Au-delà du Grand Tour : Corinne ou le “méridionisme” staëlien

Beyond the Grand Tour. Corinne or the “Staëlian Mediterranean”

Paola Villani

p. 47-60

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Paola Villani, « Au-delà du Grand Tour : Corinne ou le “méridionisme” staëlien  », Cahiers Staëliens, 69 | 2019, 47-60.

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Paola Villani, « Au-delà du Grand Tour : Corinne ou le “méridionisme” staëlien  », Cahiers Staëliens [En ligne], 69 | 2019, mis en ligne le 03 mai 2022, consulté le 25 avril 2024. URL : https://cahiersstaeliens.edinum.org/270

La réception de Corinne, au début du XIXe siècle, confirme le salutaire renouvellement de l’image italienne : aux stéréotypes dégradants figés par le Grand Tour, le roman staëlien oppose un miroir stimulant et un regard positif sur l’Italie. En plein « risorgimiento », la jeune nation y trouve une réflexion sur son histoire, une valorisation des caractères du sud et une promesse d’avenir qui substitue au spectacle des ruines la mélancolie romantique et l’énergie politique.

Le voyage en Italie avant l’Italie

Visitate l’Italia ! O amabile Terra ! O tempio di Venere e delle Muse ! E come ti dipingono i viaggiatori che ostentano di celebrarti ! Come t’umiliano gli stranieri che presumono d’ammaestrarti ! Ma chi può meglio descriverti di chi è nato per vedere fin ch’ei vive la tua beltà1 ?

Le célèbre discours d’Ugo Foscolo à l’Université de Pavie en 1809, Dell’origine e dell’officio della letteratura, dans lequel il « exhortait aux histoires » les (futurs) italiens, contenait aussi une polémique acharnée contre la vision stéréotypée de l’Italie véhiculée par la littérature de voyage. La référence à Corinne ou l’Italie, paru la même année que les Sepolcri en 1807, reste ici sous-jacente, mais elle apparaît ensuite de manière bien plus significative dans sa production littéraire. Ses lettres témoignent déjà d’une lecture attentive du roman staëlien entre 1816 et 1817 ; dans sa correspondance anglaise2, massive, complexe, mais passionnante pour l’historiographie littéraire, il propose, à travers un discours antiphrastique et satirique, une confrontation entre l’Italie et l’Angleterre qui approfondit précisément la dramatisation mise en scène par Staël dans son roman3. Il s’agit d’un précieux indice pour mesurer la notoriété de l’écrivaine de Coppet. Dans les premières décennies du XIXe siècle en effet, alors que son célèbre article dans la Biblioteca Italiana déclenche la polémique entre les classiques et les romantiques en Italie, Germaine de Staël s’affirme aussi et surtout comme la « dernière héritière triomphante du Grand Tour4 » et l’auteur du roman-voyage italien. Corinne devient immédiatement un repère, fût-ce pour battre en brèche les clichés. Le récit désarme en effet le « soupçon permanent de calomnie » contre le ‘bel paese’ et le « sentiment de frustration et de revanche5 » qu’inspirent aux Italiens les descriptions faites par les étrangers, mais il conserve toutefois – jusque dans ses exagérations positives – de nombreuses images figées que les Italiens n’apprécient pas.

Un autre grand lecteur confirme cette hypothèse. Dans son Discorso sopra lo stato presente dei costumi degl’Italiani, Giacomo Leopardi, qui voyage lui aussi depuis plusieurs années à travers l’Italie en suivant, de manière originale, un anti-tour personnel, déplore les volumes « infiniti », « pubblicati dagli stranieri e che si pubblicano tutto giorno sopra le cose d’Italia, fatta oggetto di curiosità universale e di viaggi6 ». Il dénonce précisément Corinne :

E ben si può dire che oggi, al contrario che pel passato, gli stranieri quando s’ingannano sul nostro conto, piuttosto s’ingannano in favor nostro che in disfavore. Contuttociò e la Corinna e tutte l’altre siffatte opere sono guardate dagl’Italiani con gelosia, e molte cose vere ed utili hanno dette e scritte gli stranieri sui nostri costumi, che per questa e per altre cause, non ci sono di veruna utilità7.

Dans une « dimensione storica e storiografica della letteratura e della lingua italiana, in quanto valori unitari prima dell’Unità8 » désormais reconnue, dans une Italie considérée aussi et surtout comme une formation discursive ininterrompue, il faudrait également analyser, du moins dans le domaine de l’histoire littéraire, la contribution apportée par l’« Italie hors de l’Italie9 », autrement dit l’image du pays transmise par les écrits de voyage. Journaux, textes diplomatiques, descriptions, guides, mais aussi œuvres de fiction, autant de discours émanant de voyageurs et d’intellectuels étrangers qui ont vu – ou qui n’ont pas vu – le pays et qui ont progressivement forgé un répertoire d’images susceptible de modifier et de guider la représentation d’une nation à construire, qui « prend conscience d’elle-même » jusque « dans le miroir du Grand Tour10 ». La relation entre l’Italie et l’étranger, au fil d’une dialectique entre identité et altérité comme entre intérieur et extérieur, suscite un dialogue historiquement fécond et qui apparaît d’emblée comme un enchevêtrement de narrations dépourvu, aujourd’hui encore, de toute cohérence. Or Corinne ou l’Italie lui confère une nouvelle direction.

