Quelques aspects de la Love-Hate Relationship de Sismondi avec les Économistes anglais

Pascal Bridel

p. 171-186

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Pascal Bridel, « Quelques aspects de la Love-Hate Relationship de Sismondi avec les Économistes anglais », Cahiers Staëliens, 68 | 2018, 171-186.

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Pascal Bridel, « Quelques aspects de la Love-Hate Relationship de Sismondi avec les Économistes anglais », Cahiers Staëliens [En ligne], 68 | 2018, mis en ligne le 15 avril 2019, consulté le 31 octobre 2024. URL : https://cahiersstaeliens.edinum.org/198

Une partie du matériel utilisé provient de recherches effectuées lors de la rédaction des introductions et notes d’éditeurs des Œuvres économiques complètes de Sismondi, Paris, Economica, 2012-2018, 6 volumes édités par Pascal Bridel, Francesca Daldegan et Nicolas Eyguesier.

Réfugié politique à Londres de la Genève révolutionnaire de 1792, admirateur inconditionnel d’Adam Smith, adulateur de la constitution politique anglaise et du système financier britannique, critique acerbe dès 1817 du système économique anglais et de « l’école chrématistique1 » initiée par Ricardo, et pourtant heureusement marié à une Galloise, Sismondi a entretenu toute sa vie des relations d’amour-haine particulièrement compliquées avec l’Angleterre et les économistes anglais.

Une monographie complète serait nécessaire pour offrir une étude synthétique de l’ensemble de ces relations et de leur évolution parfois surprenante. Il faudrait non seulement faire appel à une étude historique minutieuse des trois séjours de durées variables effectués en Angleterre par Sismondi en 1793-1794, 1819 et 1826 mais aussi, et surtout, offrir une reconstruction rationnelle complète des arguments philosophiques et de théorie économique échangés avec les économistes anglais (principalement Ricardo et Malthus). De plus, la connaissance encyclopédique de Sismondi de la littérature spécialisée anglaise mériterait sans aucun doute une étude particulière.

La présente contribution se borne à examiner brièvement l’influence cruciale d’Adam Smith et à documenter les contacts directs entre Sismondi, Ricardo et Malthus à propos des deux éditions des Nouveaux Principes d’économie politique (1819 et 1827). En toile de fond de cette discussion, on entrevoit l’émancipation progressive de Sismondi de la conception smithienne d’un marché libérateur des pesanteurs de l’Ancien régime pour aboutir dès la fin des guerres napoléoniennes à une vision d’un marché « despotique » (dont Marx se saisira explicitement quelques décennies plus tard). Le salariat (la rupture du lien entre propriété et revenu) reste sans doute pour Sismondi la source et l’origine fondamentales de cet amoindrissement du mécanisme smithien de coordination marchande qui sous-tend l’évolution de toute son économie politique2.

L’héritage smithien et la Richesse commerciale

Fuyant la « Terreur genevoise » qui l’avait temporairement emprisonné, Sismondi (alors âgé de 21 ans) et sa famille se réfugient en Angleterre de février 1793 à avril 1794. L’essentiel du séjour se passe hors de Londres ; et, lors de leurs deux passages dans la capitale, le futur économiste qu’est Sismondi ne rencontre bien entendu ni Malthus ni Ricardo dont les premières publications ne paraîtront qu’en 1798 pour l’un et 1815 pour l’autre. Les occupations et distractions sont fort modestes pour une famille de semi-réfugiés logeant pour l’essentiel de leur séjour chez un clergyman du Sussex. Il semble pourtant que Sismondi ait fait à cette époque l’acquisition d’un exemplaire de la Wealth of Nations3 de Smith dont la démarche théorique l’accompagnera toute sa vie. De plus, et il s’agit là du complément institutionnel à son économie politique encore à venir, Sismondi couvre trois cahiers de notes sur les institutions et le système politique anglais dont il restera toujours un grand admirateur4.

Au terme d’un autre (et marquant) exil en Toscane, Sismondi retourne définitivement à Genève en automne 1800 pour y commencer sa carrière de publiciste, d’historien et d’économiste. L’influence du groupe de Coppet y est immédiatement perceptible. Encore fortement influencé par la tradition physiocratique, ses premiers écrits contiennent déjà certains thèmes dont il débattra plus tard avec férocité avec les économistes anglais. Sa préférence pour la maximisation du produit brut et non du produit net en est un exemple particulièrement flagrant5. Ce n’est pourtant qu’en 1803, avec la Richesse commerciale, que la pensée d’Adam Smith prend la place centrale qu’elle occupera toujours dans la démarche de Sismondi.

