite et mal en ordre, le vase est superbe, cette maison est de la plus grande magnificence, peinture, bel escalier, hauteur des voutes, Souterrains jardins, tous les genres de luxe s’y trouvent réunis, l’on remarque en particulier deux chambres d’une belle collection d’antiquités faite par le Chevalier hamilton142, ce sont des vâses d’une terre brune et peinte avec une couleur blanchâtre, la ville l’a achetée Sept mille guinées, et l’imitation qu’en à faite une manufacture a déja valu vingt mille pièces a l’entrepreneur, on y voit dans du verre antique, l’abeste <lasbeste143> oû la toile incombustible qui servoit à enveloper les cadavres qu’on bruloit sans que les os et les cendres se [454] mélassent, la force de la chaleur consumant les chairs. J’ai vu lâ des ornements anciens, des colliers d’or pour les femmes composés de plaques d’or entre les quelles on suspendoit de petites bouteilles de Senteur ; j’y ai vû des casques trouvés a la bataille de canne, des momies des petites Statues, des pierres Superstitieuses, cette collection est belle et bien en ordre, celle des pierres précieuses m’a paru fort misérable, dans les coquilles qui sont en assez grand nombre, j’ai remarque [sic] l’art avec lequel on a pris la forme en cire de certains poissons a coquille des environ [sic] de Napples qu’il est impossible de conserver, on a épié le moment ou ils sortoient de leur coquille et l’on les a modélés, la Collection des coraux est fort considérable les insectes sont mal en ordre, mais il y en a un grand nombre on m’a montré l’huitre sujet a la maladie qu’on nomme la perle car c’est une maladie comme la pierre, l’on y voit encore une collection de toutes les pierres trouvées dans le corps des animaux depuis l’homme &c. on m’a montré une végétation appellée agnus Scyticus144 qui ressemble extremement a un joli petit quadrupede un insecte qui ressemble a des feuilles ; la collection des oiseaux est mieux en ordre que le reste on les a placés avec tout [sic] leurs attributs, leur [455] nids [sic], leur nouriture habituelle, l’effet en est très agréable, les serpents de toutes les espèces sont mal en ordre, l’autruche leur manque, mais dans la collection des oiseaux <mais> ils ont le pelican, en tout aucun ordre point de division en classe oû en espèce excepté dans les oiseaux, j’ai vû un crocodille, un poisson qu’on nomme le Sultan, quelques Singes arrangés comme les oiseaux, de la Soye d’araignée. la collection des curiosités que Banc et Solander145 ont apporté d’otaiti146 elle consiste dans des arts informes, une Sculpture grossière et ridicule des toiles d’écorce d’arbre, enfin on m’a parlé d’une pierre que je n’ai pas vuë qu’on nomme l’œil du monde, elle devient transparente dans l’eau, et opaque quand on l’en sort, on ma fait remarquer un tableau fait sur la toile qui reçoit le jour par derrière et qui donne une idée assez juste de l’irruption du mont vésuve, j’ai vû aussi de ce christal d’Irlande dont la reflexion est double, la collection des métaux et des mineraux est assez considérable, j’ai vu un animal long et noir qu’on a trouvé au milieu des feux du mont vésuve et cependant il m’a resté une assez mince idée de ce musée qu’on montre trois fois par jour aux curieux de la nation, ce [456] qui cause de grands fraix a la ville, et j’ai admiré plus que jamais l’ordre du cabinet de Mr. de Buffon147, le soir j’ai revu King lear148 l’impression à été la même, rien de si parfait c’est la nature dans toute sa beauté et sa vérité, c’est une noble et tendre phisionomie de viellard entièrement étrangère a celle de Mr. Garrick, sa barbe est un duvet blanc, secret qu’on ne connoit pas a Paris, il est foible, il a des mouvements des attitudes qui sont la vérité même je ne verrai plus un viellard au théatre sans dégout, et jamais un beau viellard dans la nature sans penser a garrick et sans me dire c’est ainsi qu’il étoit mais plus beau encore, ses yeux dans ces moments de folie sont comme deux escarboucles, il est impossible de les soutenir, on voit ensuite ce feu diminuer insensiblement, il est le maitre de porter tous les esprits animaux dans ses yeux ou de les en détourner, ses rides sont marquées, son front est plissé comme l’on [sic] les viellards, sans que cette légère difformité lui donne l’air de l’humeur, enfin c’est un miracle de la nature qui en a fait un protée, souvent en conversation quand il contrefait il perd un œil qu’il fait tomber dans le bas de sa prunelle ensorte que vous ne voyez plus que le blanc ou il devient louche &c. j’avois [457] dans ma loge Mylord North149 et beaucoup d’autres personnes, mon attention n’a pas été aussi forte surtout au premier acte. j’ai vu la petite pièce The Deuce is in him150

Du Jeudi

J’ai été le matin avec Mylord Stormond voir l’assemblée de la chambre des pairs, le roi151 prorogeoit c’est a dire renvoyoit son parlement, je Suis entrée dans une très longue Salle, a l’une des extrêmités en entrant est le throne de velour cramoisi, avec les armes brodées en blanc, dans le milieu et sur les cotés sont des bancs pour les Seigneurs et plus au milieu encore est une table et plusieurs ballots de laine sur lesquels on est assis d’une manière très incommode, les pairs avoient donné leur place aux femmes quatre seulement étoient assis en face pour que le roi put dire Mylords et Messieurs, il est entré avec beaucoup de majesté précédé d’une quantité de gens vètus singulièrement et magnifiquement, des officiers de différentes espèces portoient devant lui des marques d’honneur, des baguettes des couronnes attachées a un manche, le roi avoit un manteau de velour cramoisi brodé d’or, et doublé je crois d’hermine, cependant c’étoit une peau [458] marquetée, deux Seigneurs portoient le bas de son pesant manteau il avoit une couronne de Diamands sur la tête, sa demarche étoit majestueuse, sa figure est noble et agréable, il sourioit seulement un peu trop aux femmes dont il étoit entouré, un archeveque a fait la prière avant l’arrivée du roi et des que le roi à été sur son throne, l’orateur de la chambre des communes a prononcé un discour pour lui annoncer la Somme d’argent accordée au monarque ; quelle soit disoit-il plus employée pour la conciliation que pour la conquête, ensuite on a procédé a la ratification des loix un homme noir lisoit en anglois la loi écrite sur du parchemin et s’inclinoit devant le roi, un autre homme répondoit en mauvais françois, le Roi le veut et s’inclinoit, toutes les loix ont passé ainsi, ensuite les graces demandées au roi sous la même forme avec cette différence que l’homme du roi répondoit, Soit fait ainsi qu’il est désiré, enfin un orateur assi [sic] dans une petite chaire à coté du roi à parlé encore en balbutiant, et enfin le roi a pris son papier et a lû sa réponse en véritable orateur. J’ai été Ce soir entendre garrick dans le role Ranger role de Suspicious husband152 il m’a fait grand plaisir par la prestesse153 de ses mouvements, par son [459] air galant et chattemite154 auprès des femmes, par la douceur hipocrite de son visage quand il leur parloit, il a bien saisi en tout ce caractère d’un débauché fripon avec les femmes, mais cependant sensible pour elles, et ne pouvant pas supporter de leur faire de la peine, il a une manière de s’approcher d’elles en courbant le dos, en se frottant les mains comme les chats qui font la roue, il étoit très jeune damoins155 dans tous ses gestes et dans tous ses mouvements.

Du vendredi

J’ai été voir l’eglise de Westminster156, ce Spectacle est attendrissant toutes les personnes affligées ont le droit d’y faire ériger un tombeau, la nation fait quelque fois cet honneur a ceux qui l’ont bien servie oû qui se sont distingués, c’est tantôt un buste simplement avec une inscription, souvent c’est une Statue oû des groups de Statuë [sic] sur une tombe, j’ai remarqué en entrant ceux de pope, de Milton &c. j’en ai vu un nombre infini, j’ai admiré le chef d’œuvre d’un Scuplteur françois nommé Roupillac157 c’est une femme couchée dans les bras de son mari, contre laquelle la mort lance un dard, et le mari tache de l’en guarantir avec [460] un effort et un mouvement de crainte exprimé dans tous les muscles de son visage et de son corps ; a coté dans un autre tombeau est réprésentée une femme qui s’elance vers son mari déja dans les cieux ; j’ai vû le monument dédié par la nation a la mémoire du général wolf158, tous les tombeaux grossiers des rois et des reines et plusieurs figures de cire, en particulier celle de la reine Elizabeth Sculptée à cinquante ans dans toute sa parure, c’est un visage de vielle femme fort blanc et qui à peu d’expression, tous les cimétières des villages anglois sont remplis de pierres sur lesquelles on trouve des inscriptions, il paroit qu’ils ont un grand respect pour la mémoire des morts

Du samedi

J’ai été diner a Buchell parc159, ce parc ni la maison n’ont rien de remarquable elle apartient au roi qui en donne la jouissance a Mylord North, Mylord North a de l’esprit et de la facilité dans l’expression, et sur tout dans un genre d’ironie assez agréable.