Dans cette émergence symbolique d’une nation considérée aussi comme un lieu mental, l’affaire du « Mezzogiorno », ou mieux encore du Meridione joue un rôle fondamental : ce Sud est en même temps un lieu et un locus, un espace réel et un topos, un problème historiographique et un univers fictif, qui s’est constitué en tant que « mythe » bien avant l’unification du pays et peut-être même jusqu’à sa réalisation11. C’est un « Sud » – dans son acception ambiguë, désignant à la fois le sud de l’Italie et le sud de l’Europe – qui voyage par polygenèse et qui représente, par métonymie, l’Italie tout entière, souvent associée à l’isotopie de la régression, du retard, de la clôture temporelle, de l’inertie civile, voire de la « barbarie », conformément à l’articulation complexe entre barbarie et civilisation dont on débat alors. Son émergence a duré plusieurs siècles et s’est progressivement figée en stéréotypes voués à une longue postérité, entre le XVIIIe et le XIXe siècle, dans le sillage du mythe incarné par le mystérieux personnage de Goethe, Mignon, ce petit être naïf et expérimenté à la fois, qui est aussi une femme douce, triste, italienne et typiquement « méridionale ». Ce n’est pas un hasard si dans sa célèbre improvisation poétique au Capitole, Corinne cite un vers de Goethe – « Connaissez-vous cette terre, où les orangers fleurissent… » –, pour évoquer cette artiste créée par le génie allemand, victime d’un amour impossible et destinée elle aussi, comme Corinne, à disparaître. Un « Sud esthétique » se constitue, terre d’évasion pour les nouvelles élites européennes aux prises avec la modernisation bourgeoise des pays du Nord, qui les pousse à réaffirmer leur supériorité. Ce coin de la Méditerranée marque donc les frontières de l’Europe, en termes de civilisation, mais aussi de modernité. Le Meridione devient une limite spatio-temporelle décisive, une « categoria della cultura europea », « categoria flessibile12 » par laquelle on réhabilite un endroit répugnant et malade, mais aussi une merveille de la planète13. Dans cette construction imaginaire saturée de connotations politiques, la célèbre théorie des climats, héritée du scientisme classique et repensée par Montesquieu dans l’Esprit des Lois, joue un rôle majeur. De Gravina à Vico, en passant par Bettinelli, Alfieri et Cuoco, l’Italie s’est montrée plus que perméable aux théories du déterminisme climatique, dont la meilleure synthèse – sur un plan politique – se trouve sans doute sous la plume de Pietro Verri14. Le nom de Staël apparaît aussi sur cette question. Dans le texte fondateur de cette théorie, L’Homme du Midi et l’homme du Nord, ou l’influence du climat15 de Charles-Victor Bonstetten, on sent l’influence de De l’Allemagne, de Corinne et plus généralement de toute la réflexion géo-littéraire qui anime le cercle de Coppet, ce laboratoire du libéralisme « ove confluivano gli spiriti più elevati d’Europa16 ». L’ouvrage de Bonstetten – habitué de Coppet et grand ami de Sismondi avec qui il entretient une correspondance à propos justement de Staël en Italie17 – est lu par les Italiens comme un vaste répertoire des idées reçues qui circulent en Europe, comme le montre la célèbre recension négative de Melchiorre Gioia. L’un des arguments utilisés par Gioia est justement l’identification par métonymie de l’Italie avec Rome et Naples. Sa critique contre les généralisations offre aussi, a contrario, une preuve de leur diffusion : « In somma l’autore attribuisce a quasi tutta l’Italia l’uso che ha osservato nelle grandi case di Roma e Napoli18 ».

Un roman-voyage

Anticipant de presque dix ans l’Italienische Reise de Goethe publié en 1816, texte fondamental pour la diffusion en Europe de ce vaste répertoire imaginaire qui devient « l’Italia di Goethe19 », Corinne se veut une douce invitation au voyage, un « véritable guide » du bel paese adressé aussi bien aux concitoyens transalpins qu’aux futurs Italiens. Dans la fortune italienne de Corinne comme dans celle, européenne, de l’Italie de Corinne au XIXe siècle, cet ouvrage devient l’emblème du Risorgimento : la fresque d’un grand pays que ses malheurs politiques ont relégué dans une arrière-garde dont il doit se relever20. Qualifié par Foscolo de « viaggio donnesco in Italia », animé par un « sentimento ciarliero21 » et accueilli par des polémiques jusque sur la scène littéraire française22, ce roman connaît aussitôt le succès dans plusieurs pays. La première édition italienne paraît chez Piatti dès 1808, à l’initiative de l’abbé Carlo Mengoni, mais les traductions et les anthologies se multiplient sans interruption dans les décennies suivantes, jusqu’à une singulière et assez mauvaise réécriture, Corinna resuscitata, publiée à Florence en 1863 par « Anastasio Medico‑chimico23 ».

Staël a bien conscience de présenter au public l’un des premiers romans européens pour les Italiens et sur les Italiens, écrit par une femme et centré sur une protagoniste au caractère exceptionnel. C’est le résultat d’une stratégie explicite de l’auteure, qui cherche aussi à renverser les points de vue : la narratrice qui raconte l’Italie affirme avec fierté sa nationalité élective (« Je suis italienne ») et retrouve, dans le caractère italien, « quelques traces de la grandeur antique, quelques traces rares, effacées, mais qui pourraient reparaître dans des temps plus heureux. Je vous parlerai anglais quelquefois, mais pas toujours ; l’italien m’est cher : j’ai beaucoup souffert, dit-elle en soupirant, pour vivre en Italie24 ». Corinne s’approprie spontanément tout ce qui est italien : « Notre gloire, nos poètes, notre peuple », « ma patrie ». Le roman ne se contente donc pas de dépasser la tradition du voyage en Italie : il rompt explicitement avec elle. Cette originalité n’échappe pas aux esprits éclairés lors de sa parution. Benjamin Constant écrit dans son Journal : « L’Italie est empreinte dans Corinne ; Corinne est une production de l’Italie, elle est la fille de ce ciel, de ce climat, de cette nature […]. Le caractère de Corinne était donc nécessaire au tableau de l’Italie, tel que Madame de Staël se proposait de le présenter25 ». Et Maurice Boutard : « On est généralement frappé du point de vue nouveau et brillant sous lequel madame de Staël a vu l’Italie26 ». Ce récit se veut un discours persuasif, signé par une intellectuelle attentive aussi bien à la littérature qu’à la vie politique, protagoniste du Writing the Nation27 dans laquelle nombre de protagonistes de la vie littéraire se sont engagés au XIXe siècle, même sans l’acuité politique que Benedetto Croce a déjà reconnue chez Staël, au point d’inverser en sa faveur l’équilibre de la relation avec Benjamin Constant, qualifié d’« élève28 » de Germaine.