Dès les premières pages de son ouvrage, Sismondi revendique l’héritage smithien dont il fait l’éloge6. Il lui emprunte la définition de la nature de la richesse (le travail accumulé), ainsi que la définition de l’économie politique comme branche de la « science du législateur », touchant aux « règles de la conduite » du gouvernement. Sismondi met explicitement la Richesse commerciale dans une directe continuité smithienne. « Éclaircir et appliquer à la France la doctrine d’Adam Smith est le but de cet ouvrage7 », affirme-t-il sans hésitation dans la table analytique des matières. Sismondi est parmi les premiers auteurs, si ce n’est le premier, à effectuer systématiquement un tel exercice. De même, Sismondi admet sans détour que les trois premiers chapitres théoriques de son livre I « ne contiennent presque aucune idée vraiment neuve pour quiconque a bien étudié Adam Smith8 ». Il reconnaît aussi que sa critique des mercantilistes n’est autre que celle de Smith9. Sans surprise, les louanges adressées à « l’immortel Adam Smith10 » atteignent leur zénith lorsqu’il est question de la théorie de l’impôt. En revanche, et en particulier dans le cadre de ses chapitres théoriques les plus novateurs (ceux sur les théories des prix et des salaires), Sismondi se distancie sans hésitation de Smith. Même s’il persiste à affirmer que cette théorie des prix est néanmoins obtenue « en développant les principes d’Adam Smith11  « dans son chapitre sur les impôts sur les biens de première nécessité, Sismondi « se permet de différer d’Adam Smith » et hasarde même « une réponse à cette question quelque peu différente de celle de l’immortel Adam Smith12 ».

Avec la Richesse commerciale, Sismondi produit à la fois une introduction et une mise à jour systématique de la Richesse des Nations pour le lecteur continental et une relecture de la tradition française de la philosophie économique (notamment Quesnay, Turgot et Necker) considérée comme la théorie politique d’une société qui, pour la première fois, met l’activité économique au centre de son analyse. La théorie économique n’est ainsi pour lui qu’une partie, essentielle certes, mais une partie seulement de la théorie politique d’une société agricole, commerciale et, plus tardivement, industrielle.

De la systématisation de ses réflexions sur le monde agricole toscan à son analyse des crises de surproduction de la grande industrie anglaise dans les Nouveaux Principes, en passant par la crise économique et commerciale de la Genève annexée, les trois volumes successifs de Sismondi adapteront son schéma fondamental des relations entre philosophie politique et théorie économique à des systèmes politiques et économiques en rapide mutation. Fidèle à sa méthodologie largement inspirée de Smith, Sismondi réexamine et redéfinit ainsi, à chacun des stades du développement d’une société, l’articulation entre richesse et civilisation, entre la liberté individuelle, la croissance économique et l’augmentation du bonheur des peuples.

Dans l’évolution de l’économie politique du tout début du XIXe siècle, Sismondi joue un rôle très particulier dont on trouve l’origine dans la Richesse commerciale. Passeur de la vision englobante de Smith, il défend pourtant une approche aprioriste et quasi-ricardienne de la théorie économique, tout en insistant sur la nécessité absolue de relier cette démarche catallactique à l’économie comme éthique dans le cadre de son intégration à une analyse historique du développement des institutions comme garantes de la liberté individuelle. Il refuse déjà de considérer l’économie politique comme une science exclusive de la richesse, une simple chrématistique à la Ricardo. En faveur d’une analyse économique rigoureuse, il ne la considère pourtant que comme la première étape d’une vision globale du fonctionnement d’une société dans laquelle le rôle de la coordination marchande est nécessaire mais non suffisant :

Ce n’est pas sur des calculs arides qu’elle est fondée [l’économie politique], ce n’est pas non plus sur un enchaînement mathématique de théorèmes, déduits d’axiomes obscurs, donnés pour des vérités incontestables ; c’est en enseignant ainsi la science qu’on a égaré ses disciples, et rebuté ceux qui lui sont étrangers. L’économie politique est fondée sur l’étude de l’homme et des hommes ; il faut connaître la nature humaine, l’état et le sort des sociétés en différents temps et en différents lieux, il faut consulter les historiens et les voyageurs, il faut voir soi-même ; non seulement étudier les lois, mais savoir encore comment elles sont exécutées, non seulement compulser les tableaux d’exportation et d’importation, mais connaître la face du pays, entrer dans le sein des familles, juger de l’aisance ou de la gêne chez la masse du peuple, vérifier les grands traits par des observations de détail, et rapprocher sans cesse la science de la pratique journalière. Une pareille étude peut être longue, mais elle n’est certainement ni sèche ni rebutante : c’est la philosophie de l’histoire et des voyages, c’est le lambeau de la critique portée sur ce qui nous touche de plus près, les causes du bonheur de nos semblables13.