Du Dimanche

J’ai été a Cenwood160 diner chez Mylord Mansfield, ce coté de Londres [461] qui m’étoit inconnu est délicieux, c’est par tout des colines chargées d’arbres verd [sic] coupés par des ruisseaux, au milieu d’un mur fort élevé on voit une porte assez simple, mais en louvrant on découvre avec surprise un Superbe portail, précédé par une pièce circulaire de gazon dont il faut faire le tour pour descendre devant la maison, l’intérieur est aussi beau que l’extérieur, les ornements sont du meilleur gout l’on admire surtout un Salon très vaste ovale [sic], dont le quarré se trouve marqué par deux rangs de colonnes des deux cotés qui semblent faire deux pièces séparées, dans le bas de ces pièces qui sont centrées l’on voit quatre parties de Bibliothêques surmontées de superbes tableaux assortissant avec ceux du plafond, le fond de ce Salon est un mélange de deux couleurs que j’ai vu souvent en angleterre et que je n’ai vû que l’â, c’est une nuance de verd pomme et une nuance de fleur de pecher beaucoup de Sculptures combinées habilement avec ces couleurs font un effet charmant délicieux, la Salle a manger est d’une legère tainte de bleu avec des reliefs, la maison est entourée par un grand bois, sur le devant est une jolie terrasse, au bout de laquelle l’on découvre d’un coté une superbe allée d’arbres qui croissent à leur gré, les [462] branches sortent du haut jusques en bas et n’en sont que plus belles toute la pente de la terrasse est couverte d’arbrisseaux odoriférants au bas est une piece de gazon, et a l’extrêmité du gazon est le rendez vous <d’une> rivière qui la s’elargit un peu au milieu de la verdure, d’un coté est un pont antique, et tout cela est terminé par ce bois circulaire les echappées de vuë donnent sur les plus jolies colines qui forment le paÿsage de tous ces cotés de Londres, dans ce bois qui s’élève en montagne l’on a pratiqué des routes tortueuses, elles présentent a chaque instant des points de vue variés, c’est la tamise couverte de ses vaisseaux, c’est l’église de St. Paul et les brouillards de Londres, cest la coline des traitres161 &c.

Du Lundy

J’ai vu Richard trois162, c’est la que le visage de garrick m’a parû encore plus admirable, toutes les passions qui Sont attribuées a richard étoient peintes sur sa phisionomie, sans que dans toutes les varietés que son jeu exigeoit ce fond de phisionomie ce soit altère [sic] un instant l’art de cet acteur n’est pas seulement de saisir legerement comme les nôtres quelques nuances d’un caractère, il le prend tout entier et dans toute sa force et il ne le quitte jamais un instant, il s’etoit [463] fait une bosse et des jambes mal formées comme celles de Richard mais pour n’être pas ignoble il avoit cherché a cacher ces defauts comme on le fait dans le monde, et il s’étoit vêtu d’un habit magnifique, ensorte que sa taille contrefaite ajoutoit a son air de méchanceté sans l’avilir, dans la première Scêne il se livre a toute l’horreur de son caractère puisqu’il tue le roi, dans la séconde on le voit avec une femme, mais sa fausseté est celle de Richard, c’est celle d’un Scélérat roi et élevé dans la grandeur il se fait un jeu de sa méchanceté, mais c’est comme un tigre qui joue avec sa proie et non comme un chat, dans la Scêne oû il fait semblant de refuser la couronne et de se livrer a la dévotion, il a un autre genre d’hipocrisie, c’est une sorte de noblesse dans son air dévot et des traits de férocité qui lui échappent dans ses refus, ensorte que non seulement garrick entier a disparû, mais l’on retrouvoit Richard, lorsque Richard vouloit se déguiser, sa scêne avec les princes est remarquable par des plaisanteries qu’il fait a part, on voit que c’est le plaisir qu’il aura a les déchirer qui lui donne une horible joye et qui lui inspire gayeté mais toutes ces nuances, c’est a l’acteur a qui je les dois, les pièces [464] qu’il a jouées étoient pour moi comme le derrière d’une tapisserie je n’y découvrois que de longs fils embrouillés les uns dans les autres je n’ai vû les personnages que quand garrick à été sur la Scêne enfin dans celle des batailles, il a dabord imité parfaitement le désordre et l’abbatement d’une Conscience timorée sans laisser l’idée de la peur qui l’eut avili, comme ensuite son caractère a repris le dessus, et avec quelle chaleur dans la voix et dans les regards, quelle vivacité quel abandon il a peint l’état d’un guerrier courageux au fort de la mèlée, enfin dans son Sommeil agité, il à trouvé le moyen de marquer par des mouvements seulement l’impression que lui faisoient les ombres de ses victimes, car la phisionomie ne doit pas s’altérer beaucoup pendant le Sommeil

Du mardi

Je Suis partie de Londres, je suis allée diner a Rochester et je me suis arretée pour voir le port de Shatam163, j’ai vu des vaisseaux énormes ces masses épouvantables m’auroient fait plus d’impression si elles avoient été en pleine mer, mais sur la thamise je les proportionnois malgré moi a la quantité de l’element qui les portoit, je suis entrée dans la carcasse d’un vaisseau qui étoit sur terre dans sa [465] dans sa [sic] forme, c’est a dire un fossé d’une immense longueur creusé au bord de la tamise et oû l’on empeche l’eau d’entrer par une forte digue, quand le vaisseau est construit on ote la digue et il se met naturellement a flot, je n’ai pas voulu aller a bord d’un vaisseau, car il falloit monter sur une chaloupe et dela dans le vaisseau par une échélle, sans doute qu’il y a rarement assez deau pour soutenir un vaisseau près des bords et qu’il faut attendre pour cela l’instant de la marée, cette carcasse d’un vaisseau m’a étonnée par son immensité, en tout il me semble que j’ai tant vû d’objets nouveaux et aquis tant d’idées nouvelles par la comparaison avec les anciennes que je croirois presque avoir changé de tête pendant mon séjour en Angleterre, et je suis bien convaincue que les livres n’apprennent jamais que les choses qu’on ne peut sçavoir sans leur sécour aussi comme les idées abstraites n’ont <n’ayant> point de modèle au déhors on s’en instruit fort bien par les livres ainsi que de la géometrie purement Theorique, mais même la partie active de la langue ne s’apprend que dans le paÿs ou l’on la parle, il est certain aussi que cette manière d’étudier par ses yeux et par sa propre pensée dégoute de s’instruire [466] par la pensée et par les yeux des autres c’est a dire par la lecture les idees des objets que les autres vous donnent ne sont plus que l’ombre de là réalité, ou l’estampe effacée d’un tableau de nous avons resté deux heures sur les côtes de Douvres sans pouvoir les quitter cetoit la marée le vaisseau étoit au port, mais la grande élevation du port sur le vaisseau et le petit intervalle de mer entre le vaisseau et le mur du port contraint [sic] a descendre dans une chaise a poulie, circonstance assez desagreable en descendant, mais infiniment plus désagreable en remontant comme nous avons été obligés de le faire a Boulogne, car le vent nous a poussé [sic] vers cette ville, nous avons resté dix heures sur ce vaisseau, j’ai senti la parfaitement ce que c’est qu’un calme, je Souffrois de ce balancement qui nous laissoit toujours a la même place, je suis montée deux fois sur le tillac pour voir la mer, m’étant un peu familiarisée avec elle, son immensité m’a moins étonnée en ce quelle m’effrayoit moins

Du jeudi

Un homme fort avare se trouvoit a une quête qu’on faisoit à l’academie francoise, celui qui la faisoit lui dit Mr. et vous, j’ai déja donné un louis, je vous crois dit le quêteur, mais je ne l’ai pas vû [467] et moi dit fontenelle je l’ai vû et je ne le crois pas. nous Sommes venus coucher à Abbeville, en revenant la différence de Douvres a Boulogne ne m’a pas frappee comme celle de Calais a Douvres, dans l’habitude que j’avois prise de comparer les mœurs angloises aux mœurs françoises, j’avois vû les rapports et j’en étois plus frappée.

Du Samedi

J’ai été diner a Chantilli dont j’ai vû les jardins, c’est la que j’ai senti plus vivement encore la beauté des campagnes angloises, ici l’on a prodigué tout ce que l’art a de plus recherché, des arbres nains des fleurs dans des compartiments, des eaux jaillissantes dans des canaux étroits, tout vous rappelle l’art et la richesse, rien ne vous fait soupirer, la je me suis bien confirmée dans dans mon opinion que le vrai gout dans le Style, dans les arts, dans la parure, est la réunion et le rappel de toutes les sensations agréables et naturelles ainsi un beau jardin est celui qui re<a>ssemble dans un seul endroit tous les sentiments délicieux que la campagne peut inspirer, j’ai vû ensuite le prétendu jardin anglois de Chantilly qui ne présente que l’image d’un travail aride, c’est un Squelette [468] désséché qu’on veut comparer a une belle jeune femme, il y a des rochers en peinture, la seule chôse agréable est de l’eau qui jaillit à travers un monceau de pierres, le hameau ou des toits couverts de chaume, et sans ombrage renferment des tapisseries d’argent et des décorations d’opéra est encore plus ridicule, il falloit pour conserver les convenances, première règle du bon gout rassembler sous ce toit de chaume toutes les commodités de la vie champêtre mais sans seloigner un moment de cette idée.