Dans cette architecture narrative empreinte d’une forte valeur civile, la protagoniste devient le modèle d’un « européanisme vivant », visant la comparaison entre les identités locales et la confrontation entre les différents caractères nationaux, dans le but de « mettere in campo una riforma del modello di ‘italianità’, insegnando agli Italiani, da una prospettiva esogena, la prospettiva europea di se stessi29 ». Pour Staël, l’identité de l’exilée se double de celle de l’élégante voyageuse. Cette écrivaine lucide, artisane d’une vie aussi aventureuse qu’un roman, s’applique surtout à la construction de son propre personnage. Elle est dévorée par l’ambition politique et reste hantée par le spectre du « ridicule », fruit d’une campagne calomnieuse savamment orchestrée par Napoléon pour la discréditer30. L’itinéraire italien de Staël – elle part pour Turin le 11 décembre 1804 avec ses trois enfants et leur illustre précepteur, August Wilhelm Schlegel, peu après rejoints par Sismondi – déroge au voyage typique31 ; il relève plutôt d’une solide stratégie politique, ou plus encore culturelle, partagée par les amis du cercle de Coppet jusqu’à leur inspirer une théorie de la « désappartenance32 » fièrement revendiquée par Constant, Sismondi ou Bonstetten. La célèbre réflexion sur le voyage qui ouvre le deuxième chapitre du roman marque elle aussi un détour, et semble prendre précisément pour cible la tradition du Grand Tour :

Voyager est, quoi qu’on en puisse dire, un des plus tristes plaisirs de la vie. Lorsque vous vous trouvez bien dans quelque ville étrangère, c’est que vous commencez à vous y faire une patrie ; mais traverser des pays inconnus, entendre parler un langage que vous comprenez à peine, voir des visages humains sans relation avec votre passé ni avec votre avenir, c’est de la solitude et de l’isolement sans repos et sans dignité33.

Corinne, défini par son auteur comme « un voyage et non un roman », considéré ailleurs comme un « roman à idées ou un roman à thèse34 », prend la forme d’un itinéraire. Le voyage y devient la fonction d’une intrigue géopolitique qui veut opposer les deux nations35. Mais il est aussi une métaphore existentielle : dans la timetravel (« course à travers les siècles36 ») en effet, le passage entre les deux pays se transforme en un seuil temporel, symbolisant l’opposition entre le présent et le passé, aussi bien pour l’humanité que l’histoire individuelle. C’est aussi un voyage dans l’âme et « plus précisément, une expédition dans le domaine de la mélancolie, bien connu de la romancière37 ».

Le paysage du Vésuve représente une étape décisive de l’itinéraire, à la fois physique et sentimental, des deux protagonistes. Tout se passe alors comme si la réhabilitation de l’Italie passait par Naples, qui concentre l’ensemble des stéréotypes qui pèsent sur le pays38. C’est en effet depuis la capitale du royaume que Staël élabore le riche répertoire d’images, à la limite du surréel, qui ont fait la fortune du paysage italien avant l’unité nationale.

Le « méridionisme »

Je ne connais pas un homme parmi les Italiens qui puisse vous mérite r ; il n’en est pas un qui vous honorât par son alliance, de quelque titre qu’il vous revêtît. […] Les hommes, en Italie, valent beaucoup moins que les femmes […]. Me persuaderez-vous qu’ils sont capables d’amour, ces habitants du Midi qui fuient avec tant de soin la peine, et sont décidés au bonheur39 ?

La correspondance intense entre Corinne et Oswald occupe le sixième volume du roman, très célèbre, consacré aux mœurs et aux caractères des Italiens. En réponse à la lettre qu’on vient de citer, « offensée des préjugés haineux » à l’encontre de « sa nation », Corinne oppose, pour défendre l’Italie, l’une des pages les plus vibrantes du livre. Son argument est que ce pays a donné à l’Europe les arts et les sciences, mais a aussi subi les prédations étrangères. On trouve ensuite une distinction entre les différents caractères italiens, dans l’assimilation traditionnelle entre peuple d’Italie et peuple méridional :

Les peuples du Midi sont plus aisément modifiés par leurs institutions que les peuples du Nord ; ils ont une indolence qui devient bientôt de la résignation ; et la nature leur offre tant de jouissances, qu’ils se consolent facilement des avantages que la société leur refuse. Il y a sûrement beaucoup de corruption en Italie, et cependant la civilisation y est beaucoup moins raffinée que dans d’autres pays […]. Les Italiens, ont de la sincérité, de la fidélité dans les relations privées […]40.

Le discours amoureux et politique se transforme ici en un dialogue entre les personnages et les nations, ou plutôt entre des représentations de caractères. Dans la multiplication des points de vue, renforcée par les dialogues et l’insertion de lettres, Staël met en scène non pas le conflit entre les nations, mais entre leurs imaginaires. La dialectique intérieur/extérieur, Italie/Angleterre, a toutefois un point en commun dans la superposition synonymique Italiens/Méridionaux dans l’opinion, partagée par Corinne et Oswald, qu’il existe un caractère méridional propre au Midi de l’Europe, en tant que réalité géographique et symbolique coïncidant avec l’Italie du Sud.

On assiste presque ici à l’émergence d’un « méridionisme » – forgé sur le modèle de l’« orientalisme », selon le concept classique d’Edward Said41–, défini comme un ensemble de pratiques représentatives procédant par simplification et cristallisation. Un « méridionisme » évoluant dans une relation de complémentarité et d’opposition par rapport à l’« italianisme42 ». On réactive donc le topos hérité de la fin du XVIIIe siècle d’un Sud à la fois terre européenne et frontalière, espace exotique du fait de sa proximité et de sa ressemblance avec l’Afrique. Pour l’Europe bourgeoise, le Meridione se substitue peu à peu à l’Orient comme « constitutive outside43 », pour reprendre la formule de Judith Butler sur les relations de genre44.