La Richesse commerciale permet aussi de combler un vide important dans le réexamen du virage brutal pris par l’économie politique smithienne sous l’influence de Ricardo ; ou, en d’autres termes, la transition entre Smith et Ricardo est beaucoup plus complexe que la tradition historiographique veut le faire croire. Chez Sismondi, et dès 1803, l’économie politique dialogue avec l’histoire et la philosophie politique. La finalité de son élaboration théorique est d’éclairer l’opinion sur la manière dont les hommes peuvent obtenir le plus haut degré de richesses, la plus grande liberté individuelle et le plus grand bonheur. Dans cette recherche, et dès la Richesse commerciale, les trois domaines qu’il va inlassablement parcourir sont complémentaires. L’Histoire est une illustration des manifestations passées de la liberté, pour éclairer par l’expérience les contemporains dans leur marche (d’où ses multiples ouvrages historiques). La philosophie politique étudie les constitutions dans le même esprit, c’est-à-dire l’idée d’une possible amélioration des structures politiques à partir d’une situation présente (d’où ses Recherches sur les constitutions des peuples libres). L’économie politique quant à elle est une étude du progrès de la civilisation en rapport avec le progrès de la richesse : une fois encore, « l’accroissement des richesses n’est pas le but de l’économie politique, mais le moyen dont elle dispose pour procurer le bonheur de tous14 ». Chez Sismondi, le progrès de la société est à la fois progrès de la liberté, progrès moral à travers l’exercice de cette liberté, et progrès de la civilisation dans lequel la variable économique joue un rôle central. Sismondi n’est peut-être pas aussi solitaire dans sa quête de la vérité scientifique qu’il le prétend, tant il est vrai que le projet d’adapter la théorie smithienne est partagé par la plupart des économistes tant en Angleterre que sur le Continent15.

De l’article pour l’Edinburgh Encyclopaedia aux deux éditions des Nouveaux Principes : une opposition croissante à l’« École anglaise »

En octobre 1817, Sismondi fait parvenir aux éditeurs de l’Edinburgh Review le manuscrit de son article « Économie politique16 ». Dix-sept mois plus tard, dans une lettre à son futur beau-frère James Mackintosh17, il annonce l’envoi des « deux volumes de [s]on Économie politique dont l’impression sera achevée cette semaine18 ». Entre ces deux dates, il rédige les deux volumes de la première édition de ses Nouveaux Principes dont le texte emprunté à son article initial « en forme à peu près le tiers19 ». On peut sans doute considérer l’article « Économie politique » destiné à une encyclopédie écossaise comme l’édition zéro du magnum opus sismondien. Sans être explicitement connectés à la rédaction des Nouveaux Principes, la correspondance et les écrits de Sismondi durant cette période mentionnent fréquemment l’évolution de la situation politique en France et en Angleterre mais contiennent beaucoup plus rarement des réflexions sur la crise économique de 1817 et l’évolution du « système anglais20 ».

Quelques jours après la parution de la première édition des Nouveaux Principes, Sismondi quitte Genève pour son premier voyage en Angleterre depuis 1794. Au cours de ce voyage, il doit non seulement épouser Jessie Allen mais également rencontrer en avril 1819 Malthus, Ricardo et McCulloch déjà en possession de la première édition de son ouvrage. L’accueil des économistes anglais est chaleureux (Malthus assistera même au mariage de Sismondi), mais intellectuellement glacial. Le 7 avril 1819 (deux semaines à peine après la publication à Paris des Nouveaux Principes), Ricardo écrit en effet à McCulloch :

Hier, à la Chambre des Lords, Sir James Mackintosh m’a présenté M. Sismondi, qui effectue un très bref voyage dans notre pays. Il vient de publier un livre sur l’économie politique, dans lequel il s’est efforcé de montrer que mes opinions étaient erronées. Il m’a dit qu’il était également en désaccord avec celles de Say. Je suis très curieux de voir ce livre, car d’après les quelques mots que nous avons échangés il n’est d’accord avec aucun de nos auteurs connus21.

