« Dompter le caractère » : enfance et éducation dans les nouvelles et romans de G. de Staël

Blandine Poirier

p. 355-375

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Blandine Poirier, « « Dompter le caractère » : enfance et éducation dans les nouvelles et romans de G. de Staël », Cahiers Staëliens, 67 | 2017, 355-375.

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Blandine Poirier, « « Dompter le caractère » : enfance et éducation dans les nouvelles et romans de G. de Staël », Cahiers Staëliens [En ligne], 67 | 2017, mis en ligne le 15 avril 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : https://cahiersstaeliens.edinum.org/179

« L’éducation a été la manie du siècle dernier1 » écrit Germaine de Staël dans un essai inachevé de 1811, intitulé De l’Éducation de l’âme par la vie. Se plaçant du côté du XIXe siècle encore naissant, elle semble moquer ou railler ce que Jean Ehrard a désigné comme « une divinité2 » de l’âge des Lumières, et que l’on pourrait même appeler la fureur pédagogique du XVIIIe siècle3. Cependant, à la lecture de ses œuvres, force est de constater que Staël se situe elle aussi du côté de ce XVIIIe siècle qui a tant réfléchi sur la nature de l’être humain et sa formation, sur ce passage entre enfance et jeunesse, marqué par l’acquisition de connaissances intellectuelles, pratiques, morales, devant mener – selon l’idéal pédagogique des Lumières – à une autonomie de l’individu. Chez Staël, la question éducative se trouve développée dès les Lettres sur Rousseau, parcourt tout le corpus dans son hétérogénéité, avant de culminer dans De l’Allemagne4. Cependant, malgré l’importance de ce thème dans la pensée staëlienne, il n’existe à ce jour qu’une étude d’ampleur, publiée par Étienne Causse en 19305, et qui prend comme hypothèse de départ la proximité entre la pensée de Germaine de Staël et celle de sa cousine, Albertine Necker de Saussure, auteure de L’Éducation progressive. Mais l’étude de Causse adopte en majeure partie une perspective biographique, en s’appuyant principalement sur les essais, ne consacrant que quelques pages à Delphine et Corinne. Or, il semblerait que la fiction soit un terrain particulièrement propice pour une étude de la question éducative chez Staël, dans la mesure où elle est un laboratoire d’expérimentations, confrontant diverses expériences vécues par les personnages. La conception staëlienne de la fiction en fait en effet un lieu d’exploration de l’intériorité de l’individu :

Une carrière nouvelle s’ouvrirait alors, ce me semble, aux auteurs qui possèdent le talent de peindre et savent attacher par la connaissance intime de tous les mouvements du cœur humain. L’ambition, l’orgueil, l’avarice, la vanité pourraient être l’objet principal de romans, dont les incidents seraient plus neufs et les situations aussi variées que celles qui naissent de l’amour. Dira-t-on que ce tableau des passions des hommes existe dans l’histoire et que c’est là qu’il vaut bien mieux l’aller chercher ? Mais l’histoire n’atteint point à la vie des hommes privés, aux sentiments, aux caractères dont il n’est pointé résulté d’événements publics […]6.

C’est donc bien l’individu, et tout particulièrement sa vie intérieure et morale, que les romans se doivent de peindre, ce qui tend à les distinguer du récit historique. Or, le lecteur des nouvelles et romans de Germaine de Staël a toujours connaissance de l’histoire intérieure des protagonistes, des circonstances et des principes qui ont présidé à l’éducation de chacun d’entre eux. Ainsi, les personnages adultes évoquent souvent les enfants qu’ils ont été, et leurs relations avec la génération de leurs parents. Le rapport de filiation, qui peut être biologique ou symbolique, a déjà fait l’objet de plusieurs études7, mais il semble intéressant de l’interroger en tant qu’il s’agit d’une éducation, ou d’une absence d’éducation. D’ailleurs, les personnages staëliens sont le plus souvent des orphelins, de date plus ou moins récente au moment de l’intrigue. Hormis Matilde et Léonce, tous les personnages des nouvelles et romans sont dénués de père et mère8. Certains ont perdu leurs parents dès leur petite enfance ; cette situation, loin d’être anecdotique dans la construction du personnel romanesque, interroge justement le pouvoir de l’éducation. L’enfant seul, détaché de tout possible déterminisme familial – voire biologique –, de tout héritage présente un cas extrême de formation par l’éducation : seul ce qui lui sera enseigné lui permettra de se construire. Malheureusement, cette situation n’amène la plupart du temps qu’à la présence des mauvais tuteurs, personnages qui prennent différents visages, selon une volonté plus ou moins marquée de mal éduquer. Mais l’éducation se trouve également confrontée à d’autres éléments constitutifs de l’individu, ce dont témoigne la première lettre de Léonce, adressée à son précepteur :

Quoique j’ai reçu, grâce à vous, une éducation éclairée, cependant une sorte d’instinct militaire, des préjugés, si vous le voulez, mais les préjugés de mes aïeux, ceux qui conviennent si parfaitement à la fierté et à l’impétuosité de mon âme, sont les mobiles les plus puissants de toutes les actions de ma vie9.

Cette missive pose d’emblée la question du pouvoir de l’éducation : peut-elle tout sur les individus ? Peut-elle les modifier au point de (leur) faire oublier leur caractère ou l’esprit de leur pays ? La lettre de Léonce fait apparaître, face à l’éducation reçue, qui naît de la rencontre avec autrui, le poids des héritages – nationaux, familiaux –, comme innutritions non choisies par l’individu. C’est face à ces appartenances initiales que va se déployer la réflexion staëlienne sur l’éducation – son pouvoir et ses limites – ou, pour mieux dire, les éducations qui forgent l’individu : intellectuelle, morale, mondaine. L’éducation, telle que pensée et représentée par Staël, est-elle ce qui permet une émancipation de l’individu ?

Caractère et éducation : perfectionner, reformer ou déformer ?

Si l’on trouve peu de descriptions physiques des personnages staëliens, tous en revanche sont présentés selon leur « caractère ». Il est à noter que les personnages staëliens semblent être portés par une bonté naturelle : leur caractère est presque toujours « bon », ou encore « aimable10 ». Cependant, l’Histoire de Pauline présente ce bon caractère comme inné, mais non suffisant. C’est l’éducation qui se doit de venir seconder ce naturel de l’individu :

Pauline avait un naturel aimable et sensible ; mais à cette époque de la vie, de quel usage est ce don, si l’éducation ne l’a pas développé ? On le retrouve, quand le moment arrive, où l’on peut s’élever soi-même, où l’on sait se servir de sa propre expérience ; mais le meilleur naturel cède à toutes les premières impressions du monde, quand les principes ne le préservent pas11.