Ce déplacement à la fois géographique, culturel et symbolique élaboré au sein du groupe de Coppet répond à l’exigence d’une nouvelle identité européenne, de plus en plus structurée par l’opposition entre Nord et Sud et qui profite aussi de la substitution, au volet artistique et esthétique, du modèle hellénique au modèle égyptien45. Il s’agit d’un orientalisme intra-européen, « orientalism within46 », ou « sudorientalismo47 », que Pfister préfère définir comme un « intra-European Meridionism48 » et Dainotto comme un « European Southernism49 ». Ce midi de l’Europe, que Sismondi allait consacrer dans sa colossale histoire littéraire50, représente une altérité associée à des stéréotypes rassurants et qui semble se cristalliser à Naples. Le territoire napolitain, et notamment Pompéi et le Vésuve, emblématise en effet pour les voyageurs la rencontre entre l’Orient et l’Occident immortalisée par Nerval dans Les filles du feu, d’Octavie à Isis51. Dans une célèbre lettre à Monti, Staël énumère les intenses jouissances procurées par l’Italie : « Je n’ai eu que quatre plaisirs vifs en Italie, vous entendre, voir Saint-Pierre, la mer et le Vésuve ; encore le Vésuve et vous, cela pourra bien ne compter que pour un52 ! ». Son voyage à Naples – richement documenté grâce aux Carnets de voyage publiés par Simone Balayé53, à la correspondance et aux vers de la célèbre Épître sur Naples – figure au livre onze de Corinne ; il se trouve ainsi symboliquement au centre des vingt livres retraçant le voyage amoureux et spirituel des deux protagonistes. La limite du Mezzogiorno se trouve à Terracina, frontière géographique et mythique caractérisée par le plus grand isolement :

Rien ne ressemble, dans nos climats, au parfum méridional des citronniers qui embaument l’air d’une manière délicieuse. […] Tout l’aspect du pays est étranger : on se sent dans un autre monde, dans un monde qu’on n’a connu que par les descriptions des poètes de l’Antiquité, qui ont tout à la fois, dans leurs peintures, tant d’imagination et d’exactitude54.

L’émerveillement devant la nature se double d’un intérêt profond pour les caractères, le peuple, les coutumes, pour la « vivacité vésuvienne » des chanteurs, des poètes, des musiciens, sans oublier les célèbres « lazzari » qui allaient devenir quelques décennies plus tard, grâce à Dumas, l’emblème du caractère napolitain. Ils témoignent de l’ambiguïté de Naples, écartelée entre nature et culture, voire civilisation et barbarie, comme le souligne la célèbre page qui évoque, « cet état sauvage qui se voit là, mêlé avec la civilisation » et qui sera reprise plus tard par Leopardi.

« Ruines sur ruines »

Si à Rome déjà « la mythologie des Anciens […] semble ranimée55 », c’est le Sud qui est le plus intensément habité par l’antique. Il y revêt aussi un caractère politique. Le Royaume de Bourbon devient la véritable patrie de ce mythe classique qui a envahi l’Europe au XVIIIe, mais qui change radicalement au siècle suivant. Dans l’association traditionnelle entre antiquité et l’enfance, qui s’inspire aussi du modèle proposé par Schiller dans Über naive und sentimentalische Dichtung (1795), l’image littéraire de l’Italie avant l’Italie reprend les antagonismes structurels forgés au siècle précédent et qui traversent toute la littérature italienne du début du XIXe siècle : le couple Sud/Nord se configure en ancien/moderne et en enfance vs maturité. L’antique y reste surtout synonyme de « grandeur » ; il représente, pour les voyageurs étrangers notamment, un fondement de la nation moderne, reliant souterrainement la civilisation romaine à l’Italie en train de se créer.

C’est sur les ruines que se rencontrent ou s’opposent les images contrastées de l’Italie. Songeons au roman-fleuve paru à Milan un an avant Corinne et qui joue un rôle majeur dans la littérature du Risorgimento, Platone in Italia56 de Vincenzo Cuoco. L’auteur, profondément napolitain, a participé à la révolution de 1799 et travaille lui aussi, en même temps que le groupe de Coppet même si c’est dans une perspective différente, à une « via italiana alla libertà e al Nation-buildung57 ». Corinne et Il Platone in Italia, par-delà leurs divergences, inventent tous deux une forme de roman hybride, introduisant des mutations originales et exploitant jusqu’au bout la puissance du « dialogismo come valore narratologico58 », souvent soumis à l’incontournable exigence nationale.

Si, dans le Platone in Italia, Cuoco assimile les ruines à des débris, dans Corinne elles marquent une renaissance possible. « La foi dans l’avenir traverse tout le livre et Corinne l’exprime aussi bien en montrant les ruines antiques59 ». Dans cette perspective, on comprend le rôle majeur, même s’il reste symbolique, attribué à Pompéi, lieu où l’antique s’incarne et se transforme en quotidien. Même si à l’époque la partie exhumée par les fouilles reste modeste, la cité près du Vésuve présente « la ruine la plus curieuse de l’Antiquité » :

Ils virent ensemble Pompéia, la ruine la plus curieuse de l’Antiquité. À Rome, l’on ne trouve guère que les débris des monuments publics, et ces monuments ne retracent que l’histoire politique des siècles écoulés ; mais à Pompéia c’est la vie privée des Anciens qui s’offre à vous telle qu’elle était. Le volcan qui a couvert cette ville de cendres l’a préservée des outrages du temps. […] Les peintures, les bronzes étaient encore dans leur beauté première, et tout ce qui peut servir aux usages domestiques est conservé d’une manière effrayante. […] On ne peut voir nulle part une image aussi frappante de l’interruption subite de la vie60.