Dans une réponse un peu flagorneuse à Ricardo datée du 18 avril 1819, McCulloch tire la première salve d’un débat qui ne connaîtra pas de vraies conclusions en écrivant brutalement une opinion qui sera finalement adoptée par des générations d’économistes anglais : « Sismondi est bien trop sentimental pour faire un bon économiste22 ».

Finalement, quelques mois après leur parution, ayant lu les Nouveaux Principes, et avant même toute recension en français ou en anglais, Ricardo les considèrera comme « une très piètre performance23 ». Le divorce entre l’école anglaise et le fidèle disciple genevois d’Adam Smith est ainsi consommé dans les mois suivant immédiatement la publication de la première édition des Nouveaux Principes.

Les divergences théoriques seront encore renforcées lors de la célébrissime « querelle des débouchés » impliquant notamment en première ligne Ricardo, Malthus, Say et Sismondi. Il n’est pas question de revenir sur ce débat théorique extrêmement complexe et dont les retombées sont encore sensibles dans la macroéconomie moderne. L’argument déjà développé en 1817 selon lequel l’égalité entre produit et revenu est rendue infiniment plus complexe lorsqu’une partie du revenu est épargnée et investie « avec reproduction » (et donc que le produit annuel et le revenu ne sont pas nécessairement égaux) vient naturellement distinguer Sismondi de Say et de sa loi des débouchés : « C’est encore là ce me semble le nœud de la question, sur lequel il faudra revenir24 ».

Ainsi, même si Sismondi reprend très largement la description de Say de la situation économique et sociale de l’Angleterre de l’immédiat après-guerre25, il le contredit sur un point capital : les effets à attendre de la substitution toujours plus rapide du travail par le capital à travers un phénomène rapide de mécanisation et de hausse du stock de capital. Il en découlera finalement leur opposition théorique au cours de la querelle des débouchés ; pour Sismondi, contrairement à Say et surtout à Ricardo et à ses disciples, « le pouvoir de consommer ne s’accroît point nécessairement avec le pouvoir de produire26 ». En effet, contrairement aux économistes de l’école « chrématistique anglaise » pour qui l’accélération du taux de croissance de la production liée à une hausse rapide du stock de capital permet une baisse du prix des biens et une amélioration du niveau de vie de tous, Sismondi s’insurge contre un enrichissement exclusif des propriétaires des biens capitaux fondé sur la substitution forcenée du travail par les machines et donc, croit-il, de l’expulsion de la main-d’œuvre du processus de production. Aux yeux de Sismondi, l’école anglaise tout comme Say refusent de comprendre « ma théorie que je crois nouvelle », car « partout le travail a été vainement offert par ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, et qui périssent de misère, au milieu de subsistances abondantes qu’ils ne peuvent acheter27 ».

De manière générale, Sismondi pose la question des limites de la production, non pas dans l’absolu (on peut, en théorie et à long terme, produire à l’infini), mais relativement au revenu, à la production de la période précédente, aux buts de la production. Effectivement, l’augmentation de la production a un coût qui, à un certain point, dépasse ses bénéfices : on produit plus, certes, mais au prix d’une baisse du temps de loisirs, d’une baisse des salaires, de la prolétarisation de la classe ouvrière. Cette exclusivité donnée à la production se manifeste dans la surproduction endémique qui éclate, périodiquement, en crises de surproduction.

Sur cet aspect, il est intraitable. Là se situe pour lui l’enjeu principal. Pour cette raison, il s’emploie sans relâche à convaincre Say, en particulier en réponse à son article de 1824, « Sur la balance des consommations avec les productions28 », ainsi que dans la seconde édition des Nouveaux Principes. Pour Sismondi et à cette époque, Say occupe certainement une place intermédiaire entre ceux qu’il appellera plus tard les industrialistes (ricardiens, saint-simoniens) et la « vraie » économie politique, smithienne, qu’il entend incarner. Écrit quatre ans après « Examen de cette question : le pouvoir de consommer s’accroît-il dans la société avec le pouvoir de produire29 ? » (1820), l’article de 182430 est sans doute l’expression la plus achevée de Sismondi dans la querelle des débouchés.