L’éducation semble donc être nécessaire pour améliorer ce que la nature a attribué à l’individu. Même si elle peut apparaître comme une contrainte, il semblerait bien que son but soit de lutter contre les défauts inhérents à la personnalité12.

Plusieurs personnages de l’univers staëlien témoignent en effet d’avoir ressenti comme un perfectionnement de leur âme au contact d’un enseignement. Il est alors intéressant de noter que cette amélioration de soi-même par autrui ne relève pas seulement de l’apprentissage intellectuel : se mêlent alors éducation aux idées, éducation morale et découverte de la passion amoureuse. Dans les textes staëliens, ce ne sont pas uniquement les enfants qui sont éduqués : les personnages de jeunes adultes sont eux aussi formés, modifiés, par la rencontre qu’ils font avec une personnalité exceptionnelle. Ainsi, Zulma reçoit une éducation intellectuelle et morale de la part de Fernand, en parallèle du développement de la passion qu’elle ressent pour le jeune homme. De même, dans une répartition inversée des sexes entre maître et disciple, Ximéo est instruit par Mirza, ce qui tend à l’éloigner de sa tribu et de la jeune femme qui lui est promise. Enfin, l’un des fondements de la relation qui s’établit entre Delphine et Léonce est justement cet apprentissage complet qu’apporte la jeune femme :

Quand chez Mme de Vernon je vous entendais sur la vertu, sur la raison, analyser les idées les plus profondes, démêler les rapports les plus délicats, je m’éclairais en vous écoutant : je comprenais mieux le but de l’existence, je pressentais avec plaisir l’utile direction que je pourrais donner à mes pensées. L’amour, quand c’est vous qui l’inspirez anoblit l’âme, développe l’esprit, perfectionne le caractère ; vous exercez votre pouvoir, comme une influence bienfaisante, non comme un feu destructeur13

Cependant, malgré tout ce qu’elles semblent apporter aux personnages, ces éducations par l’amour semblent devoir être classées dans la catégorie des mauvaises éducations, dans la mesure où elles ne parviennent pas à rendre l’individu tout à fait indépendant et responsable de lui-même. L’éducation apportée par Delphine ne parviendra pas ainsi à changer le caractère susceptible, fier et irritable de Léonce. L’éducation de Zulma par Fernand semble même être marquée dès l’origine du sceau du dysfonctionnement. Dans cette relation éducative et sentimentale, le but de Fernand ne semble pas être de faire de Zulma une femme capable de réfléchir par elle-même, ou de se donner des règles morales. Il s’agit bien plutôt de former l’autre comme une projection de soi, dans un rapport mimétique qui empêche l’indépendance de l’individu vis-à-vis d’autrui :

Les soins qu’il consacrait à former mon esprit et mon âme me semblaient le plus sûr garant de sa constance ; il voulait m’identifier selon ses propres idées, diriger mes pensées, mes sentiments, selon ses opinions et son caractère ; il savait donc, qu’il m’eût fallu renaître pour apprendre à vivre sans lui ! Il savait donc que Zulma n’avait plus une faculté indépendante qui pût lui servir à se détacher de Fernand ! La puissance de la réflexion, le don des idées, tout ce qui compose enfin l’empire de l’homme sur lui-même, étant en moi l’ouvrage de Fernand ne pouvait s’élever contre son auteur14.

Ainsi, la responsabilité de Zulma dans le meurtre de Fernand se trouve en quelque sorte expliquée par la mauvaise éducation reçue par la jeune femme. Rendant Zulma dépendante d’un autre, sans lui transmettre les moyens de réfléchir aux sentiments qu’elle ressent pour lui, Fernand n’a pas été en mesure de lui donner les instruments nécessaires à la connaissance d’elle-même15.

Fernand appartient ainsi à la catégorie des mauvais maîtres ou mauvais tuteurs qui parsèment les nouvelles et romans de G. de Staël. Nombre de jeunes filles sont ainsi confiées à des parents éloignés, qui ne se préoccupent guère de l’éducation de leurs pupilles, voire ne les considèrent pas comme des enfants, c’est-à-dire comme des êtres en devenir. Pauline et Adélaïde dans les nouvelles de jeunesse, mais surtout Madame de Vernon dans Delphine : toutes témoignent de cet abandon des orphelines par des tuteurs négligents. Cette absence d’éducation entraine nécessairement une altération d’un naturel pourtant bon :

Les circonstances qui présidèrent à mon éducation ont altéré mon naturel ; il était doux et flexible, on aurait pu, je crois, le développer d’une manière plus heureuse. Personne ne s’est occupé de moi dans mon enfance, lorsqu’il eût été si facile de former mon cœur à la confiance et à l’affection. Mon père et ma mère sont morts que je n’avais pas trois ans, et ceux qui m’ont élevée ne méritaient point mon attachement. Un parent très éloigné et insouciant fut mon tuteur ; il me donnait des maîtres en tout genre, sans prendre le moindre intérêt ni à ma santé, ni à mes qualités morales ; […] il regardait d’ailleurs les femmes comme des jouets dans leur enfance, et dans leur jeunesse comme des maîtresses plus ou moins jolies, que l’on ne peut jamais écouter sur rien de raisonnable16.

Cette lettre confession de Mme de Vernon démontre comment une mauvaise éducation – dénuée de toute sensibilité et de toute attention à la spécificité de l’individu – conduit au mal. Dans Delphine, on ne naît pas méchant, on le devient17 : c’est la rencontre ratée avec autrui qui conduit la jeune femme à choisir la dissimulation, la défense de ses seuls intérêts et l’absence de considération du bien ou du mal fait à l’autre.