Ce passage réactive de vieux topoi déjà exploités par les voyageurs, mais ici renouvelés grâce à la sensibilité romantique et au goût pour les récits de voyage du XIXe. L’image du volcan, à la fois destructeur et protecteur, est utilisée pour la première fois par Staël et non pas par Goethe, comme on le croit souvent, si la date de l’Italienische Reise, 1816, est exacte.

Tous ces signes marquent un profond changement dans la représentation de l’antique en Europe au tournant du siècle. Accueillant et renouvelant les influences de la culture allemande, qui peint de manière très crue la misérable destinée humaine, Pompéi inspire une « profonde mélancolie » romantique, autrement dit ce sentiment bientôt symbole de la culture européenne moderne61 et qui marque aussi la réflexion de Jean Starobinski sur l’« idéal passionnel62 » :

Ainsi, ruines sur ruines, et tombeaux sur tombeaux. Cette histoire du monde où les époques se comptent de débris en débris, cette vie humaine dont la trace se suit à la lueur des volcans qui l’ont consumée, remplit le cœur d’une profonde mélancolie. Qu’il y a longtemps que l’homme existe ! Qu’il y a longtemps qu’il vit, qu’il souffre et qu’il périt ! Où peut-on retrouver ses sentiments et ses pensées ? L’air qu’on respire dans ces ruines en est-il encore empreint, ou sont-elles pour jamais déposées dans le Ciel où règne l’immortalité63 ?

1 Foscolo, Ugo, Dell’origine e dell’ufficio della letteratura, par Enzo Neppi, Florence, Olschki, 2005, p. 134.

2 Pour l’histoire de la rédaction du texte, voir l’introduction à Ugo Foscolo, Gli appunti per le “Lettere scritte dall’Inghilterra”, édition critique

3 Voir le chapitre « Filosofiche antitesi »: il confronto a distanza tra Foscolo e Madame de Staël, dans Mariasilvia Tatti, Il Risorgimento dei

4 Placanica, Augusto, Leopardi e il Mezzogiorno del mondo, Cava de Tirreni, Avagliano, 1998, p. 26. La liste des livres italiens et sur l’Italie

5 Bollati, Giulio, L’italiano, dans Ruggiero Romano e Corrado Vivanti, Storia d’Italia, Torino, Einaudi, 1972, vol. I, p. 963.

6 Leopardi, Giacomo, Discorso sopra lo stato presente dei costumi degl’Italiani, par M.A. Rigoni (avec préface), texte critique de Marco Dondero

7 Ibid., p. 47. Sur les emprunts staëliens chez Leopardi, voir Dolfi, Anna, « Sulle modalità dell’annotare leopardiano (la lettura di Corinne) », Ead.

8 Giammattei, Emma, « Risorgimento e letteratura a Napoli », Ead., Il Romanzo di Napoli. Geografia e storia della letteratura nel XIX e XX secolo

9 Venturi, Franco L’Italia fuori dall’Italia, Storia d’Italia, par Ruggiero Romano et Corrado Vivanti, vol. III. Dal primo Settecento all’Unità, Turin

10 De Seta, Cesare, L’Italia nello specchio del Grand Tour, nouvelle éd., Milan, Rizzoli, 2014.

11 C’est la thèse principale de l’essai de Nelson Moe, The view from Vesuvius: Italian culture and the southern question, Berkeley, California

12 Nelson Moe, op. cit., p. 17 et 48.

13 Voir Placanica, Augusto, « Il Mezzogiorno in idea », Meridiana, n° 32, 1998, p. 153-182 ; Id., La Capitale, il passato, il paesaggio. I viaggiatori

14 Verri, Pietro, Discorso sull’indole del piacere e del dolore (1773), Id., Discorsi del conte Pietro Verri dell’Instituto delle Scienze di Bologna

15 Paris, Paschoud, 1826.

16 Omodeo, Adolfo, L’età del Risorgimento italiano, réimpression anastatique de la IVe édition, Naples, Vivarium, 1996, p. 266.

17 Howald, Stephan, Aufbruch nach Europa. Karl Viktor Bonstetten, 1745-1832, Leben und Werk, Frankfurt, Stroemfeld, 1997.

18 Gioia, Melchiorre, « Riflessioni sull’opera intitolata L’homme du midi et l’homme du nord di Charles-Victor de Bonstetten », Annali universali di

19 Voir Freschi, Marino, (dir.), L’Italia di Goethe, Acireale, Bonanno, 2016. Voir aussi Id., Goethe e l’Italia, Rome, Donzelli, 2000.

20 Cette lecture a perduré jusqu’au début du XXe siècle, comme en témoigne la biographie de Maria Teresa Porta, Madame de Staël e l’Italia, Florence

21 Foscolo, Ugo, lettera a Benedetto Giovio, ottobre 1808, dans Opere, Edizione nazionale delle opere di Ugo Foscolo, XIX, Epistolario, 2 [luglio 1804

22 Balayé, Simone, « Corinne et la presse parisienne de 1807 », Madame de Staël, écrire, lutter, vivre, Genève, Droz, 1994, p. 261 et sq.

23 Maria Teresa Porta (op. cit., p. 129) attribue l’oeuvre à Pietro Veroni.

24 Staël, Germaine de, Corinne ou l’Italie, [1807], réed. Catriona Seth, Paris, Gallimard, 2017, p. 1003-1458 et p. 1041-1042.

25 Constant, Benjamin, « De Madame de Staël et de ses ouvrages », dans Œuvres, Mélanges de Littérature et de politique, Paris, Gallimard, 1957, p. 832

26 Boutard, Maurice, « Sur quelques passages du nouveau roman de Madame de Staël concernants les Arts », Journal de l’Empire, 5 juin 1807, p. 3.