Alors que l’article de 1820 répond spécifiquement à une recension parue dans l’Edinburgh Review quelques mois après la première édition des Nouveaux Principes, l’article de 1824 est une réponse à l’ensemble des critiques qui lui ont été adressées depuis, notamment celles de Malthus dans ses Principles of Political Economy (1820), de McCulloch dans l’Edinburgh Review (1821) et de J.-B. Say dans ses Lettres à Malthus (1820). Cet article trouve son origine dans un entretien entre Sismondi et Ricardo qui a eu lieu en 1822. Il y eut en fait deux confrontations entre les deux économistes, une en tête-à-tête, et une au château de Coppet, au cours de laquelle, cependant, la position ricardienne fut défendue par Victor de Broglie31. Durant cette discussion, Sismondi se retrouve en porte-à-faux dans son cercle d’amis le plus rapproché, amis qui font l’unanimité contre lui. Say s’ajoute aux contradicteurs de Sismondi dans son article qui paraît quelques mois plus tard dans la Revue encyclopédique, article dans lequel il se range au côté de Ricardo32. C’est très probablement à ces épisodes que Sismondi fait référence quand, dans l’avertissement à la seconde édition des Nouveaux Principes, il écrit qu’il se « séparai[t] des amis dont [il] partage les opinions politiques33 ». Sismondi ne trouve guère d’allié que chez Malthus. Ce dernier, cependant, dans ses Principes (1820), montre finalement plutôt une communauté de vue avec Ricardo, expliquant être

[…] de l’avis de M. Ricardo, en approuvant toute nouvelle économie dans le travail, et toute invention de machines ; mais c’est parce que je crois qu’elles tendent à augmenter le produit brut, et à donner plus d’emploi à une population croissante et à un capital plus considérable. Car si l’économie du travail était accompagnée des effets indiqués par M. Barton, dans l’exemple dont il se sert, je me joindrais à M. de Sismondi et à M. Owen pour la regarder comme une grande calamité34.

En 1836, Sismondi classe finalement Malthus parmi les industrialistes35 ses ennemis.

Sismondi est donc isolé parmi les économistes, dans un dialogue où chacun se sent incompris. Ainsi, Ricardo, dans une lettre à James Mill datée du 6 septembre 1819, écrit: « I have been reading Sismondi’s work – it is I think a very poor performance. In his attacks upon me he is not candid but misrepresents me in several instances36 ».

Les articles de 1820 et 1824 réunissent les différents griefs de Sismondi à l’égard des économistes anglais, griefs qui seront largement développés dans la seconde édition des Nouveaux Principes. Sismondi reproche essentiellement à l’école anglaise de faire abstraction du temps et de l’espace, et donc de tenir pour quantité négligeable les ajustements qui accompagnent la croissance économique. Reprenant une argumentation déjà esquissée dans son modèle mathématique de croissance présenté dans la Richesse commerciale, Sismondi admet trouver

[…] comme M. Ricardo [...] qu’à la fin de la circulation, si elle n’est nulle part arrêtée, la production aura créé une consommation ; mais c’est en faisant abstraction du temps et de l’espace, comme feraient les métaphysiciens allemands ; c’est en faisant abstraction de tous les obstacles qui peuvent arrêter cette circulation37.

Ainsi, le rythme de croissance de la richesse ne peut être éludé : si elle croît trop vite, elle devient contre-productive, c’est-à-dire qu’elle se fait au détriment du repos et du bien-être des classes laborieuses (et donc de la stabilité politique de la société tout entière). Un niveau élevé de croissance ne peut être obtenu qu’au prix du bonheur des classes inférieures (et par extension de la société tout entière, le premier étant la mesure du second), par exemple en remplaçant trop rapidement les hommes par des machines. Par conséquent, ce qui devrait être le but de la société (le bonheur) est sacrifié pour ce qui devrait en être le moyen (la richesse). Voici le sens de l’accusation de Sismondi envers l’école anglaise : à considérer la richesse abstraitement, l’économie politique a inversé fins et moyens.

Pour Sismondi, cette critique est indissociable de la question du salariat qui est la conséquence de la séparation du capital et du travail. Comme il l’affirme avec force, ces objections portent avant tout contre « l’organisation moderne de la société, organisation qui, en dépouillant l’homme qui travaille de toute autre propriété que celle de ses bras, ne lui donne aucune garantie contre une concurrence, une folle enchère dirigée à son préjudice et dont il doit nécessairement être la victime38 ».