Mais entre l’absence de considération pour l’enfant et la relation éducative fondée sur le sentiment amoureux mais qui échoue, n’existe-t-il pas une autre solution, plus équilibrée, qui aboutirait à une éducation réussie ? Certaines nouvelles de jeunesse semblent être plus optimistes sur ce point. Adélaïde, mais surtout Pauline, bénéficient d’une éducation qui semble réussir. L’Histoire de Pauline est une nouvelle particulièrement riche quant à la réflexion staëlienne sur l’éducation ; elle est le récit d’une reformation d’un naturel, initialement bon, mais qui a été perverti. Malgré un « naturel aimable et sensible », Pauline, « orpheline et mal élevée18 », cède aux injonctions du dépravé Meltin, qui la jette dans les bras de son cousin. Mais grâce à sa rencontre avec Mme de Verseuil, Pauline va (re)devenir l’être moral qu’elle aurait pu/dû être. Ainsi, l’éducation apparaît comme ce qui peut faire revenir à une bonté et à une vertu originelles, malmenées par les circonstances : « […] mets une éducation vertueuse entre ton enfance et ta jeunesse, et je me charge de te faire oublier la première19 ». Cette éducation à la vertu apparaît ici comme une étape supplémentaire entre l’enfance et la jeunesse, brisant ainsi le strict continuum temporel, et devenant une étape supplémentaire accordée dans la vie.

La description de la première rencontre entre Mme de Verseuil et celle qui va devenir son élève se déroule sous le sceau de l’évidence, comme si l’âme de la jeune Pauline pressentait et nécessitait absolument cette éducation à venir, comme si les germes d’un caractère bon attendaient, en puissance, de pouvoir être développés :

Mme de Verseuil parla longtemps à Pauline ; elle éprouvait en l’écoutant une impression impossible à rendre ; son âme se développait, des sentiments jusqu’alors confus, s’éclaircissaient et se fixaient : elle entendait le langage qu’elle avait désiré sans le connaître ; elle voyait ouverte devant elle la route qu’elle avait cherchée ; elle retrouvait dans Mme de Verseuil le caractère qu’elle s’était représenté comme une chimère, dont elle avait conçu l’idée sans en avoir rencontré l’exemple […]20.

S’ouvrent alors devant Pauline les nouvelles perspectives qu’elle attendait. De là naîtra une nouvelle jeune fille, qui, formée par une éducation à la fois morale et intellectuelle, sera louée par toute la bonne société du Havre. L’Histoire de Pauline permet de poser la question du modèle et de l’exemple qu’il convient de donner ; la relation filiale qui se créée entre l’orpheline et l’ancien amour de son père semble être la bonne mesure, qui aboutit à une éducation réussie21. La jeune Pauline est ainsi re-formée par son éducation ; même si les remords lui restent quand les souvenirs de son ancienne vie l’assaillent, elle est la preuve des pouvoirs de l’éducation. Cependant, il semblerait qu’une telle conclusion optimiste ne soit qu’un hapax dans l’univers fictionnel staëlien.

Delphine présente une galerie de personnages pris entre caractère naturel et éducation. Léonce, de par sa double appartenance – son père est Français, sa mère est Espagnole – est un exemple de lutte entre innéité du caractère et travail sur soi. C’est d’ailleurs à celui qui fut son maître, et qui continue de le conseiller, qu’il se confie sur son caractère, qu’il perçoit comme quelque chose d’inflexible ; ou du moins qui ne pourrait être changé que par une forme de violence sur soi-même :

J’ai cessé de combattre en moi ces sentiments, je les ai reconnus pour invincibles ; toutefois s’ils pouvaient jamais se trouver en opposition avec la véritable morale, j’en triompherais, du moins de le crois, et c’est à vos leçons, mon cher maître, que je dois cet espoir ; mais dans toutes les résolutions qui ne regardent que moi seul, j’aurais tort de vouloir lutter contre un défaut que je ne puis braver, qu’en sacrifiant tout mon bonheur. Il vaut mieux exposer mille fois sa vie que de faire souffrir son caractère22.

Ainsi, l’éducation ne représente qu’un espoir de parvenir à lutter contre son propre caractère. Elle n’est pas toute puissante sur Léonce, dont les emportements ne pourront être contenus, malgré les conseils de M. Barton et d’Henri de Lebensei. Mais si l’éducation semble échouer sur Léonce – parce qu’elle ne peut lutter contre des caractéristiques héréditaires transmises par le sang espagnol de la mère23 ? –, il est un personnage fort intéressant sur lequel elle semble avoir pris l’ascendant : il s’agit de Matilde.

Dès la troisième lettre du roman, le caractère de Matilde est qualifié d’
« âpre » par Delphine, et c’est ce même terme qui sera employé par Mme de Vernon pour expliquer l’éducation religieuse qu’elle a choisie pour sa fille, qui était jusqu’alors placée sous la responsabilité de son père :

[…] je remarquai qu’elle avait dans son caractère une singulière âpreté, assez peu de sensibilité, et un esprit plus opiniâtre qu’étendu : je reconnus bientôt que mes leçons ne suffisaient pas pour corriger de tels défauts […]. Après y avoir bien réfléchi, je crus que la religion, et une religion positive, était le seul frein assez fort pour dompter le caractère de Matilde […]24.

Il ne s’agit plus ici de développer et de perfectionner un naturel bon, mais de déformer le caractère initial de l’individu. Au regard de ce qu’était l’enfant, Mme de Vernon avait décelé les dangers que courait sa fille dans sa vie sociale et mondaine, si elle n’était pas retenue par le sens du devoir conféré par un enseignement religieux assez strict. Cette prévision, si elle ne s’est guère réalisée pour le personnage, apparaît malgré tout dans la lettre de Mme de Vernon, qui indique ce que Matilde aurait pu être, si l’on n’avait pas « dompter [s]on caractère » :

[…] ce caractère aurait pu contribuer utilement à l’avancement d’un homme ; il présentait l’idée d’une âme ferme et capable de servir d’appui ; mais les femmes, devant toujours plier, ne peuvent trouver, dans les défauts et dans les qualités même d’un caractère fort, que des occasions de douleur25.

Se dessine ainsi, dans les interstices de la lettre, l’image d’un possible avenir jamais advenu. Ce caractère fort qui s’annonçait aurait-il été si dommageable à Matilde ? Cette « âme ferme » qui aurait pu s’accomplir, non pas loin de toute sociabilité – au contraire, au service d’un autre dans sa réalisation sociale – n’aurait-elle pas pu endurer la douleur face à laquelle elle se serait trouvée ? Si la formation de Matilde a fonctionné, selon les vœux de sa mère, que penser de celle qui apparaît dès le début du roman comme son opposé, l’éducation de Delphine ?

Delphine ou l’échec d’une éducation ?