27 Guerlac, Suzanne, « Writing the Nation (Mme de Staël) », French Forum, v. 30, n° 3, 2005, p. 43-56.

28 Croce, Benedetto, Storia d’Europa nel secolo decimonono, maintenant Milan, Adelphi, 1993, p. 124. Voir Burnand, Léonard, Genand, Stephanie et Seth

29 Crivelli, Tatiana, Fra Oriente e Occidente : improvvisazione poetica e carattere nazionale nella Corinne di Mme de Staël, Beatrice Alfonzetti e

30 Voir Craveri, Benedetta, Introduzione a Madame de Staël, Dieci anni d’esilio, Locarno, Armando Dadò, 2006, p. 5-18.

31 Signorini, Anna Eleanor, Introduzione a Madame de Staël, Corinne, Milan, Mondadori, 2010, p. V-XXXIV.

32 Genand, Stéphanie, « Inquiétants depaysements : les voyages mélancoliques de Germaine de Staël (1802-1814) », Viatica, n° 3, 2016. Voir aussi « Les

33 Corinne, p. 1008-1009.

34 Bordas, Eric, « Les discours de Corinne, Stylistique d’une monodie », dans Simone Balayé (dir.), L’éclat et le silence, “Corinne ou l’Italie” de

35 Voir Magri-Mourgues, Véronique, « Corinne et le voyage », Lectures de ‘Corinne ou l’Italie’ de Germaine de Staël, Nice, Université de Nice-Sophia

36 Corinne, p. 1056.

37 Hersant, Yves, « Voyager est un des plus tristes plaisirs de la vie », sous la direction de Beatrice Alfonzetti e Novella Bellucci, Corinne e l’

38 Jaton, Anne Marie, Le Vésuve et la sirène, le mythe de Naples de Madame de Staël à Nerval, Pise, Pacini, 1988.

39 Corinne, p. 1108.

40 Corinne, p. 1112.

41 Said, Edward W., Orientalism, Londres, Penguin, 2003 [1978].

42 Voir Crivelli, Tatiana, « Fra Oriente e Occidente: improvvisazione poetica e carattere nazionale nella Corinne di Mme de Staël », sous la direction

43 Butler, Judith, Bodies that Matter: On the Discoursive Limits of Sex, Londres, Routledge, 1993, p. 3.

44 Voir Cazzato, Luigi, « Oriente within, Nord without: il meridionismo e i romantici inglesi », Altre Modernità, n° 8-11/2012, p. 188-206. Voir aussi

45 Voir Dainotto, Roberto, Europe (in Theory), Dhuram-London, Duke U.P., 2007, p. 164 et sq.

46 Schneider, Jane, Italy’s “Southern Question”. Orientalism in One Country, New York, Berg, 1998.

47 Goffredo, Giuseppe, I dolori della pace. Scontro o crisi di civiltà nel Mediterraneo : dal darwinismo geopolitico al disarmo culturale, Bari

48 Pfister, Manfred, The Fatal Gift of Beauty: Italies of British Travellers, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1996, p. 3.

49 Dainotto, Roberto M., « A South with a View. Europe and its Other », Nepantla: Views from South, 2000, 2, p. 375-390.

50 Sismondi, Jean Charles Léonard Sismonde de, De la littérature du midi de l’Europe, Paris, Treuttel et Würtz, 1813.

51 Voir Shreire, Lise, Seul dans l’Orient lointain. Les voyages de Nerval et Du Camp, Saint-Etienne, Université de Saint-Etienne, 2006.

52 Staël, Germaine de, Lettre à Vincenzo Monti, 23 février 1805, Correspondance générale, Genève, Slatkine, 2009, t. V, p. 510.

53 Balayé, Simone, Les Carnets de voyage de Madame de Staël, contribution à la genèse de ses œuvres, Genève, Droz, 1971.

54 Corinne, p. 1215.

55 Corinne, p. 1096.

56 Les deux premiers volumes du roman ont été publiés à Milan en 1804, le troisième en 1806. Actuellement en cours d’édition critique par Antonino De

57 De Luca, Stefano, Alfieri politico. Le culture politiche italiane allo specchio tra Otto e Novecento, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2017, p. 44.

58 Giammattei, Emma, « Il dialogo e le maschere del filosofo », dans La lingua laica. Una tradizione italiana, Venise, Marsilio, 2008, p. 130-162.

59 Balayé, Simone, « Pour une lecture politique de Corinne », Il gruppo di Coppet e l’Italia, par Mario Matucci, Pise, Pacini, 1988, p. 10.

60 Corinne, p. 1226.

61 Voir Gigliucci, Roberto, La Melanconia. Dal monaco medievale al poeta crepuscolare, Milan, Rizzoli, 2009, p. 43.

62 Starobinski, Jean, « Suicide et mélancolie chez Mme de Staël », Preuves : Cahiers mensuels du Congrès pour la liberté de la culture, 1966, n° 190

63 Corinne, p. 1226.

1 Foscolo, Ugo, Dell’origine e dell’ufficio della letteratura, par Enzo Neppi, Florence, Olschki, 2005, p. 134.

2 Pour l’histoire de la rédaction du texte, voir l’introduction à Ugo Foscolo, Gli appunti per le “Lettere scritte dall’Inghilterra”, édition critique par Lucia Conti Bertini, Florence, La Nuova Italia, 1975.

3 Voir le chapitre « Filosofiche antitesi »: il confronto a distanza tra Foscolo e Madame de Staël, dans Mariasilvia Tatti, Il Risorgimento dei letterati, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2011, p. 93-105.

4 Placanica, Augusto, Leopardi e il Mezzogiorno del mondo, Cava de Tirreni, Avagliano, 1998, p. 26. La liste des livres italiens et sur l’Italie présents dans la bibliothèque staëlienne constitue une aide précieuse : voir Balayé, Simone, « Les livres des Italiens et les livres sur l’Italie dans la bibliothèque de Madame de Staël », Cahiers Staëliens, n° 10, 1970, p. 58-64.