Finalement, il défend une position libérale en arguant que la surproduction endémique n’est pas due au laisser-faire, mais à l’encouragement artificiel donné à la production et aux politiques néo-mercantilistes des États, encouragées par les économistes. Il demande donc au gouvernement (anglais notamment) de ne pas encourager l’accumulation et la croissance.

Le désaccord entre les économistes anglais et Sismondi sera destiné à perdurer ; et bien au-delà même de la seconde édition des Nouveaux Principes. Son recours à l’expérience historique (terrain sur lequel il a un avantage indéniable) et sa critique de la méthode ricardienne, bien que faits au nom du respect de la scientificité de l’économie politique, lui vaudront la réputation d’économiste compatissant et sentimental. De même, son appel au législateur, sa critique du laissez-faire, bien qu’entourés de mille précautions39, et malgré sa revendication d’un vrai-libéralisme, lui vaudront, à tort, une réputation d’interventionniste. Enfin, le simple fait d’avancer qu’on puisse produire trop restera un insoutenable paradoxe pour des économistes anglais fascinés, dans leur écrasante majorité, par les promesses de la révolution industrielle, incarnée par la manufacture de coton40. Que penser, en effet, d’un auteur qui écrit à propos de l’ouvrier anglais, dont l’habillement fait l’admiration des voyageurs, qu’il « aurait plus d’indépendance et plus de bonheur [...] à marcher nu-pieds ou en sabots, et à posséder une chaumière, quelques champs, un jardin et deux vaches, comme la plupart des paysans du continent41 » ?

Sismondi enfin refuse de proposer des solutions précises aux maux économiques et sociaux qu’il définit pourtant avec précision. Après avoir indiqué aux économistes qu’ils font fausse route, il avoue n’avoir « pas assez de confiance en [lui] pour leur indiquer quelle serait la véritable42 ». Cette position a été lue comme un aveu d’impuissance et, de fait, Sismondi n’a pas réussi à convaincre les économistes de dévier de leur route. On peut néanmoins créditer Sismondi d’une grande clairvoyance quand il écrit « avoir démontré que les maux que nous éprouvons sont la conséquence nécessaire des vices de notre organisation, et qu’ils ne sont pas près de finir43 ». S’il refuse pourtant d’y apporter des réponses, c’est peut-être justement afin de donner toute sa place à ce questionnement.

Publiée en mars 1819, la première édition des Nouveaux Principes, tirée à 2000 exemplaires, ayant été épuisée en un peu plus de cinq ans, Sismondi s’attelle rapidement à une seconde édition. Très occupé par son travail d’historien (l’interminable Histoire des Français et la réédition de son Histoire des républiques italiennes du Moyen Âge), il met à profit un séjour de mai à août 1826 en Angleterre pour mener à bien la révision de son ouvrage. Une fois encore, la relation intellectuelle entre les écrits de Sismondi et l’Angleterre et les économistes anglais est très étroite.

Ce séjour le fait retourner en Angleterre pour la première fois depuis le printemps 1819 et le trouve constamment sur les routes de Londres (où il passe trois semaines) à Édimbourg pour rejoindre, via Glasgow, Liverpool et Manchester puis Londres à nouveau via York. Ces trois mois lui permettent de rencontrer nombre d’hommes politiques et économistes britanniques, de se plonger dans les débats en cours en Angleterre (notamment sur les corn laws), d’assister à une session du Parlement, et de publier dans des journaux et revues britanniques44. Lors de son passage en Écosse, et dans le cadre d’une soirée réunissant les éditeurs de l’Edinburgh Review (Thomas Thomson et Macvey Napier) ainsi que William Hamilton, il rencontre John McCulloch, représentant par excellence de l’école anglaise, avec lequel il a une passe assez vive sur l’un de ses sujets de prédilection : la division des propriétés foncières45. De retour à Londres, il séjourne à nouveau chez son beau-frère James Mackintosh.