1 Suzanne Necker, « Voyage D’Angleterre », Manuscrits vol. VI, in-quarto, archives de Coppet, p. 465. Toute notre gratitude va à feu Monsieur le comte

2 Ibid., p. 389-468. On note une erreur de pagination dans le manuscrit, avec un passage de la page 435 à la page 437.

3 Comtesse Jean de Pange, « Necker en Angleterre : le mystérieux voyage de 1776 d’après des documents inédits », Revue des deux mondes, 1er avril 1948

4 L.-A. Boiteux, « À propos du voyage de Monsieur et Madame Necker en Angleterre en 1776 », Cahiers staëliens, n° 12, juin1971, p. 10-21.

5 Homme d’esprit et directeur général des Fermes de Paris, François-Claude Gigot de Garville (1702-vers 1781) était un ami des Necker. Il accueillera

6 Jean-Baptiste-Antoine Suard (1732-1817) était un ami très proche de la famille Necker. Il avait dès les années soixante publié quelques pièces de

7 Danielle Johnson-Cousin, « Quelques précisions à propos du voyage des Necker en Angleterre en 1776 », Studies on Voltaire and the Eighteenth-Century

8 Les noms suggérés incluent notamment « le vicomte de Noailles, le marquis de Coigny et m. de Charlus » (Ibid., p. 332, note 5).

9 Voir à ce sujet Robert Escarpit, « L’Angleterre de Necker », L’Angleterre dans l’œuvre de Madame de Staël, Paris, M. Didier, 1954, et Henri Grange

10 Danielle Johnson-Cousin suggère que cette rencontre s’est probablement faite par l’entremise de Suard (voir « Quelques précisions à propos du

11 Ibid., p. 336, note 22. Danielle Johnson-Cousin rappelle avec précaution cette piste initialement proposée par E. Lavaquery (Necker, fourrier de la

12 Edward Gibbon (1737-1794), historien anglais. Il fait la rencontre de Suzanne Curchod à Lausanne en 1757. Les projets de mariage seront

13 Suzanne Necker, lettre à Madame de Reverdil, « ce 29 mars 1776 », Ms. Suppl. 717, Bibliothèque de Genève, f. 160r°-v°. Cette lettre est également

14 Suzanne Necker, « Voyage D’Angleterre », op. cit., p. 466.

15 Joyau architectural reconnu dans toute l’Europe, les grandes écuries de Chantilly sont construites en 1719 à la demande de Louis Henri de Bourbon

16 François Marie Bruno d’Agay (1722-1805), avocat et intendant de la ville d’Amiens de 1771 à 1789.

17 Dans la mythologie grecque, l’un des principaux fleuves des Enfers.

18 Pont supérieur d’un navire.

19 La ville portuaire anglaise de Dover.

20 Chatham.

21 La rivière Medway.

22 La cathédrale anglicane Saint-Paul présente un dôme d’une hauteur de cent onze mètres. Elle est l’édifice le plus élevé de Londres jusqu’en 1967. À

23 La sposa fedele (1766), opéra bouffe en trois actes créé par Pietro Alessandro Guglielmi sur un livret de Pietro Chiari.

24 Jean Dauberval (1742-1806), danseur de ballet, professeur et chorégraphe français reconnu pour son intégration de l’action à la danse.

25 Madame Necker réfère ici à la fable « L’âne et le petit chien » de Jean de La Fontaine.

26 Marie-Madeleine Guimard (1743-1816), ballerine française reconnue dans le genre comique et vedette de l’Opéra de Paris pendant plusieurs années.

27 Elizabeth Chudleigh, duchesse de Kingston (1720-1788). L’accusation de bigamie lancée par la famille de son défunt époux et le procès qui en a

28 Elizabeth Murray, née Finch (1704-1784), épouse de William Murray, 1er comte de Mansfield (1705-1793).

29 David Murray, 2e comte de Mansfield, vicomte de Stormont (1727-1796). Ambassadeur de Grande-Bretagne en France, habitué du salon des Necker, lord

30 Madame Necker réfère ici au palais de Westminster, siège du Parlement anglais. Les procès se déroulaient dans la plus vieille partie de l’édifice

31 Prince Henry, duc de Cumberland (1745-1790), frère cadet de Georges III.

32 Theatre Royal, Drury Lane, le plus souvent désigné par « Drury Lane », haut lieu du théâtre londonien. L’année du voyage des Necker en Angleterre

33 Mahomet the Imposter. A Tragedy (trad. James Miller et John Hoadly, London, 1744), traduction de la tragédie de Voltaire, Le fanatisme ou Mahomet

34 Dans la mythologie grecque, la vierge Polyxène est l’exemple par excellence de la pudeur lorsque, sacrifiée sur le tombeau d’Achille, elle dispose

35 Bon Ton; or, High Life About Stairs, comédie de David Garrick créée à Drury Lane, le 18 mars 1775.

36 Thomas King (1730-1805), acteur et auteur dramatique anglais. Il a passé une partie de sa carrière à Drury Lane auprès de David Garrick.

37 Il s’agit de la demeure située sur le domaine des ducs de Bedford, au cœur de Londres et adjacent à Bloomsbury Square. À l’époque où voyagent les

38 Dans la mythologie grecque, le roi de Phrygie, Midas, est récompensé par Dionysos pour avoir accueilli Silène, son tuteur égaré. Midas fait le vœu

39 Le parc St. James est le plus ancien des parcs royaux de Londres.

40 L’opéra Caio Mario (1757) de Piccinni est effectivement à l’affiche au King’s Theatre de Londres en 1776, cependant le livret n’est pas de

41 Caterina Gabrielli (1730-1796), chanteuse d’opéra italienne. Reconnue pour son excentricité, elle séjourne à Londres lors de la saison 1775-1776

42 Lucrezia Aguiari, dite « La Bastardina » ou « La Bastardella » (vers 1743/1746-1783), soprano colorature italienne au registre particulièrement

43 Il s’agit bien entendu de castrats, au sujet desquels Rousseau écrit (article « Castrato », Dictionnaire de musique, Paris, 1768, p. 76) : « Ces

44 Grizel Stanhope, née Hamilton (1719-1811), épouse de Philip Stanhope, 2e comte de Stanhope (1714-1786).

45 Construite au XIe siècle sous Guillaume le Conquérant, la tour de Londres fait office de Résidence royale jusqu’au XVIIe siècle. Elle abrite les

46 Cette salière en or (Exeter Salt) représentant une tour incrustée de pierres précieuses fait partie des joyaux de la couronne britannique depuis

47 Charles II (1630-1685) règne de 1660 à 1685.

48 Charles Ier (1600-1649) règne de 1625 à son exécution en 1649.

49 Henri VIII (1491-1547), l’une des sources d’inspiration du conte La barbe bleue, règne de 1509 à sa mort.

50 La tour de Londres a également rempli la fonction de ménagerie jusqu’en 1828.

51 Elizabeth Percy, duchesse de Northumberland (1716-1776), épouse de Hugh Percy, 1er duc de Northumberland (1714-1785). La duchesse de Northumberland

52 The Jealous Wife (1761), comédie de George Colman l’Ancien créée à Drury Lane, le 12 février 1761.

53 The Elopement, auteur inconnu. Pantomime jouée à Drury Lane de 1767 à 1776. Les spectacles de pantomime mettant en scène Arlequin étaient l’une des

54 Avec Every man in his humour (1598), le dramaturge Ben Jonson a popularisé le genre de la comédie des humeurs. Garrick met la pièce en scène à

55 Virgile, Énéide, livre I, v. 405 : « Et vera incessu patuit Dea » (Sa démarche révèle une déesse).

56 Kitely, dans Every man in his humour, était l’un des meilleurs rôles de Garrick.

57 La « Suite d’injection » dont parle Madame Necker pourrait correspondre à la collection du célèbre chirurgien John Hunter (1728-1793), qui au cours

58 William Petty FitzMaurice, comte Shelburne et marquis de Lansdowne (1737-1805).

59 Au croisement de Monument Street et Fish Street Hill, le monument commémorant le grand incendie de Londres (2-5 septembre 1666) est une colonne

60 Thomas Walpole (1727-1803), membre du parlement anglais, banquier et cousin d’Horace Walpole. Béatrice W. Jasinski confirme la tenue de ce dîner le

61 Horace Walpole, 4e comte d’Orford (1717-1797), politicien, historien de l’art, homme de lettres et collectionneur d’antiquités anglais. Il fait la

62 Garrick était très reconnu pour son interprétation du rôle titre, des années 1740 à 1776.

63 Garrick intervenait à tous les niveaux de la production théâtrale et apportait parfois des modifications aux textes des pièces à l’affiche.