Si Matilde peut être perçue comme la « représentante de la bigoterie catholique la plus rigide26 », roideur transmise par son éducation, le personnage de Delphine est le plus souvent considérée comme « une femme philosophe27 ». Florence Lotterie a souligné combien ce statut a partie liée avec une tension entre

[…] les obligations d’une « destinée féminine » et la tentative d’affirmation individuelle d’un sujet dont la caractérisation « philosophique » repose sur le souci d’affranchir sa conduite de l’ « opinion » […]28.

Malgré les qualités d’esprit que les autres personnages lui reconnaissent, et l’autonomie intellectuelle qu’elle revendique, Delphine ne serait-elle pas, malgré tout, encore une enfant, incapable de diriger seule sa vie ? L’éducation aurait alors dysfonctionné, car inadaptée à l’individu en tant qu’entité propre, ce qui se traduirait par une incapacité à appréhender le monde ; une éducation toute de « principes », mais qui n’a pas su préparer aux « circonstances29 ».

L’éducation transmise par M. d’Albémar est celle conçue par un homme des Lumières, engagé dans la guerre d’Indépendance américaine. Il s’agit, selon les termes de Mme de Vernon, d’une formation « philosophique ». Delphine elle-même, confirmant par là les propos d’autres personnages du roman, rend compte de cette éducation comme ayant pour but de rendre l’individu indépendant dans ses jugements ; seules les lumières de l’esprit se doivent d’intervenir pour prendre les décisions qui guident la vie :

[…] mais le généreux protecteur de mes premières années, estimait assez mon caractère pour pouvoir développer ma raison, et jamais il ne m’a fait admettre aucune opinion, sans l’approfondir moi-même, d’après mes propres lumières30.

Cependant, et Delphine elle-même le reconnaît, peut-être cette manière de voir transmise par cette formation philosophique ne convenait-elle qu’aux hommes31. Il s’agirait là d’un premier dysfonctionnement, les femmes ne devant pas, semble-t-il, être éduquées de la même manière32.

Sans doute l’éducation de Matilde était-elle « déformante33 », mais il semblerait bien que celle de Delphine échoue par un excès inverse, c’est-à-dire une absence totale de contrainte. Il s’agirait alors de se fier uniquement au bon naturel de l’enfant. Cependant, si cette perspective prend sa source dans une sorte d’enthousiasme anthropologique – l’individu est bon, et les lumières de sa raison et de sa conscience lui sont suffisantes pour se guider et se conduire correctement –, elle rend Delphine incapable de tout contrôle sur elle-même. La jeune femme regrette cette absence de fermeté d’âme qu’il lui aurait fallu acquérir :

Je suis faible, je le sens, je n’ai point les vertus qui préparent aux grands sacrifices. Mon âme, livrée dès son enfance aux mouvements naturels qui l’avaient toujours bien conduite, n’est point armée pour accomplir des devoirs si cruels : je n’ai point appris à me contraindre. Hélas ! je ne croyais pas en avoir besoin34.

Il est à noter ici l’emploi récurrent de la négation : l’absence d’éducation en tant que contrainte n’a pas pour conséquence heureuse la conservation des qualités naturelles, mais bien plutôt une lacune, un manque. Cette absence de contrôle sur soi – que nécessitent les devoirs, et dont le sacrifice est une forme paroxystique –, amène Delphine à se conduire uniquement d’après des mouvements instinctifs. Elle n’inscrit pas ses actions dans une démarche réfléchie, qui lui permettrait de prévoir les conséquences de ses actes. Cette spontanéité, dans laquelle s’allient naturel et véracité de l’individu, la rapproche de l’enfance, en tant qu’elle est ignorance des malheurs à venir, et appartenance absolue au présent :

[…] quelle heureuse époque de la vie, que celle qui précède tous les remords ! Les années se marquent par les fautes, si l’âme restait innocente, le temps passerait sur nous sans nous courber. […] [les communiantes] quittaient l’enfance pour la jeunesse, elles devenaient responsables d’elles-mêmes, tandis que jusqu’alors leurs parents, pouvaient encore tout pardonner et tout absoudre35.

Être responsable de soi-même, tant dans la prise de décisions que dans que les conséquences de celles-ci : voilà l’âge adulte selon Delphine. Ainsi se rejoignent l’indépendance intellectuelle et morale qui étaient le but de l’éducation transmise par M. d’Albémar, et la responsabilité de l’individu. Cependant, cette capacité d’indépendance vis-à-vis des opinions inculquées – auxquelles s’opposeraient les réflexions issues des lumières de l’esprit – semble être chez Delphine avant tout une volonté d’indépendance, bien plus qu’une capacité réelle. Delphine ne serait alors que la femme restée enfant, car incapable de décider seule de ses actes. Au-delà des rappels fréquents de la figure de M. d’Albémar comme instituteur, cette posture d’enfance se traduit concrètement par les demandes de conseil envoyées par Delphine à Mademoiselle d’Albémar. En effet, lorsqu’elle est submergée par ses sentiments ou des sensations, la jeune femme fait appel à celle qui est pour elle une figure maternelle :

Ma Louise, je me dis à chaque instant que si vous aviez été près de moi, aucun de ces malheurs ne me serait arrivé. Mais la bonté, mais la pitié naturelles à mon caractère m’égarent loin d’un guide, qui saurait joindre à ces qualités, une raison plus ferme que la mienne36.

Ce recours à autrui et cette acceptation d’une forme de dépossession de soi peut s’expliquer chez Delphine par l’éducation reçue. En effet, ce qui pose problème à la jeune femme, c’est l’inadéquation qu’elle constate entre ce qui lui a été inculqué en théorie, et la réalité du monde qui se déroule sous les yeux, et dont elle a parfois du mal à appréhender la complexité. Delphine est alors entièrement du côté des principes. Sa philosophie n’offre pas à l’individu une pragmatique, une possible concrétisation de l’abstrait dans la réalité :

Je cherche à me rappeler sans cesse ce que vous m’avez dit : il me semblait autrefois que votre excellent frère, dans nos entretiens, m’avait donné des règles de conduite qui devaient me guider dans toutes les situations de la vie ; et maintenant je suis troublée par les inquiétudes qui me sont personnelles, comme si les idées générales que j’ai conçues ne suffisaient point pour m’éclairer sur les circonstances particulières37.