Sismondi quitte finalement l’Angleterre le 19 août pour rejoindre Paris où il séjourne jusqu’à la mi-novembre, occupé à corriger les épreuves de la seconde édition des Nouveaux Principes, qui sortent de presse le 1er novembre 1826. L’arrière-plan britannique influence largement Sismondi dans la rédaction de cette deuxième édition. De nombreux ajouts font référence au contexte anglais et écossais. Hasard du calendrier, le voyage de Sismondi a lieu au beau milieu d’une grave crise économique, initiée en partie par une crise bancaire en Écosse. Mais au-delà de ces circonstances, on peut souligner que, entre les deux éditions des Nouveaux Principes, presque tous les articles d’économie politique de Sismondi concernent de près ou de loin l’Angleterre.

C’est donc sans surprise que l’avertissement à la seconde édition contient un long descriptif des affres dans lesquelles est plongée la société anglaise. Cela confirme que Sismondi considère le modèle anglais (susceptible ou non d’être imité sur le Continent) comme une question primordiale. La réponse de Sismondi est connue : la voie anglaise est une voie à ne pas suivre. Comme il l’écrit à la même époque : « Je regarde comme une fatale direction à donner aux efforts d’un peuple, celle de devenir les manufacturiers de l’univers46 ». C’est avant tout sur ce point qu’il souhaite attirer l’attention des économistes anglais, à ses yeux coupables, d’encourager les autres nations à s’engager dans cette direction qui ne considère la richesse que de manière abstraite. Ses multiples tentatives se solderont néanmoins par un échec et, plus encore en Angleterre qu’en France, ses écrits sombreront rapidement dans un oubli presque total. Et ce n’est qu’avec Marx que ce purgatoire intellectuel sera partiellement levé.

Cela n’est peut-être pas, en effet, une surprise si, avec Ricardo, Sismondi est le seul économiste à être cité dans le Manifeste du Parti communiste. Marx aurait-il ainsi tenté de réconcilier Sismondi avec Ricardo et les autres économistes anglais ?

Et cela pourrait aussi être une autre (modeste !) surprise dans la généalogie des idées économiques que de réaliser que, des premiers commentaires de Germaine de Staël sur la Richesse commerciale aux derniers écrits des années 1840, en passant par la dernière rencontre à Coppet avec Ricardo en 1822, l’opposition systématique de Sismondi à l’école chrématistique anglaise et l’évolution radicale de son concept de marché sont peut-être dues à la lanterne magique47 du groupe de Coppet qui a éclairé toute sa carrière d’économiste.

1 Terme emprunté par Sismondi à Aristote pour décrire une économie politique exclusivement axée sur l’accumulation des richesses.

2 Voir par exemple, Pascal Bridel, « Une économie politique dans le temps et l’espace : l’exemple de la théorie des prix », Il Pensiero economico

3 Il s’agit sans doute de la cinquième édition en trois volumes parue à Londres en 1789 chez Strahan & Cadell. Francesca Sofia, Una Biblioteca gin

4 Jean-Rodolphe de Salis, Sismondi, 1773-1842, La vie et l’œuvre d’un cosmopolite philosophe [1932], Genève, Slatkine, 1973, I, p. 24.

5 Voir par exemple Tableau de l’agriculture toscane et autres écrits, Œuvres économiques complètes, I, Paris, Economica, 2018, p. 120-121.

6 De la Richesse commerciale ou Principes d’économie politique appliqués à la législation des douanes, Œuvres économiques complètes, II, Paris

7 Ibid., p. 11 ; voir également p. 271.

8 Ibid., p. 8.

9 Ibid., p. 316.

10 Ibid., p. 189.

11 Ibid., p. 146.

12 Ibid., p. 205 et p. 207.

13 Richesse commerciale, p. 7.

14 Nouveaux Principes d’économie politique ou De la richesse dans ses rapports avec la population, Œuvres économiques complètes, V, Paris, Economica

15 Biancamaria Fontana, Rethinking the Politics of Commercial Society : the Edinburgh Review, 1802-1832, Cambridge, Cambridge University Press, 1985

16  Qui ne sera publié qu’en 1825. Sur l’histoire compliquée de cet article, voir l’introduction des éditeurs à « Économie politique », in Écrits d’

17 James Mackintosh (1765-1832), historien, philosophe politique et politicien whig écossais. Appartient au groupe d’intellectuels des Lumières

18 Lettre datée du 18 mars 1819, Epistolario, éd. Carlo Pellegrini, Florence, La Nuova Italia, 1933-1975, IV, p. 41.

19 Nouveaux Principes, p. 15.

20 Epistolario, II, p. 390.

21 David Ricardo, The Works and Correspondence of David Ricardo, éd. Piero Sraffa et Maurice H. Dobb, Cambridge, Cambridge University Press, 1951-1973