64 Les jardins de Ranelagh étaient situés à Chelsea, tout juste à l’extérieur de Londres.

65 Hester Stanhope, née Pitt, vicomtesse Mahon (1755-1780). Elle était l’épouse de Charles Stanhope, vicomte Mahon, 3e comte de Stanhope (1753-1816)

66 La pièce maîtresse des jardins de Ranelagh consistait en une immense rotonde roccoco, ici décrite en détail par Madame Necker. La rotonde a été

67 Fenêtres ?

68 La rotonde de Ranelagh accueillait régulièrement des concerts.

69 Montrer le bout de l’oreille : révéler son vrai caractère ou ce qu’on veut tenir caché, malgré le soin mis à le dissimuler.

70 The Provoked Wife (1697), comédie de John Vanbrugh. Le personnage de Sir John Brute était l’un des rôles les plus populaires de Garrick.

71 The Padlock (1768) de Charles Dibdin, sur un livret d’Isaac Bickerstaffe, basé sur Le jaloux d’Estramadure de Cervantes. L’allusion à l’opéra

72 Le parc de Kensington fait partie des parcs royaux de Londres et est situé à l’ouest de Hyde Park.

73 Rule a Wife and Have a Wife (1624), comédie de John Fletcher.

74 Le domaine de Kew comportait à l’époque du voyage des Necker quelques bâtiments, dont le palais de Kew, de même qu’un superbe jardin. La « maison »

75 Aire de conservation, le parc de Richmond est le plus grand des parcs royaux de Londres.

76 Si l’on se fie aux notes de Suard, ce n’est pas au duc de Richmond, mais bien au duc de Northumberland qu’appartenait la maison de Syon, visitée le

77 Suard évoque ce lieu dans une lettre à son épouse (non datée, citée dans « À propos du voyage », p. 16) : « Dimanche [le 21 mai], j’ai mené M.

78 Cette visite à Syon est relatée par Suard dans une lettre à son épouse (non datée, citée dans ibid., p. 18) : « [3 mai] […] nous avons dîné dans

79 Kew.

80 Un haha : « Ouverture qu’on fait au mur d’un jardin, avec un fossé en-dehors, afin de laisser la vue libre » (Dictionnaire de l’Académie françoise

81 Il s’agit sans doute de Wimbledon park, dont l’aménagement est confié à Lancelot « Capability » Brown à compter de 1765.

82 Margaret Georgiana Spencer, comtesse Spencer (1737-1814), épouse de John Spencer, 1er comte Spencer (1734-1783) et mère de Georgiana Cavendish

83 Marlborough Manor House, l’une des maisons de la famille Spencer. John Spencer, 1er comte Spencer, en avait hérité de son arrière-grand-mère, Sarah

84 William Ponsonby, 2e comte de Bessborough (1704-1793), politicien britannique. Sa maison de Parkstead House abritait une importante collection de

85 Jean-Étienne Liotard (1702-1789), peintre et pastelliste genevois à qui l’on doit deux pastels de Suzanne Necker, l’un datant de sa jeunesse en

86 Sir Joshua Van Neck (1702-1777), négociant et directeur avec son frère Gérard Van Neck (décédé en 1750) d’une importante maison commerciale qui

87 La Tamise. Il s’agit vraisemblablement d’un lapsus.

88 Nous n’avons pu identifier ce tableau, qui rappelle spontanément « La galerie des offices »(Tribuna of the Uffizi) de Johann Zoffany, mais dont la

89 The Beaux’ Stratagem (1707), comédie de George Farquhar.

90 The Man of Quality (1776), farce de John Lee, inspirée de la comédie The Relapse de Sir Vanbrugh.

91 Frances « Fanny » Abington, née Barton (1737-1815), actrice britannique.

92 Conçu par l’architecte James Wyatt et ouvert à partir de 1772, le Panthéon de Londres était situé sur Oxford Street. L’immense bâtiment, affublé d’

93 Much Ado about Nothing (1600) de William Shakespeare. Garrick a interprété le rôle de Benedick de 1748 à 1776.

94 Madame Necker fait probablement référence à Robert Clive, 1er baron Clive (1725-1774), et au jardin agrémentant la propriété de Claremont, acquise

95 Il s’agit de Painshill, domaine près de la ville de Cobham, conçu entre 1738 et 1773 par Charles Hamilton et dont Benjamin Bond Hopkins (1745-1794)

96 Le manuscrit passe directement de la page 435 à la page 437.

97 Nous n’avons pu identifier cette maison ni son propriétaire.

98 Oatlands était la résidence de Henry Pelham Clinton, 2e duc de Newcastle (1720-1794). À partir de 1740, des travaux ont été entrepris pour agrandir

99 Strawberry Hill House, située à Twickenham, en banlieue de Londres. De style néogothique, la maison a été construite à partir de 1749 et a subi

100 Twickenham.

101 Alexander Pope (1688-1744), poète et traducteur anglais, très admiré de Madame Necker et souvent mentionné dans les Mélanges et Nouveaux mélanges.

102 William Stanhope (1702-1772) a acquis le domaine de Pope en 1745. Il a fait construire de nouveaux bâtiments dans le parc, dont la fameuse grotte

103 Philip Dormer Stanhope, 4e comte de Chesterfield (1694-1773), homme politique et écrivain anglais reconnu pour son éloquence et ses traits d’

104 Voir Suzanne Necker, Mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker, Paris, Pougens, 1798, t. 3, p. 172-173 : « Je fus plus attendrie mille

105 Strawberry Hill.

106 La comtesse de Pange souligne le rôle essentiel de Madame du Deffand dans la rencontre des Necker avec Horace Walpole (« Necker en Angleterre […] 

107 Il s’agit des miniatures de Venetia Stanley, lady Digby (1600-1633), par le peintre Peter Oliver.

108 « Aigle en termes d’Armoiries & de Devises est feminin » (Dictionnaire de l’Académie françoise, 4e édition, t. 1, 1762).

109 Walpole possédait une tabatière à l’effigie de Madame de Sévigné ainsi qu’un portrait de sa fille, Françoise-Marguerite de Sévigné, comtesse de

110 Cloche d’argent (« Cellini » Bell) initialement attribuée à Benvenuto Cellini, mais créée vers 1550 par Wenzel Jamnitzer.

111 Sceau de Théodore de Neuhoff, roi de Corse (1694-1756).

112 Livre des heures enluminé (vers 1532) de la reine Claude de France (1499-1524).

113 Horace Walpole portait parfois cette cravate en bois de tilleul (vers 1690), attribuée au sculpteur Grinling Gibbons.

114 Il s’agit d’une lettre à Horace Walpole datée de mai 1766, et signée « Rabutin de Sévigné ».

115 Portrait de Ninon de l’Enclos (1620-1705) par le peintre Louis Ferdinand Elle l’Aîné.

116 Le portrait aurait été offert par Ninon elle-même à Elizabeth Montagu, comtesse de Sandwich (1674-1757). Son petit-fils, John Montagu, comte de

117 Élizabeth Hamilton, comtesse de Grammont (1640-1708), dont un portrait fait par John Giles Eccardt (d’après Sir Peter Lely) et conservé à

118 Louise de La Vallière (1644-1710), première maîtresse de Louis XIV. Nous n’avons pu identifier l’auteur du portrait.

119 La collection d’Horace Walpole comprenait des gants de cuir brodés (vers 1610-1625) ayant appartenu au roi James 1er, ainsi que les gants de

120 Armure de parade de François 1er, créée vers 1600.

121 La collection de Walpole comprenait une lance indienne et deux lances perses, datant du XVIIIe siècle.

122 Cette chapelle a été érigée au début des années 1770.

123 King Lear (1606) de William Shakespeare. Madame Necker assistera à deux representations de King Lear pendant son séjour en Angleterre (voir

124 Créé à l’initiative de Charles II sur le modèle des Invalides à Paris, le Royal Hospital Chelsea de Londres a ouvert ses portes en 1692.

125 La Chelsea Waterworks Company a été créée en 1723 afin de mieux servir les besoins en eau de la ville de Londres. La « pompe a feu » londonienne

126 Edmund Burke (1730-1797), homme de lettres, philosophe et homme d’État.

127 The Wonder ! A Woman Keeps a Secret (1714), comédie de Susannah Centlivre.

128 Mary Ann Yates, née Graham (1728-1787), tragédienne anglaise, épouse de Richard Yates (1706-1796).

129 François-René Molé (1734-1802), acteur français.

130 Il nous est difficile d’identifier « milady Milles ». Il pourrait s’agir de Mary Elizabeth Milles, née Tanner (1747-1818), épouse de Richard

131 Almack’s, situé sur King Street et ouvert en 1765. Il s’agissait d’un lieu de divertissement dont l’un des bâtiments accueillait un club mixte (

132 Il s’agit certainement de Hyde Park.

133 Dans une lettre non datée adressée à Bossuet, Fénelon écrit de Sarlat : « La Grèce entière s’ouvre à moi […]. Je monte au double sommet du

134 Elizabeth Somerset, née Boscawen, duchesse de Beaufort (1747-1828), épouse de Henry Somerset, 5e duc de Beaufort (1744-1803).