Cependant, ce passage montre très clairement la conscience qu’a Delphine de ce décalage ; ne pourrait-elle pas alors se dégager de ces préceptes enseignés, afin d’être davantage en adéquation avec le monde qui l’entoure ? Cela lui est suggéré par Mme d’Artenas, dont l’on pourrait dire qu’elle est, au sein du roman, la voix de la sagesse mondaine. Elle se propose en effet d’enseigner à Delphine, à qui elle rappelle souvent sa jeunesse, les codes qui lui manquent : à la formation intellectuelle faite par M. d’Albémar succéderait alors l’éducation mondaine :

Ma chère Delphine, laissez-vous donc conduire par votre vieille amie ; toute la science de la vie est renfermée dans un ancien proverbe que les bonnes femmes répètent : si jeunesse savait et si vieillesse pouvait ; un grand mystère est contenu dans ce peu de mots, vous en êtes une preuve, vous êtes supérieure à tout ce que je connais ; mais votre jeunesse est cause que votre esprit même ne gouverne ni votre imagination, ni votre caractère : je voudrais vous épargner l’expérience, qui n’est jamais que la leçon de la douleur38.

Cependant, il paraît difficile de se détacher ce qui a été reçu dans la première jeunesse, parce que le rapport à l’enfance est, chez Delphine, avant tout sensible. Puisque cette période a été vécue comme un moment de bonheur – parce qu’elle est synonyme d’innocence et de protection loin du monde –, elle semble être une origine vers laquelle Delphine est involontairement ramenée, par l’évocation de la présence de M. d’Albémar, mais aussi par des sensations douces. Une scène du roman est particulièrement significative de ce dur arrachement à l’enfance. Méditant sur les âmes sensibles et leur place dans le monde, Delphine décide de se forger, une armure morale pour affronter la société, mais aussi elle-même, en se débarrassant des mouvements spontanés, contraires aux conventions sociales et mondaines :

Sans interrompre ces réflexions je me levai, et je marchai d’un pas plus ferme, me confiant davantage dans ma force. Je m’arrêtai près des orangers que vous m’avez envoyés de Provence ; leurs parfums délicieux me rappelèrent le pays de ma naissance, où ces arbres du Midi croissent abondamment au milieu de nos jardins. Dans cet instant, un de ces orgues que j’ai si souvent entendus dans le Languedoc passa sur le chemin, et joua des airs qui m’ont fait danser quand j’étais enfant. Je voulais m’éloigner, un charme irrésistible me retint, je me retraçai tous les souvenirs de mes premières années, votre affection pour moi, la bienveillante protection dont votre frère cherchait à m’environner, la douce idée que je me faisais, dans ce temps, de mon sort et de la société ; combien j’étais convaincue qu’il suffisait d’être aimable et bonne, pour que tous les cœurs s’ouvrissent à votre aspect, et que les rapports du monde ne fussent plus qu’un échange continuel de reconnaissance et d’affection. Hélas ! en comparant ces délicieuses illusions avec la disposition actuelle de mon âme, j’éprouvai des convulsions de larmes, je me jetai sur la terre avec des sanglots qui semblaient devoir m’étouffer : j’aurais voulu que cette terre m’ouvrît son repos éternel39.

Les bonnes résolutions de celle qui entendait se dépouiller de ses qualités naturelles pour revêtir de quoi la défendre des attaques du monde, afin de pouvoir vivre dans la société, perdent toutes leurs forces devant le rappel de l’enfance. Point de réminiscence du savoir acquis ici : ce sont les sens qui ramènent à ce qui fut. La mémoire sensorielle est sollicitée et Delphine se redécouvre petite fille. Au moment où elle s’apprêtait peut-être à se donner des règles pour ne plus souffrir dans sa relation à autrui, le temps de l’innocence refait surface, comme pour rappeler que l’éducation mondaine n’est qu’une construction, qui va nécessairement à l’encontre de l’essence de l’individu. Delphine, non point par réflexion, mais par sensation, abandonne alors toute volonté de construction d’elle-même.

Peut-être que l’éducation que Delphine a reçue ne peut convenir à son époque, mais pourrait correspondre aux temps à venir. La jeune philosophe serait alors en décalage avec ses contemporains, car M. d’Albémar40 fut trop visionnaire : le moment de l’avènement de la raison et de l’absolutisme moral n’était pas encore venu. Matilde apparaît alors, assez paradoxalement, comme celle qui sait voir le décalage entre les discours de modernité et la réalité de ce qui est encore :

[…] les hommes qui sont le plus affranchis des vérités traitées de préjugés dans la langue actuelle, veulent que leurs femmes ne se dégagent d’aucun lien […] je crois tellement essentiel pour une femme de ménager en tout point l’opinion, que je lui conseillerais de ne rien braver en aucun genre, ni superstitions (pour me conformer à votre langage), ni convenances […]41.

Ainsi, il semblerait que l’éducation, en tant que processus d’autonomisation et recherche d’indépendance de l’individu vis-à-vis des préjugés, ne soit, dans le cas de Delphine, qu’un « fatal présent du ciel ». Celle que les autres personnages présentent comme « philosophe » ne peut se défaire de l’éducation de l’impératif moral qu’elle a reçue. Si elle tient le discours d’une volonté d’indépendance, elle ne parvient pas à réaliser et à actualiser la méthode d’autonomisation qui était celle de M. d’Albémar. Cependant, cette éducation philosophique qui doit avoir pour but l’indépendance de l’individu, est-elle toujours synonyme d’échec dans les œuvres de G. de Staël ? N’est-elle pas réalisée par le personnage de Corinne, dont la liberté est souvent soulignée dans le roman de 1807 ? Au-delà de son seul rôle de poétesse, Corinne ne serait-elle pas aussi une figure de l’indépendance, en tant que libération des héritages ?

Délaisser les héritages et se former soi-même : Corinne philosophe ?

Si Oswald est le personnage de l’attachement à une patrie, qui va de pair avec le souvenir de la figure paternelle, Corinne apparaît, au contraire, comme celle qui a su réaliser une fusion entre plusieurs identités. La double origine climatique de Corinne est bien connue ; mais peut-être cette bi-nationalité est-elle ce qui permet à Corinne de se défaire justement de tout héritage.

Née et élevée jusqu’à ses quinze ans en Italie42, Corinne a su convertir l’ennui profond qu’elle ressentait en Angleterre, à la fois en études profitables, mais aussi en véritable construction de soi, par un amalgame réussi entre héritage italien et acquisition de la pensée anglaise :

Mon talent que j’avais craint de perdre s’était accru par l’étude suivie que j’avais faite de la littérature anglaise ; la manière profonde de penser et de sentir qui caractérise vos poètes avaient fortifié mon esprit et mon âme, sans que j’eusse rien perdu de l’imagination vive qui semble n’appartenir qu’aux habitants de nos contrées. Je pouvais donc me croire destinée à des avantages particuliers par la réunion des circonstances rares qui m’avaient donné une double éducation, et, si, je puis m’exprimer ainsi, deux nationalités différentes43.