5 Bollati, Giulio, L’italiano, dans Ruggiero Romano e Corrado Vivanti, Storia d’Italia, Torino, Einaudi, 1972, vol. I, p. 963.

6 Leopardi, Giacomo, Discorso sopra lo stato presente dei costumi degl’Italiani, par M.A. Rigoni (avec préface), texte critique de Marco Dondero, Milano, Rizzoli, 1998, p. 46.

7 Ibid., p. 47. Sur les emprunts staëliens chez Leopardi, voir Dolfi, Anna, « Sulle modalità dell’annotare leopardiano (la lettura di Corinne) », Ead., Ragione e passione. Fondamenti e forme del pensare leopardiano, Rome, Bulzoni, 2000, p. 123-136 ; Damiani, Rolando All’ombra di Madame de Staël, Id., L’impero della ragione. Studi leopardiani, Ravenne, Longo, 1994, p. 149-171 ; Dondero, Marco, Leopardi, il modello di Corinne e il Discorso sugli Italiani, par Beatrice Alfonzetti et Novella Bellucci, « Corinne e l’Italia di Madame de Staël », monographie Studi (e testi) italiani, n° 25, I semestre 2010, p. 241-255.

8 Giammattei, Emma, « Risorgimento e letteratura a Napoli », Ead., Il Romanzo di Napoli. Geografia e storia della letteratura nel XIX e XX secolo, nouvelle édition augmentée, Naples, Guida, 2016, p. 41-83.

9 Venturi, Franco L’Italia fuori dall’Italia, Storia d’Italia, par Ruggiero Romano et Corrado Vivanti, vol. III. Dal primo Settecento all’Unità, Turin, Einaudi, 1973, p. 985-1482.

10 De Seta, Cesare, L’Italia nello specchio del Grand Tour, nouvelle éd., Milan, Rizzoli, 2014.

11 C’est la thèse principale de l’essai de Nelson Moe, The view from Vesuvius: Italian culture and the southern question, Berkeley, California University Press, 2002. Voir aussi Russell Ascoli, Krystyna et Von Henneberg, Albert Making and Remaking Italy. The Cultivation of National Identity in the Risorgimento, Oxford-NewYork, Berg, 2001.

12 Nelson Moe, op. cit., p. 17 et 48.

13 Voir Placanica, Augusto, « Il Mezzogiorno in idea », Meridiana, n° 32, 1998, p. 153-182 ; Id., La Capitale, il passato, il paesaggio. I viaggiatori come «fonte» della storia meridionale, Id., Scritti, III, par Mirella Mafrici et Sebastiano Martelli, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2004 ; Mozzillo, Atanasio, Passaggio a Mezzogiorno. Napoli e il Sud nell’immaginario barocco e illuminista europeo, Milan, Leonardo, 1993.

14 Verri, Pietro, Discorso sull’indole del piacere e del dolore (1773), Id., Discorsi del conte Pietro Verri dell’Instituto delle Scienze di Bologna sull’indole del piacere e del dolore; sulla felicità ; e sulla economia politica. Riveduti e accresciuti dall’Autore, réimpression anastatique de l’éd. 1781, Rome, Archivi Stampa, 1974.

15 Paris, Paschoud, 1826.

16 Omodeo, Adolfo, L’età del Risorgimento italiano, réimpression anastatique de la IVe édition, Naples, Vivarium, 1996, p. 266.

17 Howald, Stephan, Aufbruch nach Europa. Karl Viktor Bonstetten, 1745-1832, Leben und Werk, Frankfurt, Stroemfeld, 1997.

18 Gioia, Melchiorre, « Riflessioni sull’opera intitolata L’homme du midi et l’homme du nord di Charles-Victor de Bonstetten », Annali universali di statistica [1825], Id., Opere minori, Lugano, Ruggia, 1834, vol. VI, p. 86-99, p. 91 [en italique dans le texte]. Voir Neppi Modona, Leo, « Une polémique d’autrefois. Melchiorre Gioia contre Charles-Victor de Bonstetten », Actualité de Bonstetten : actes de la sixième Journée de Coppet, Paris, Touzot, 1983.

19 Voir Freschi, Marino, (dir.), L’Italia di Goethe, Acireale, Bonanno, 2016. Voir aussi Id., Goethe e l’Italia, Rome, Donzelli, 2000.

20 Cette lecture a perduré jusqu’au début du XXe siècle, comme en témoigne la biographie de Maria Teresa Porta, Madame de Staël e l’Italia, Florence, Gonnelli, 1909.

21 Foscolo, Ugo, lettera a Benedetto Giovio, ottobre 1808, dans Opere, Edizione nazionale delle opere di Ugo Foscolo, XIX, Epistolario, 2 [luglio 1804-dicembre 1808], a cura di P. Carli, Firenze, Le Monnier, 1952, p. 458-459.

22 Balayé, Simone, « Corinne et la presse parisienne de 1807 », Madame de Staël, écrire, lutter, vivre, Genève, Droz, 1994, p. 261 et sq.

23 Maria Teresa Porta (op. cit., p. 129) attribue l’oeuvre à Pietro Veroni.

24 Staël, Germaine de, Corinne ou l’Italie, [1807], réed. Catriona Seth, Paris, Gallimard, 2017, p. 1003-1458 et p. 1041-1042.

25 Constant, Benjamin, « De Madame de Staël et de ses ouvrages », dans Œuvres, Mélanges de Littérature et de politique, Paris, Gallimard, 1957, p. 832.

26 Boutard, Maurice, « Sur quelques passages du nouveau roman de Madame de Staël concernants les Arts », Journal de l’Empire, 5 juin 1807, p. 3.