135 Anthony A. Le Texier (vers 1737-1814), comédien français autodidacte installé à Londres à partir de 1775.

136 La partie de chasse de Henri IV (1766), comédie de Charles Collé.

137 Antoine-Jacques Roustan (1734-1808), pasteur et philosophe genevois, ministre de l’Église suisse de Londres de 1764 à 1791.

138 Demeure connue sous le nom de Garrick’s Villa, ou Hampton House.

139 Hampton Court Palace. La construction du palais a débuté en 1515, sous Henri VIII.

140 Le British Museum avait ouvert ses portes en janvier 1753. Le bâtiment d’origine, la Montagu House, a été détruit au XIXe siècle afin d’agrandir

141 Matthew Maty (1718-1776), né Matthieu Maty. Médecin néerlandais né d’un père huguenot originaire de Provence, il émigre en Angleterre et devient l

142 Sir William Hamilton (1730-1803) a vendu au British Museum, en 1772, une collection d’objets de l’Antiquité réunie à l’occasion de son séjour à

143 Substantif masculin désignant l’amiante en ancien français.

144 On peut se questionner sur le spécimen aperçu par Madame Necker, puisque l’agnus scythicus, mi-plante mi-animal, est une créature légendaire.

145 Joseph Banks (1743-1820), botaniste et naturaliste anglais, et Daniel Solander (1733-1782), naturaliste suédois, ont pris part à l’expédition du

146 Tahiti.

147 Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), naturaliste et scientifique français. Ami très cher de Madame Necker, il a entretenu avec elle

148 Voir ci-dessus, note 123.

149 Frederick North, 2e comte de Guilford, dit « Lord North » (1732-1792), premier ministre de Grande-Bretagne de 1770 à 1782.

150 The Deuce is in Him, farce de George Colman l’Ancien créée à Drury Lane, le 4 novembre 1763.

151 George III (1738-1820) règne sur la Grande-Bretagne et l’Irlande de 1760 à sa mort.

152 The Suspicious Husband (1747), comédie de Benjamin Hoadly (1706-1757) créée à Covent Garden, le 12 février 1747. Également représentée à Drury

153 Promptitude et agileté.

154 « Chattemite. S.f. Terme qui se dit d’une personne qui affecte une contenance douce, humble & flatteuse, pour tromper quelqu’un. Voyez-vous cet

155 Il pourrait s’agir de damoiseau : « Damoiseau, ne se dit plus que par ironie, en parlant d’un homme qui fait le beau, le galant auprès des femmes

156 L’abbaye de Westminster, dont l’architecture actuelle date du XIIIe siècle, sous Henry III.

157 Louis François Roubiliac ou Roubillac (1702-1762), sculpteur d’origine lyonnaise. Il émigre dans les années 1730 et poursuit sa carrière en

158 James Wolfe (1727-1759), général à la tête des troupes anglaises victorieuses lors de la bataille des plaines d’Abraham (Québec), où il perd la

159 Bushy Park, où se trouve Bushy House, l’une des résidences de lord North.

160 Kenwood House.

161 La colline des traîtres désigne la colline du Parlement de Londres. Ce nom lui a été donné en référence aux troupes loyales au Parlement pendant

162 Richard III (1633) de William Shakespeare.

163 Chatham.

1 Suzanne Necker, « Voyage D’Angleterre », Manuscrits vol. VI, in-quarto, archives de Coppet, p. 465. Toute notre gratitude va à feu Monsieur le comte d’Haussonville, qui a très généreusement mis ce manuscrit à notre disposition.

2 Ibid., p. 389-468. On note une erreur de pagination dans le manuscrit, avec un passage de la page 435 à la page 437.

3 Comtesse Jean de Pange, « Necker en Angleterre : le mystérieux voyage de 1776 d’après des documents inédits », Revue des deux mondes, 1er avril 1948, p. 480-499. L’article de la comtesse de Pange inclut plusieurs extraits de la correspondance de Madame du Deffand avec Horace Walpole et de David Garrick avec Suzanne Necker.

4 L.-A. Boiteux, « À propos du voyage de Monsieur et Madame Necker en Angleterre en 1776 », Cahiers staëliens, n° 12, juin1971, p. 10-21.

5 Homme d’esprit et directeur général des Fermes de Paris, François-Claude Gigot de Garville (1702-vers 1781) était un ami des Necker. Il accueillera Madame de Staël, Suard et d’autres émigrés dans son château de Greng, sur les bords du lac Morat, pendant la Révolution.

6 Jean-Baptiste-Antoine Suard (1732-1817) était un ami très proche de la famille Necker. Il avait dès les années soixante publié quelques pièces de Suzanne Necker dans la Gazette littéraire de l’Europe, puis dans les Variétés littéraires. Boiteux indique que ses précédents séjours en Angleterre, sa connaissance approfondie de la langue et de la littérature anglaises, de même que ses relations (Hume, Garrick, Roberston, Wilkes) en faisaient un compagnon de voyage idéal (« À propos du voyage », p. 11).

7 Danielle Johnson-Cousin, « Quelques précisions à propos du voyage des Necker en Angleterre en 1776 », Studies on Voltaire and the Eighteenth-Century, n° 182, 1979, p. 331-339.

8 Les noms suggérés incluent notamment « le vicomte de Noailles, le marquis de Coigny et m. de Charlus » (Ibid., p. 332, note 5).

9 Voir à ce sujet Robert Escarpit, « L’Angleterre de Necker », L’Angleterre dans l’œuvre de Madame de Staël, Paris, M. Didier, 1954, et Henri Grange, Les idées de Necker, Paris, Klincksieck, 1974, p. 50 : « Mais c’est encore dans les milieux gouvernementaux anglais que la renommée de Necker est la plus illustre. Ses relations avec ce pays avaient toujours été très étroites. Les affaires de sa maison de banque l’avaient mis en rapport depuis toujours avec la finance anglaise, et, au niveau où elles se traitaient, le contact avec le personnel politique était inévitable ». On trouvera dans l’ouvrage d’Herbert Lüthy tous les détails concernant les échanges de Necker avec les banques anglaises (La banque protestante en France. De la révocation de l’Édit de Nantes à la Révolution, Paris, S.E.V.P.E.N., 1959-196, t. 2, p.228-242, 315-319, 369 et suiv).

10 Danielle Johnson-Cousin suggère que cette rencontre s’est probablement faite par l’entremise de Suard (voir « Quelques précisions à propos du voyage », p. 332).

11 Ibid., p. 336, note 22. Danielle Johnson-Cousin rappelle avec précaution cette piste initialement proposée par E. Lavaquery (Necker, fourrier de la Révolution, Paris, Plon, 1933, p. 114).

12 Edward Gibbon (1737-1794), historien anglais. Il fait la rencontre de Suzanne Curchod à Lausanne en 1757. Les projets de mariage seront contrecarrés par le père de Gibbon. Bien que plusieurs chercheurs mentionnent l’accueil fait par Gibbon aux Necker lors du séjour de 1776, il n’en est nulle part question dans le journal de voyage.

13 Suzanne Necker, lettre à Madame de Reverdil, « ce 29 mars 1776 », Ms. Suppl. 717, Bibliothèque de Genève, f. 160r°-v°. Cette lettre est également citée par Pierre Kohler (Madame de Staël et la Suisse, Lausanne/Paris, Payot, 1916, p. 49) et Danielle Johnson-Cousin (« Quelques précisions à propos du voyage », p. 334, note 14).

14 Suzanne Necker, « Voyage D’Angleterre », op. cit., p. 466.

15 Joyau architectural reconnu dans toute l’Europe, les grandes écuries de Chantilly sont construites en 1719 à la demande de Louis Henri de Bourbon, prince de Condé, sous la direction de l’architecte Jean Aubert.

16 François Marie Bruno d’Agay (1722-1805), avocat et intendant de la ville d’Amiens de 1771 à 1789.

17 Dans la mythologie grecque, l’un des principaux fleuves des Enfers.

18 Pont supérieur d’un navire.

19 La ville portuaire anglaise de Dover.

20 Chatham.

21 La rivière Medway.

22 La cathédrale anglicane Saint-Paul présente un dôme d’une hauteur de cent onze mètres. Elle est l’édifice le plus élevé de Londres jusqu’en 1967. À son sujet, Jean-Baptiste Suard écrit à son épouse : « [nous avons visité] la fameuse église de St-Paul, la plus considérable après St-Pierre de Rome sur le modèle duquel elle a été constuite, et du haut de l’édifice nous avons vu toute l’enceinte de Londre par-dessus les toits et l’étendue de cette ville nous a étonnés » (lettre non datée, citée dans « À propos du voyage », p. 14.)

23 La sposa fedele (1766), opéra bouffe en trois actes créé par Pietro Alessandro Guglielmi sur un livret de Pietro Chiari.

24 Jean Dauberval (1742-1806), danseur de ballet, professeur et chorégraphe français reconnu pour son intégration de l’action à la danse.