Ainsi se mêlent dans ce personnage éducation reçue – la part italienne –, et éducation choisie, qu’elle s’est elle-même forgée. Ce que le narrateur présente comme un trouble ressenti par Oswald vis-à-vis de Corinne est en fait le résultat d’un amalgame parfait entre hérédité et création de soi par l’individu, entre non choisi et consciemment acquis. De cette fusion naît le personnage de Corinne, dont Oswald souligne à plusieurs reprises l’incroyable originalité, et surtout l’inédite unicité. Corinne ne ressemble à personne d’autre, parce que se trouvent chez elle des qualités a priori contradictoires, et qu’elle ne peut être rapprochée d’aucun héritage – climatique, national ou éducatif – :

Etonnante personne, dit Oswald, qui donc êtes-vous, où avez-vous pros tant de charmes divers qui sembleraient devoir s’exclure : sensibilité, gaieté, profondeur, grâce, abandon, modestie, êtes-vous une illusion44

Cette absence d’attaches familiales et nationales permet à Corinne de vivre en toute indépendance en terre italienne. Il est vrai que Corinne ne doit pas faire face à l’ « opinion » que tente d’affronter Delphine, dans la mesure où la société, en tant que règlement de la vie entre les individus, n’existe pas véritablement en Italie45. Cependant, cette indépendance vis-à-vis de l’opinion se manifeste lorsque Corinne se trouve en Angleterre pendant sa jeunesse, lors de tentatives pour animer le cercle dans lequel elle se sent enfermée46. L’indépendance d’esprit, guidée par sa seule volonté, souhaitée par l’éducation philosophique de M. d’Albémar semble ici prendre corps.

Alors que l’attachement de Delphine à son enfance apparaît comme un obstacle à une identité d’adulte qui lui soit propre, il semblerait que l’on observe le fonctionnement inverse chez Corinne. Tout comme l’héroïne de 1802, celle de 1807 va se trouver confronter à l’évocation sensible de l’enfance par le biais de la musique :

J’étais dans cette indécision qui pouvait durer toujours, puisque rien au dehors de moi ne m’obligeait à prendre un parti, lorsque, le dimanche qui suivit ma conversation avec ma belle-mère, j’entendis, vers le soir, sous mes fenêtres, des chanteurs italiens qui étaient venus sur le bâtiment de Livourne, et que Thérésine avait attirés pour me causer une agréable surpris. Je ne puis exprimer l’émotion que je ressentis, un déluge de pleurs couvrit mon visage, tous mes souvenirs se ranimèrent : rien ne retrace le passé comme la musique ; elle fait plus que le retracer, il apparaît, quand elle l’évoque, semblable aux ombres de ceux qui nous sont chers, revêtu d’un voile mystérieux et mélancolique47.

Cependant, à l’opposé de Delphine, que les orangers de Provence et la musique du Languedoc ramenaient à l’enfance, Corinne, à l’écoute de cette présence sensible de sa patrie, se décide à partir. Le retour au pays de l’enfance n’est pas alors synonyme d’absence de transformation, mais va s’accompagner au contraire d’une nouvelle identité. La jeune fille qu’elle était va céder la place à la femme indépendante.

Ainsi, l’éducation dans Corinne, parce qu’elle n’est pas seulement héritage, mène l’individu à se construire lui-même, selon ce qu’il veut être. Si Corinne apparaît avant tout comme poétesse, il semble pourtant que ses improvisations, parce qu’elles mêlent charme poétique et récit de l’Histoire notamment48, et les discussions qui se déroulent dans sa demeure, pourraient la rapprocher d’une image de la femme philosophe, indépendante dans sa pensée, parce qu’unique et en dehors de tout héritage paralysant.

L’éducation constitue un fil rouge dans la pensée staëlienne, qui prend corps tout particulièrement dans la forme narrative. Des effets de contrastes et d’échos se créent alors entre les personnages, tous profondément marqués par leurs éducations. Il nous semble que la vision de G. de Staël sur les pouvoirs de l’éducation est ambivalente : alors que certains protagonistes ne sont finalement que le résultat de leur éducation – Mme de Vernon et Delphine en particulier, mais selon des prémisses opposées – d’autres, comme Léonce, semblent ne se réaliser que dans la filiation, qui les inscrit notamment dans un esprit national dont il semble difficile, voire impossible, de se départir. Cette ambiguïté de la position staëlienne se révèle tout particulièrement lorsque l’on considère les destins de ses héroïnes. Ainsi, l’éducation, en tant que moyen d’accéder à une indépendance d’esprit, peut être vue comme l’une des sources du malheur de Delphine. Pour Corinne, c’est justement l’absence de filiation et d’éducation transmises qui lui permet de se réaliser par elle-même. Mais surtout, Corinne pourrait être la femme philosophe dans la mesure où elle est celle qui transmettra son savoir – son « matrimoine49 » selon la formule proposée par C. Seth – à sa sœur et à nièce. Ainsi, face aux éducateurs négligents ou à l’éducation mal adaptée de M. d’Albémar, se dessinerait la figure de la bonne pédagogue, qui instruit en tenant compte de la particularité de sa jeune sœur, devenue son élève, lui proposant alors une éducation entre identification et spécificité de l’individu, amalgamant Nord et Sud : « Il faut que vous soyez vous et moi tout à la fois […]. »

1 Germaine de Staël, De l’Éducation de l’âme par la vie, OCS-I/1, F. Lotterie (dir.), Paris, Champion, 2008, p. 320.

2 Cité par Christophe Martin dans L’Esprit des Lumières : Histoire, littérature, philosophie, Paris, A. Colin, 2017.

3 Intérêt qui se traduit par la publication de traités d’éducation, dont l’Émile en est sans doute l’exemple le plus fameux ; mais que l’on songe

4 Voir notamment, dans la première partie, les chapitres XVIII (« Des universités allemandes ») et XIX (« Des institutions particulières d’éducation

5 Étienne Causse, Madame de Staël et l’éducation, Paris, Éditions « Je sers », 1930.