27 Guerlac, Suzanne, « Writing the Nation (Mme de Staël) », French Forum, v. 30, n° 3, 2005, p. 43-56.

28 Croce, Benedetto, Storia d’Europa nel secolo decimonono, maintenant Milan, Adelphi, 1993, p. 124. Voir Burnand, Léonard, Genand, Stephanie et Seth, Catriona, Germaine de Staël et Benjamin Constant. L’esprit de liberté, Paris, Perrin, 2017. Pour une lecture historique-politique du rôle de Coppet dans le liberalisme européen, voir Jaume, Lucien, Coppet, Creuset de l’esprit libéral, les idées politiques et consitutionnelles du groupe de Mme de Staël, Aix en Provence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2000.

29 Crivelli, Tatiana, Fra Oriente e Occidente : improvvisazione poetica e carattere nazionale nella Corinne di Mme de Staël, Beatrice Alfonzetti e Novella Bellucci (sous la direction), Corinne e l’Italia di Madame de Staël, cit., p. 83-106.

30 Voir Craveri, Benedetta, Introduzione a Madame de Staël, Dieci anni d’esilio, Locarno, Armando Dadò, 2006, p. 5-18.

31 Signorini, Anna Eleanor, Introduzione a Madame de Staël, Corinne, Milan, Mondadori, 2010, p. V-XXXIV.

32 Genand, Stéphanie, « Inquiétants depaysements : les voyages mélancoliques de Germaine de Staël (1802-1814) », Viatica, n° 3, 2016. Voir aussi « Les Vies traversées du Groupe de Coppet », Cahiers staëliens, n° 63, 2013, p. 127-142.

33 Corinne, p. 1008-1009.

34 Bordas, Eric, « Les discours de Corinne, Stylistique d’une monodie », dans Simone Balayé (dir.), L’éclat et le silence, “Corinne ou l’Italie” de Madame de Staël, Paris, Champion, 1999, p. 161-205.

35 Voir Magri-Mourgues, Véronique, « Corinne et le voyage », Lectures de ‘Corinne ou l’Italie’ de Germaine de Staël, Nice, Université de Nice-Sophia Antipolis, Jean Marie Seillan éd., 2000, p. 12.

36 Corinne, p. 1056.

37 Hersant, Yves, « Voyager est un des plus tristes plaisirs de la vie », sous la direction de Beatrice Alfonzetti e Novella Bellucci, Corinne e l’Italia di Madame de Staël, p. 3-10.

38 Jaton, Anne Marie, Le Vésuve et la sirène, le mythe de Naples de Madame de Staël à Nerval, Pise, Pacini, 1988.

39 Corinne, p. 1108.

40 Corinne, p. 1112.

41 Said, Edward W., Orientalism, Londres, Penguin, 2003 [1978].

42 Voir Crivelli, Tatiana, « Fra Oriente e Occidente: improvvisazione poetica e carattere nazionale nella Corinne di Mme de Staël », sous la direction de Beatrice Alfonzetti et Novella Bellucci, Corinne e l’Italia di Madame de Staël, p. 83-106.

43 Butler, Judith, Bodies that Matter: On the Discoursive Limits of Sex, Londres, Routledge, 1993, p. 3.

44 Voir Cazzato, Luigi, « Oriente within, Nord without: il meridionismo e i romantici inglesi », Altre Modernità, n° 8-11/2012, p. 188-206. Voir aussi Meridionismo e meridianismo e la ricerca del Sud, in Id., Orizzonte Sud, Lecce, Besa, 2011, p. 161-183.

45 Voir Dainotto, Roberto, Europe (in Theory), Dhuram-London, Duke U.P., 2007, p. 164 et sq.

46 Schneider, Jane, Italy’s “Southern Question”. Orientalism in One Country, New York, Berg, 1998.

47 Goffredo, Giuseppe, I dolori della pace. Scontro o crisi di civiltà nel Mediterraneo : dal darwinismo geopolitico al disarmo culturale, Bari, Polesis, 2010.

48 Pfister, Manfred, The Fatal Gift of Beauty: Italies of British Travellers, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1996, p. 3.

49 Dainotto, Roberto M., « A South with a View. Europe and its Other », Nepantla: Views from South, 2000, 2, p. 375-390.

50 Sismondi, Jean Charles Léonard Sismonde de, De la littérature du midi de l’Europe, Paris, Treuttel et Würtz, 1813.

51 Voir Shreire, Lise, Seul dans l’Orient lointain. Les voyages de Nerval et Du Camp, Saint-Etienne, Université de Saint-Etienne, 2006.

52 Staël, Germaine de, Lettre à Vincenzo Monti, 23 février 1805, Correspondance générale, Genève, Slatkine, 2009, t. V, p. 510.

53 Balayé, Simone, Les Carnets de voyage de Madame de Staël, contribution à la genèse de ses œuvres, Genève, Droz, 1971.

54 Corinne, p. 1215.

55 Corinne, p. 1096.

56 Les deux premiers volumes du roman ont été publiés à Milan en 1804, le troisième en 1806. Actuellement en cours d’édition critique par Antonino De Francesco et Annamaria Andreoni, Roma-Bari, Laterza, 2013.

57 De Luca, Stefano, Alfieri politico. Le culture politiche italiane allo specchio tra Otto e Novecento, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2017, p. 44.

58 Giammattei, Emma, « Il dialogo e le maschere del filosofo », dans La lingua laica. Una tradizione italiana, Venise, Marsilio, 2008, p. 130-162.

59 Balayé, Simone, « Pour une lecture politique de Corinne », Il gruppo di Coppet e l’Italia, par Mario Matucci, Pise, Pacini, 1988, p. 10.

60 Corinne, p. 1226.

61 Voir Gigliucci, Roberto, La Melanconia. Dal monaco medievale al poeta crepuscolare, Milan, Rizzoli, 2009, p. 43.

62 Starobinski, Jean, « Suicide et mélancolie chez Mme de Staël », Preuves : Cahiers mensuels du Congrès pour la liberté de la culture, 1966, n° 190, p. 245.

63 Corinne, p. 1226.