25 Madame Necker réfère ici à la fable « L’âne et le petit chien » de Jean de La Fontaine.

26 Marie-Madeleine Guimard (1743-1816), ballerine française reconnue dans le genre comique et vedette de l’Opéra de Paris pendant plusieurs années. Elle apparaît dans l’opéra en trois actes Sylvie, créé à Fontainebleau le 17 octobre 1765, puis à Paris le 18 novembre 1766.

27 Elizabeth Chudleigh, duchesse de Kingston (1720-1788). L’accusation de bigamie lancée par la famille de son défunt époux et le procès qui en a résulté ont retenu l’attention du public londonien en 1776.

28 Elizabeth Murray, née Finch (1704-1784), épouse de William Murray, 1er comte de Mansfield (1705-1793).

29 David Murray, 2e comte de Mansfield, vicomte de Stormont (1727-1796). Ambassadeur de Grande-Bretagne en France, habitué du salon des Necker, lord Stormont leur ouvre ses portes lors de leur séjour à Londres.

30 Madame Necker réfère ici au palais de Westminster, siège du Parlement anglais. Les procès se déroulaient dans la plus vieille partie de l’édifice, Westminster Hall.

31 Prince Henry, duc de Cumberland (1745-1790), frère cadet de Georges III.

32 Theatre Royal, Drury Lane, le plus souvent désigné par « Drury Lane », haut lieu du théâtre londonien. L’année du voyage des Necker en Angleterre, le comédien David Garrick terminait un mandat de vingt-neuf ans à titre de directeur de l’institution (1747-1776).

33 Mahomet the Imposter. A Tragedy (trad. James Miller et John Hoadly, London, 1744), traduction de la tragédie de Voltaire, Le fanatisme ou Mahomet le prophète (1736).

34 Dans la mythologie grecque, la vierge Polyxène est l’exemple par excellence de la pudeur lorsque, sacrifiée sur le tombeau d’Achille, elle dispose ses vêtements de manière à rester décente jusqu’au dernier souffle.

35 Bon Ton; or, High Life About Stairs, comédie de David Garrick créée à Drury Lane, le 18 mars 1775.

36 Thomas King (1730-1805), acteur et auteur dramatique anglais. Il a passé une partie de sa carrière à Drury Lane auprès de David Garrick.

37 Il s’agit de la demeure située sur le domaine des ducs de Bedford, au cœur de Londres et adjacent à Bloomsbury Square. À l’époque où voyagent les Necker, Francis Russell (1765-1802) détient le titre de 5e duc de Bedford depuis 1771.

38 Dans la mythologie grecque, le roi de Phrygie, Midas, est récompensé par Dionysos pour avoir accueilli Silène, son tuteur égaré. Midas fait le vœu de voir tout ce qu’il touche métamorphosé en or. Exaucé, il se rend bientôt compte de sa bêtise puisqu’il ne parvient plus à se nourrir ni à boire.

39 Le parc St. James est le plus ancien des parcs royaux de Londres.

40 L’opéra Caio Mario (1757) de Piccinni est effectivement à l’affiche au King’s Theatre de Londres en 1776, cependant le livret n’est pas de Métastase — avec qui Piccinni collabore pour d’autres opéras —, mais bien de Gaetano Roccaforte.

41 Caterina Gabrielli (1730-1796), chanteuse d’opéra italienne. Reconnue pour son excentricité, elle séjourne à Londres lors de la saison 1775-1776, où elle tient le rôle de Marcia dans Caio Mario.

42 Lucrezia Aguiari, dite « La Bastardina » ou « La Bastardella » (vers 1743/1746-1783), soprano colorature italienne au registre particulièrement étendu.

43 Il s’agit bien entendu de castrats, au sujet desquels Rousseau écrit (article « Castrato », Dictionnaire de musique, Paris, 1768, p. 76) : « Ces hommes qui chantent si bien, mais sans chaleur & sans passions, sont, sur le Théâtre, les plus maussades Acteurs du monde ; ils perdent leur voix de très-bonne heure & prennent un embonpoint dégoûtant ».

44 Grizel Stanhope, née Hamilton (1719-1811), épouse de Philip Stanhope, 2e comte de Stanhope (1714-1786).

45 Construite au XIe siècle sous Guillaume le Conquérant, la tour de Londres fait office de Résidence royale jusqu’au XVIIe siècle. Elle abrite les joyaux de la couronne et, à titre de prison, accueille des prisonniers de haut rang.

46 Cette salière en or (Exeter Salt) représentant une tour incrustée de pierres précieuses fait partie des joyaux de la couronne britannique depuis 1660.

47 Charles II (1630-1685) règne de 1660 à 1685.

48 Charles Ier (1600-1649) règne de 1625 à son exécution en 1649.

49 Henri VIII (1491-1547), l’une des sources d’inspiration du conte La barbe bleue, règne de 1509 à sa mort.

50 La tour de Londres a également rempli la fonction de ménagerie jusqu’en 1828.

51 Elizabeth Percy, duchesse de Northumberland (1716-1776), épouse de Hugh Percy, 1er duc de Northumberland (1714-1785). La duchesse de Northumberland s’éteindra quelques mois après le passage des Necker, en décembre 1776.

52 The Jealous Wife (1761), comédie de George Colman l’Ancien créée à Drury Lane, le 12 février 1761.

53 The Elopement, auteur inconnu. Pantomime jouée à Drury Lane de 1767 à 1776. Les spectacles de pantomime mettant en scène Arlequin étaient l’une des traditions de Drury Lane.

54 Avec Every man in his humour (1598), le dramaturge Ben Jonson a popularisé le genre de la comédie des humeurs. Garrick met la pièce en scène à partir de 1751 jusqu’en avril 1776.

55 Virgile, Énéide, livre I, v. 405 : « Et vera incessu patuit Dea » (Sa démarche révèle une déesse).

56 Kitely, dans Every man in his humour, était l’un des meilleurs rôles de Garrick.

57 La « Suite d’injection » dont parle Madame Necker pourrait correspondre à la collection du célèbre chirurgien John Hunter (1728-1793), qui au cours de sa carrière a préparé des milliers de spécimens (organes et squelettes d’humains et d’animaux). Cette collection a été intégrée au Hunterian Museum (Leicester Square) dans les années 1780. Les « injection[s] » ou préparations anatomiques consistaient à l’époque en l’introduction d’une substance (cire, résine, gras colorés, ou encore métal liquide) dans le réseau veineux d’un organe donné, de manière à en favoriser la conservation et l’exposition.

58 William Petty FitzMaurice, comte Shelburne et marquis de Lansdowne (1737-1805).

59 Au croisement de Monument Street et Fish Street Hill, le monument commémorant le grand incendie de Londres (2-5 septembre 1666) est une colonne dorique de soixante et un mètres de haut créée par Christopher Wren et Robert Hooke et construite de 1671 à 1677.

60 Thomas Walpole (1727-1803), membre du parlement anglais, banquier et cousin d’Horace Walpole. Béatrice W. Jasinski confirme la tenue de ce dîner le 27 avril 1776, et l’amitié qui lie Thomas Walpole à Necker au plus tard à partir de ce voyage. Walpole multipliera par la suite les voyages à Paris (voir Béatrice W. Jasinski, « Introduction », dans Germaine de Staël, Correspondance générale, I/1 Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1960, p. xxvi, note 3).

61 Horace Walpole, 4e comte d’Orford (1717-1797), politicien, historien de l’art, homme de lettres et collectionneur d’antiquités anglais. Il fait la rencontre des Necker en 1775 à Paris, par l’entremise de la marquise du Deffand, et les invite à lui rendre visite à Strawberry Hill l’année suivante (voir ci-dessous, notes 99 et 109).

62 Garrick était très reconnu pour son interprétation du rôle titre, des années 1740 à 1776.

63 Garrick intervenait à tous les niveaux de la production théâtrale et apportait parfois des modifications aux textes des pièces à l’affiche.

64 Les jardins de Ranelagh étaient situés à Chelsea, tout juste à l’extérieur de Londres.

65 Hester Stanhope, née Pitt, vicomtesse Mahon (1755-1780). Elle était l’épouse de Charles Stanhope, vicomte Mahon, 3e comte de Stanhope (1753-1816) et la belle-fille de lord et lady Stanhope.

66 La pièce maîtresse des jardins de Ranelagh consistait en une immense rotonde roccoco, ici décrite en détail par Madame Necker. La rotonde a été détruite en 1805.

67 Fenêtres ?

68 La rotonde de Ranelagh accueillait régulièrement des concerts.

69 Montrer le bout de l’oreille : révéler son vrai caractère ou ce qu’on veut tenir caché, malgré le soin mis à le dissimuler.

70 The Provoked Wife (1697), comédie de John Vanbrugh. Le personnage de Sir John Brute était l’un des rôles les plus populaires de Garrick.

71 The Padlock (1768) de Charles Dibdin, sur un livret d’Isaac Bickerstaffe, basé sur Le jaloux d’Estramadure de Cervantes. L’allusion à l’opéra comique On ne s’avise jamais de tout (1761), de Michel-Jean Sedaine, sur une musique de Pierre-Alexandre Monsigny, est due sans doute à la présence d’un jaloux.