6 Germaine de Staël, Essai sur les fictions, OCS-I/2, S. Genand (dir.), Paris, Champion, 2013, p. 56.

7 Voir notamment Catriona Seth, « Maternités réelles et maternités d’élection dans Delphine et Corinne », Cahiers staëliens, n°53, 2002, p. 165-180

8 Le cas de Delphine est particulièrement intéressant, puisque le lien social qui l’unit à Mademoiselle d’Albémar, sa belle-sœur, se mue en affection

9 Germaine de Staël, Delphine, OCS-II/2, S. Balayé et L. Omacini (dir.), Paris, Champion, 2004, Première partie, lettre XVIII, p. 74.

10 Matilde représente à cet égard une exception notable, sur laquelle il conviendra de s’arrêter par la suite.

11 Germaine de Staël, Histoire de Pauline, p. 199.

12 Voir à ce propos ce que dit Delphine du lien qui unit Léonce et M. Barton : « Mais n’est-ce pas déjà un trait honorable pour un jeune homme d’avoir

13 Germaine de Staël, Delphine, III, Lettre 7.

14 Germaine de Staël, Zulma, Œuvres de jeunesse, S. Balayé et J. Isbell (éd.), Paris, Desjonquères, 1997, p. 111-112.

15 Ibid. : « Fernand me répondit sans vouloir m’éclairer sur la nature des passions [….. » À noter que Thérèse D’Ervins, dans Delphine, sera elle

16 Germaine de Staël, Delphine, II, Lettre XLI, p. 256-257.

17 Même Valorbe, le personnage au caractère a priori le plus sombre, se présente comme la victime d’un dysfonctionnement du rapport à autrui. Voir sa

18 Histoire de Pauline, p. 199.

19 Ibid., p. 208.

20 Ibid., p. 207.

21 Le pouvoir du modèle maternel, et l’imitation de ce modèle par la petite fille, se trouve évoqué par G. de Staël elle-même, alors qu’elle est

22 Delphine, I, Lettre XVIII, p. 74-75.

23 Léonce, quant à lui, est résolument du côté maternel, et donc espagnol. Il est peu fait mention de son père, qui ne semble lui avoir transmis

24 Delphine, I, Lettre VI, p. 34.

25 Ibid.

26 Florence Lotterie, « Un aspect de la réception de Delphine : la figure polémique de la ‘femme philosophe’ », Cahiers staëliens, n°57, 2006, p. 120.

27 Ibid.

28 Ibid.

29 Ce duo notionnel, capital dans la pensée politique staëlienne, me semble intéressant pour appréhender Delphine, roman dont l’on pourrait dessiner

30 Germaine de Staël, Delphine, op. cit., III, lettre XIV, p. 320.

31 Voir la lettre XIX de la première partie, de Delphine à Mademoiselle d’Albémar : « Il ajoutait, j’en conviens, que cette indépendance, cette

32 Cette réflexion fait écho à celle de Mme de Vernon qui explique que les femmes se doivent de conformer leur caractère à ce que la société attend et

33 J’emprunte le terme à Étienne Causse, qui l’emploie dans son étude sur les éducations de Mme de Vernon et de Matilde.

34 Delphine, III, Lettre XLII, p. 382.

35 Ibid., IV, Lettre XVI, p. 562.

36 Ibid., I, Lettre XXXII, p. 129. On pourrait multiplier les exemples ; voir par exemple la vingt-quatrième lettre de la deuxième partie : « [… je

37 Ibid., I, Lettre VI, p. 31.

38 Ibid., III, Lettre XXXVIII, p. 371-372.

39 Ibid., II, Lettre V, p. 157-158.

40 Il s’agit ici d’une figure d’éducateur positif, mais qui n’a pas su juger, semble-t-il, de l’adéquation entre l’enseignement transmis et la

41 Delphine, I, Lettre 2, p. 23.

42 Ibid., p. 345.

43 Ibid. p. 360. Situation à laquelle semble faire écho un passage du chapitre «  De l’Allemagne méridionale » : « Beaucoup d’hommes de génie sont nés

44 Ibid., p. 63.

45 Ainsi que Corinne l’explique à Oswald : « [… c’est l’usage ici de ne faire en société que ce qui plaît ; il n’y a pas une convenance établie, pas

46 Voir par exemple p. 347.

47 Ibid., p. 363-364.

48 Voir l’improvisation de Corinne dans la campagne de Naples, Livre XIII, Chap. IV

49 Catriona Seth, op. cit., p. 178.

1 Germaine de Staël, De l’Éducation de l’âme par la vie, OCS-I/1, F. Lotterie (dir.), Paris, Champion, 2008, p. 320.

2 Cité par Christophe Martin dans L’Esprit des Lumières : Histoire, littérature, philosophie, Paris, A. Colin, 2017.

3 Intérêt qui se traduit par la publication de traités d’éducation, dont l’Émile en est sans doute l’exemple le plus fameux ; mais que l’on songe également à La Vie de Marianne ou au Neveu de Rameau, textes traversés également par la question de l’éducation, de l’inné et de l’acquis.

4 Voir notamment, dans la première partie, les chapitres XVIII (« Des universités allemandes ») et XIX (« Des institutions particulières d’éducation et de bienfaisance »).

5 Étienne Causse, Madame de Staël et l’éducation, Paris, Éditions « Je sers », 1930.

6 Germaine de Staël, Essai sur les fictions, OCS-I/2, S. Genand (dir.), Paris, Champion, 2013, p. 56.

7 Voir notamment Catriona Seth, « Maternités réelles et maternités d’élection dans Delphine et Corinne », Cahiers staëliens, n°53, 2002, p. 165-180, et Stéphanie Genand, La Chambre noire. Germaine de Staël et la pensée du négatif, Genève, Droz, 2017, notamment p. 178-181.

8 Le cas de Delphine est particulièrement intéressant, puisque le lien social qui l’unit à Mademoiselle d’Albémar, sa belle-sœur, se mue en affection filiale ; plusieurs lettres de Delphine font de Mademoiselle d’Albémar une figure maternelle essentielle. Voir l’analyse de C. Seth, op. cit.

9 Germaine de Staël, Delphine, OCS-II/2, S. Balayé et L. Omacini (dir.), Paris, Champion, 2004, Première partie, lettre XVIII, p. 74.