72 Le parc de Kensington fait partie des parcs royaux de Londres et est situé à l’ouest de Hyde Park.

73 Rule a Wife and Have a Wife (1624), comédie de John Fletcher.

74 Le domaine de Kew comportait à l’époque du voyage des Necker quelques bâtiments, dont le palais de Kew, de même qu’un superbe jardin. La « maison » à laquelle Madame Necker fait référence pourrait bien être le cottage rustique de la reine Charlotte, construit avant 1771, comme le confirme par ailleurs la correspondance de Suard (lettre non datée de Suard à son épouse, citée dans « À propos du voyage », p. 18) : « [3 mai] Nous avons vu la maison de la reine à Kew et les jardins […] ».

75 Aire de conservation, le parc de Richmond est le plus grand des parcs royaux de Londres.

76 Si l’on se fie aux notes de Suard, ce n’est pas au duc de Richmond, mais bien au duc de Northumberland qu’appartenait la maison de Syon, visitée le soir même par les voyageurs (voir ci-dessous, note 78).

77 Suard évoque ce lieu dans une lettre à son épouse (non datée, citée dans « À propos du voyage », p. 16) : « Dimanche [le 21 mai], j’ai mené M. Garville dîner à Richmond, dans une taverne située sur une colline d’où l’on découvre la Tamise serpentant de la manière la plus pittoresque dans un pays enchanteur ».

78 Cette visite à Syon est relatée par Suard dans une lettre à son épouse (non datée, citée dans ibid., p. 18) : « [3 mai] […] nous avons dîné dans une jolie taverne sur la colline de Richmond, d’où l’on a la vue d’un paysage enchanté et dont je crois vous avoir déjà parlé ; nous avons été de là voir une maison du duc de Northumberland, qui est dans un genre de magnificence dont on n’a point d’idée ailleurs ».

79 Kew.

80 Un haha : « Ouverture qu’on fait au mur d’un jardin, avec un fossé en-dehors, afin de laisser la vue libre » (Dictionnaire de l’Académie françoise, 4e édition, t. 1, 1762).

81 Il s’agit sans doute de Wimbledon park, dont l’aménagement est confié à Lancelot « Capability » Brown à compter de 1765.

82 Margaret Georgiana Spencer, comtesse Spencer (1737-1814), épouse de John Spencer, 1er comte Spencer (1734-1783) et mère de Georgiana Cavendish, duchesse de Devonshire (1757-1806).

83 Marlborough Manor House, l’une des maisons de la famille Spencer. John Spencer, 1er comte Spencer, en avait hérité de son arrière-grand-mère, Sarah Churchill, duchesse de Marlborough (1660-1744).

84 William Ponsonby, 2e comte de Bessborough (1704-1793), politicien britannique. Sa maison de Parkstead House abritait une importante collection de tableaux et il comptait en Angleterre parmi les plus importants clients de Liotard.

85 Jean-Étienne Liotard (1702-1789), peintre et pastelliste genevois à qui l’on doit deux pastels de Suzanne Necker, l’un datant de sa jeunesse en Suisse (vers 1761, Schönbrunn Palace, Vienne), le second de sa vie à Paris (vers 1772, Château de Coppet).

86 Sir Joshua Van Neck (1702-1777), négociant et directeur avec son frère Gérard Van Neck (décédé en 1750) d’une importante maison commerciale qui constituait l’un des principaux correspondants anglais de la maison Thelusson, Necker & Cie à l’époque où Jacques Necker était banquier (voir La banque protestante en France, t.2, p. 240-241). La famille Van Neck habitait une maison à Putney, au bord de la Tamise.

87 La Tamise. Il s’agit vraisemblablement d’un lapsus.

88 Nous n’avons pu identifier ce tableau, qui rappelle spontanément « La galerie des offices » (Tribuna of the Uffizi) de Johann Zoffany, mais dont la composition ne sera achevée qu’en 1778, à Florence.

89 The Beaux’ Stratagem (1707), comédie de George Farquhar.

90 The Man of Quality (1776), farce de John Lee, inspirée de la comédie The Relapse de Sir Vanbrugh.

91 Frances « Fanny » Abington, née Barton (1737-1815), actrice britannique.

92 Conçu par l’architecte James Wyatt et ouvert à partir de 1772, le Panthéon de Londres était situé sur Oxford Street. L’immense bâtiment, affublé d’un dôme rappelant le panthéon romain, favorisait les rassemblements de la haute société et accueillait des concerts, danses et bals masqués. Il a été démoli en 1937.

93 Much Ado about Nothing (1600) de William Shakespeare. Garrick a interprété le rôle de Benedick de 1748 à 1776.

94 Madame Necker fait probablement référence à Robert Clive, 1er baron Clive (1725-1774), et au jardin agrémentant la propriété de Claremont, acquise par ce dernier en 1769, à proximité de Esher. Lord Clive a alors donné à Lancelot « Capability » Brown le mandat de rénover le jardin et la maison. La construction de cette dernière s’était terminée en 1774, comme le souligne d’ailleurs Madame Necker (« la maison qui vient d’être batie »).

95 Il s’agit de Painshill, domaine près de la ville de Cobham, conçu entre 1738 et 1773 par Charles Hamilton et dont Benjamin Bond Hopkins (1745-1794) fait l’acquisition en 1773. La « grotte en rocaille » à laquelle Madame Necker fait référence peut encore être visitée de nos jours.

96 Le manuscrit passe directement de la page 435 à la page 437.

97 Nous n’avons pu identifier cette maison ni son propriétaire.

98 Oatlands était la résidence de Henry Pelham Clinton, 2e duc de Newcastle (1720-1794). À partir de 1740, des travaux ont été entrepris pour agrandir et transformer le jardin. La « terrasse » de verdure descendant vers l’eau, le lac et la grotte comptaient parmi les plus remarquables attraits de ce jardin.

99 Strawberry Hill House, située à Twickenham, en banlieue de Londres. De style néogothique, la maison a été construite à partir de 1749 et a subi plusieurs phases d’agrandissement. Walpole y conservait une vaste collection de tableaux et d’antiquités.

100 Twickenham.

101 Alexander Pope (1688-1744), poète et traducteur anglais, très admiré de Madame Necker et souvent mentionné dans les Mélanges et Nouveaux mélanges.

102 William Stanhope (1702-1772) a acquis le domaine de Pope en 1745. Il a fait construire de nouveaux bâtiments dans le parc, dont la fameuse grotte contenant son propre buste, celui de sa fille et celui de lord Chesterfield.

103 Philip Dormer Stanhope, 4e comte de Chesterfield (1694-1773), homme politique et écrivain anglais reconnu pour son éloquence et ses traits d’esprit.

104 Voir Suzanne Necker, Mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker, Paris, Pougens, 1798, t. 3, p. 172-173 : « Je fus plus attendrie mille fois, en voyant, au milieu d’un riant jardin, une simple colonne que Pope avoit consacrée à la mémoire de sa vertueuse mère » (cité dans comtesse de Pange, « Necker en Angleterre », p. 493).

105 Strawberry Hill.

106 La comtesse de Pange souligne le rôle essentiel de Madame du Deffand dans la rencontre des Necker avec Horace Walpole (« Necker en Angleterre […] », p. 481) : « Mme du Deffand écrit le 20 mai 1775 à Horace Walpole : « Ce M. Necker est un fort honnête homme, il a beaucoup d’esprit mais il met trop de métaphysique dans tout ce qu’il écrit. Je ne sais s’il me plaira… [nous soulignons ; il s’agit d’une erreur de transcription. Voir les Lettres de la marquise du Deffand à Horace Walpole depuis comte d’Orford, écrites dans les années 1766 à 1780, Paris, Treuttel et Wurtz, 1912, t. 3, p. 200 : « Je ne sais s’il vous plairait […] »] Je soupe une fois la semaine à sa campagne, qui est à Saint-Ouen…Sa femme a de l’esprit et du mérite, sa société ordinaire sont des gens de lettres qui, comme vous savez, ne m’aiment point. C’est un peu malgré eux qu’elle s’est liée avec moi. Elle et son mari sont forts amis de lord Stormont ». Horace Walpole vient à Paris et rencontre les Necker. Il n’en est pas enchanté. Il écrit, le 8 septembre 1775, à son ami Conway : « …Je ne suis pas si épris des Necker coq and Hen, c’est un tambour et un fifre auxquels je n’entends rien. Il mâchonne, elle criaille et aucun n’articule ». Horace Walpole quitte Paris le 12 octobre 1775 non sans avoir invité ses nouveaux amis à venir le voir à Strawberry Hill.

107 Il s’agit des miniatures de Venetia Stanley, lady Digby (1600-1633), par le peintre Peter Oliver.

108 « Aigle en termes d’Armoiries & de Devises est feminin » (Dictionnaire de l’Académie françoise, 4e édition, t. 1, 1762).

109 Walpole possédait une tabatière à l’effigie de Madame de Sévigné ainsi qu’un portrait de sa fille, Françoise-Marguerite de Sévigné, comtesse de Grignan.

110 Cloche d’argent (« Cellini » Bell) initialement attribuée à Benvenuto Cellini, mais créée vers 1550 par Wenzel Jamnitzer.

111 Sceau de Théodore de Neuhoff, roi de Corse (1694-1756).

112 Livre des heures enluminé (vers 1532) de la reine Claude de France (1499-1524).

113 Horace Walpole portait parfois cette cravate en bois de tilleul (vers 1690), attribuée au sculpteur Grinling Gibbons.

114 Il s’agit d’une lettre à Horace Walpole datée de mai 1766, et signée « Rabutin de Sévigné ».

115 Portrait de Ninon de l’Enclos (1620-1705) par le peintre Louis Ferdinand Elle l’Aîné.

116 Le portrait aurait été offert par Ninon elle-même à Elizabeth Montagu, comtesse de Sandwich (1674-1757). Son petit-fils, John Montagu, comte de Sandwich (1718-1792), aurait offert le portrait à Horace Walpole, qui l’a acquis à l’été 1758.

117 Élizabeth Hamilton, comtesse de Grammont (1640-1708), dont un portrait fait par John Giles Eccardt (d’après Sir Peter Lely) et conservé à Strawberry Hills aurait été vendu en 1842 (voir Catalogue of the Pictures in the National Portrait Gallery, London, W. Clowes and Sons, January 1st 1859, p. 21). La transcription de la comtesse de Pange présente un pluriel par erreur : « Mlles Hamilton » (« Necker en Angleterre », p. 495).

118 Louise de La Vallière (1644-1710), première maîtresse de Louis XIV. Nous n’avons pu identifier l’auteur du portrait.

119 La collection d’Horace Walpole comprenait des gants de cuir brodés (vers 1610-1625) ayant appartenu au roi James 1er, ainsi que les gants de mariage de l’une des épouses de John Hampden (1595-1643). Nos recherches ne nous ont pas permis de confirmer l’existence de gants de la reine Anne dans la collection de Walpole.

120 Armure de parade de François 1er, créée vers 1600.

121 La collection de Walpole comprenait une lance indienne et deux lances perses, datant du XVIIIe siècle.

122 Cette chapelle a été érigée au début des années 1770.

123 King Lear (1606) de William Shakespeare. Madame Necker assistera à deux representations de King Lear pendant son séjour en Angleterre (voir ci-dessous, note 148, et Danielle Johnson-Cousin, « Quelques précisions à propos du voyage », p. 333).

124 Créé à l’initiative de Charles II sur le modèle des Invalides à Paris, le Royal Hospital Chelsea de Londres a ouvert ses portes en 1692.

125 La Chelsea Waterworks Company a été créée en 1723 afin de mieux servir les besoins en eau de la ville de Londres. La « pompe a feu » londonienne, dont la technologie a été successivement développée par Thomas Savery, Thomas Newcomen et James Watt, inspirera la pompe à feu de Chaillot (1781).

126 Edmund Burke (1730-1797), homme de lettres, philosophe et homme d’État.

127 The Wonder ! A Woman Keeps a Secret (1714), comédie de Susannah Centlivre.

128 Mary Ann Yates, née Graham (1728-1787), tragédienne anglaise, épouse de Richard Yates (1706-1796).

129 François-René Molé (1734-1802), acteur français.

130 Il nous est difficile d’identifier « milady Milles ». Il pourrait s’agir de Mary Elizabeth Milles, née Tanner (1747-1818), épouse de Richard Milles (1735-1820), ou encore d’Elizabeth Mills, née Moffat (1756-1816), épouse de sir Thomas Mills (1739-1793), protégé de lord Mansfield. Nous savons par une lettre de lord Mansfield à Necker que ce dernier connaissait sir Mills : « Sir Thomas Mills est extrêmement flatté que vous ayez la bonté de vous souvenir de lui. Je serai excessivement jaloux de la première visite qu’il vous fera […] » (William Murray, lord Mansfield, lettre à Jacques Necker, 21 juin 1776, citée par la comtesse de Pange, « Necker en Angleterre », p. 499).

131 Almack’s, situé sur King Street et ouvert en 1765. Il s’agissait d’un lieu de divertissement dont l’un des bâtiments accueillait un club mixte (the ladies’ club). On s’y assemblait pour converser, danser et manger.

132 Il s’agit certainement de Hyde Park.

133 Dans une lettre non datée adressée à Bossuet, Fénelon écrit de Sarlat : « La Grèce entière s’ouvre à moi […]. Je monte au double sommet du Parnasse ; je cueille les lauriers de Delphes, et je goûte les délices de Tempé » (Fénelon, Correspondance de Fénelon, éd. J. Orcibal, Paris, Klincksieck, 1972, t. 2, p. 49).

134 Elizabeth Somerset, née Boscawen, duchesse de Beaufort (1747-1828), épouse de Henry Somerset, 5e duc de Beaufort (1744-1803).

135 Anthony A. Le Texier (vers 1737-1814), comédien français autodidacte installé à Londres à partir de 1775.

136 La partie de chasse de Henri IV (1766), comédie de Charles Collé.

137 Antoine-Jacques Roustan (1734-1808), pasteur et philosophe genevois, ministre de l’Église suisse de Londres de 1764 à 1791.

138 Demeure connue sous le nom de Garrick’s Villa, ou Hampton House.

139 Hampton Court Palace. La construction du palais a débuté en 1515, sous Henri VIII.

140 Le British Museum avait ouvert ses portes en janvier 1753. Le bâtiment d’origine, la Montagu House, a été détruit au XIXe siècle afin d’agrandir le musée.

141 Matthew Maty (1718-1776), né Matthieu Maty. Médecin néerlandais né d’un père huguenot originaire de Provence, il émigre en Angleterre et devient l’un des principaux bibliothécaires du British Museum. Son fils, Paul Henry Maty (1744-1787), entreprendra la même carrière.

142 Sir William Hamilton (1730-1803) a vendu au British Museum, en 1772, une collection d’objets de l’Antiquité réunie à l’occasion de son séjour à Naples, où il occupait le poste d’ambassadeur britannique.

143 Substantif masculin désignant l’amiante en ancien français.

144 On peut se questionner sur le spécimen aperçu par Madame Necker, puisque l’agnus scythicus, mi-plante mi-animal, est une créature légendaire. Diderot lui consacre un article dans l’Encyclopédie (« Agnus Scythicus », t. 1, p. 179-180).

145 Joseph Banks (1743-1820), botaniste et naturaliste anglais, et Daniel Solander (1733-1782), naturaliste suédois, ont pris part à l’expédition du Endeavour de James Cook (1768-1771) dans le Pacifique.

146 Tahiti.

147 Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), naturaliste et scientifique français. Ami très cher de Madame Necker, il a entretenu avec elle une longue correspondance.

148 Voir ci-dessus, note 123.

149 Frederick North, 2e comte de Guilford, dit « Lord North » (1732-1792), premier ministre de Grande-Bretagne de 1770 à 1782.

150 The Deuce is in Him, farce de George Colman l’Ancien créée à Drury Lane, le 4 novembre 1763.

151 George III (1738-1820) règne sur la Grande-Bretagne et l’Irlande de 1760 à sa mort.

152 The Suspicious Husband (1747), comédie de Benjamin Hoadly (1706-1757) créée à Covent Garden, le 12 février 1747. Également représentée à Drury Lane, cette pièce très populaire a connu cent vingt-six représentations durant la carrière de Garrick, reconnu pour son rôle de Ranger.

153 Promptitude et agileté.

154 « Chattemite. S.f. Terme qui se dit d’une personne qui affecte une contenance douce, humble & flatteuse, pour tromper quelqu’un. Voyez-vous cette chattemite. Comme elle fait la chattemite. Il a beau faire la chattemite, il ne me trompera pas. Il n’a d’usage que dans le style familier » (Dictionnaire de l’Académie françoise, 4e édition, t. 1, 1762).

155 Il pourrait s’agir de damoiseau : « Damoiseau, ne se dit plus que par ironie, en parlant d’un homme qui fait le beau, le galant auprès des femmes, et se donne pour homme à bonnes fortunes » (Dictionnaire de l’Académie françoise, 5e édition, t. 1, 1798).

156 L’abbaye de Westminster, dont l’architecture actuelle date du XIIIe siècle, sous Henry III.

157 Louis François Roubiliac ou Roubillac (1702-1762), sculpteur d’origine lyonnaise. Il émigre dans les années 1730 et poursuit sa carrière en Angleterre.

158 James Wolfe (1727-1759), général à la tête des troupes anglaises victorieuses lors de la bataille des plaines d’Abraham (Québec), où il perd la vie le 13 septembre 1759.

159 Bushy Park, où se trouve Bushy House, l’une des résidences de lord North.

160 Kenwood House.

161 La colline des traîtres désigne la colline du Parlement de Londres. Ce nom lui a été donné en référence aux troupes loyales au Parlement pendant la première Révolution (1642-1651).

162 Richard III (1633) de William Shakespeare.

163 Chatham.