10 Matilde représente à cet égard une exception notable, sur laquelle il conviendra de s’arrêter par la suite.

11 Germaine de Staël, Histoire de Pauline, p. 199.

12 Voir à ce propos ce que dit Delphine du lien qui unit Léonce et M. Barton : « Mais n’est-ce pas déjà un trait honorable pour un jeune homme d’avoir conservé non seulement de l’estime, mais de l’attachement et de la confiance pour l’homme qui a dû nécessairement contrarier ses défauts et même ses goûts ? », Delphine, I, Lettre X, p. 56.

13 Germaine de Staël, Delphine, III, Lettre 7.

14 Germaine de Staël, Zulma, Œuvres de jeunesse, S. Balayé et J. Isbell (éd.), Paris, Desjonquères, 1997, p. 111-112.

15 Ibid. : « Fernand me répondit sans vouloir m’éclairer sur la nature des passions [….. » À noter que Thérèse D’Ervins, dans Delphine, sera elle aussi victime de cette absence de capacité à s’observer soi-même, consécutive d’un défaut d’éducation. Voir Delphine, I, Lettre XXII.

16 Germaine de Staël, Delphine, II, Lettre XLI, p. 256-257.

17 Même Valorbe, le personnage au caractère a priori le plus sombre, se présente comme la victime d’un dysfonctionnement du rapport à autrui. Voir sa lettre à son cousin Montalte : « Tu m’as connu, tu sais si la nature m’avait dur ou barbare. Pourquoi les hommes m’ont-ils irrité ? Pourquoi n’ont-ils jamais voulu me connaître ? » (V, Lettre IV) ou les propos adressés à Delphine : « Delphine, je n’étais pas né méchant, je suis devenu féroce ; savez-vous combien les hommes aigrissent la douleur ? » (V, Lettre V).

18 Histoire de Pauline, p. 199.

19 Ibid., p. 208.

20 Ibid., p. 207.

21 Le pouvoir du modèle maternel, et l’imitation de ce modèle par la petite fille, se trouve évoqué par G. de Staël elle-même, alors qu’elle est encore Louise Necker, à propos de sa propre formation : « Voilà ma raison, mon courage, et je sens que vos leçons m’ont appris à vous regarder comme la vertu même que vous m’enseigniez. Heureux cent fois si on devait suivre que les exemples de ceux qu’on aime ; mais aurait-on chéri la vertu si vous aviez été vicieuse ? » (Lettre adressée à Madame Necker, 1776-début 1778, Correspondance générale, Tome I, Première partie, Paris, Pauvert, 1962, p. 6). Sur les rapports entre Germaine de Staël et Suzanne Necker, voir l’ouvrage de Catherine Dubeau, La Lettre et la mère. Roman familial et écriture de la passion chez Suzanne Necker et Germaine de Staël, Les Presses de l’Université Laval / Hermann, 2013.

22 Delphine, I, Lettre XVIII, p. 74-75.

23 Léonce, quant à lui, est résolument du côté maternel, et donc espagnol. Il est peu fait mention de son père, qui ne semble lui avoir transmis aucune qualité ni aucun défaut typiquement français. Léonce se place lui-même dans le lignage espagnol : « [… ce n’est pas en vain que votre sang m’a transmis le courage et la fierté » écrit-il à sa mère (I, Lettre XXXV).

24 Delphine, I, Lettre VI, p. 34.

25 Ibid.

26 Florence Lotterie, « Un aspect de la réception de Delphine : la figure polémique de la ‘femme philosophe’ », Cahiers staëliens, n°57, 2006, p. 120.

27 Ibid.

28 Ibid.

29 Ce duo notionnel, capital dans la pensée politique staëlienne, me semble intéressant pour appréhender Delphine, roman dont l’on pourrait dessiner une cartographie des personnages selon leur adhésion ou leur rejet des « principes ». Mme de Vernon serait ainsi le personnage des circonstances, tandis qu’Henri de Lebensei peut être perçu comme celui qui parvient à concilier principes et capacité à s’adapter à ce qui est. Delphine, ce que je souhaite montrer, serait alors, dans le champ de la morale, du côté de l’absolutisme des principes, qui guide toutes ses actions.

30 Germaine de Staël, Delphine, op. cit., III, lettre XIV, p. 320.

31 Voir la lettre XIX de la première partie, de Delphine à Mademoiselle d’Albémar : « Il ajoutait, j’en conviens, que cette indépendance, cette philosophie de principes convenait peut-être mieux à encore à un homme qu’à une femme […. », p. 77.

32 Cette réflexion fait écho à celle de Mme de Vernon qui explique que les femmes se doivent de conformer leur caractère à ce que la société attend et exige d’elles.

33 J’emprunte le terme à Étienne Causse, qui l’emploie dans son étude sur les éducations de Mme de Vernon et de Matilde.

34 Delphine, III, Lettre XLII, p. 382.

35 Ibid., IV, Lettre XVI, p. 562.

36 Ibid., I, Lettre XXXII, p. 129. On pourrait multiplier les exemples ; voir par exemple la vingt-quatrième lettre de la deuxième partie : « [… je ne suis plus rien qu’un être assez bon, mais qu’il faut diriger […. », p. 210-211.

37 Ibid., I, Lettre VI, p. 31.

38 Ibid., III, Lettre XXXVIII, p. 371-372.

39 Ibid., II, Lettre V, p. 157-158.

40 Il s’agit ici d’une figure d’éducateur positif, mais qui n’a pas su juger, semble-t-il, de l’adéquation entre l’enseignement transmis et la spécificité de son élève.

41 Delphine, I, Lettre 2, p. 23.

42 Ibid., p. 345.

43 Ibid. p. 360. Situation à laquelle semble faire écho un passage du chapitre «  De l’Allemagne méridionale » : « Beaucoup d’hommes de génie sont nés dans le midi, mais il se sont formés dans le nord. » (De l’Allemagne, Première partie, Chap. V, éd. Comtesse de Pange, Paris, Hachette, 1958, t. I, p. 86).

44 Ibid., p. 63.

45 Ainsi que Corinne l’explique à Oswald : « [… c’est l’usage ici de ne faire en société que ce qui plaît ; il n’y a pas une convenance établie, pas un égard exigé ; une politesse bienveillante suffit [… mais on y jouit d’une parfaite indépendance sociale. » (p. 135).

46 Voir par exemple p. 347.

47 Ibid., p. 363-364.

48 Voir l’improvisation de Corinne dans la campagne de Naples, Livre XIII, Chap. IV

49 Catriona Seth, op. cit., p. 178.