22 John Ramsay McCullloch in Works and Correspondence, VIII, p. 24-25.

23 Works and Correspondence, VIII, p. 57.

24 Nicolas Eyguesier, « Trois lettres de Sismondi à Jean-Baptiste Say », in Sismondi. Républicanisme moderne et libéralisme critique, éd. Pascal

25 Voir la recension de Sismondi du pamphlet de Say intitulé « De l’Angleterre et des Anglais », in Écrits d’économie politique 1816-1842, Œuvres

26 Ibid., p. 221.

27 Nouveaux Principes, p. 453. Une superbe anticipation du Poverty in plenty de Keynes durant les années Trente : John Maynard Keynes, « Poverty in

28 Jean-Baptiste Say, « Sur la balance des consommations avec les productions », Revue encyclopédique, XXIII, 1824, p. 18-31.

29 « Examen de cette question : le pouvoir de consommer s’accroît-il dans la société avec le pouvoir de produire ? », in Écrits d’économie politique

30 Sismondi, « Sur la balance des consommations avec les productions », reproduit en annexe aux Nouveaux Principes, p. 519-543.

31 Ricardo rapporte ainsi le débat avec Sismondi : « M. Sismondi, who has published a work on Political Economy, and whose views are quite opposed to

32 Jean-Baptiste Say, « Sur la balance des consommations avec les productions ». La réponse de Sismondi à l’article de Say se trouve dans l’annexe à

33 Nouveaux Principes, p. 3.

34 Thomas R. Malthus, Principes d’économie politique, Paris, Aillaud, 1820, II, p. 144, note. Il s’agit de la traduction M. F. S. Constancio.

35 « Malthus était [...] persuadé, avec toute l’école d’où il était sorti, que la grande 
Cause efficiente de la richesse c’était de produire toujours

36 Works and Correspondence, VIII, p. 57 ; voir également p. 80. Ricardo pouvait cependant montrer une certaine estime pour Sismondi. Dans une lettre

37 Écrits d’économie politique 1816-1842, p. 303.

38 Ibid., p. 307.

39 « Lettre à M. Julien », Ibid., p. 439-442.

40 « When he contends that the abundance of production caused by machinery, and by other means, is the cause of the unequal distribution of property

41 Nouveaux Principes, p. 470, note 4.

42 Ibid., p. 538.

43 Ibid., p. 547.

44 Voir « On the Corn Laws », in Écrits d’économie politique 1816-1842, p. 379-389, texte qui montre Sismondi prenant directement part au débat en

45 « McCulloch a la réputation d’être rude et méprisant dans ses manières. Il a un petit regard de côté qui va chercher l’approbation de ses voisins

46 Lettre de Sismondi à Edward Baines du 16 juillet 1826, West Yorkshire Archive Service, Leeds, WYL 383/49/6.

47 « C’en est donc fait de ce séjour où j’ai tant vécu, où je me croyais si bien chez moi ! C’en est fait de cette société vivifiante, de cette

1 Terme emprunté par Sismondi à Aristote pour décrire une économie politique exclusivement axée sur l’accumulation des richesses.

2 Voir par exemple, Pascal Bridel, « Une économie politique dans le temps et l’espace : l’exemple de la théorie des prix », Il Pensiero economico italiano, XXV/2, 2017, p. 19-24.

3 Il s’agit sans doute de la cinquième édition en trois volumes parue à Londres en 1789 chez Strahan & Cadell. Francesca Sofia, Una Biblioteca ginevrina del Settecento : I libri del giovane Sismondi, Rome, Edizioni dell’Ateneo e Bizzarri (Istituto di Storia Moderna, Facoltà di Lettere e Filosofia, Università di Roma, 11), 1983, p. 134.

4 Jean-Rodolphe de Salis, Sismondi, 1773-1842, La vie et l’œuvre d’un cosmopolite philosophe [1932], Genève, Slatkine, 1973, I, p. 24.

5 Voir par exemple Tableau de l’agriculture toscane et autres écrits, Œuvres économiques complètes, I, Paris, Economica, 2018, p. 120-121.

6 De la Richesse commerciale ou Principes d’économie politique appliqués à la législation des douanes, Œuvres économiques complètes, II, Paris, Economica, 2012, p. 45.

7 Ibid., p. 11 ; voir également p. 271.

8 Ibid., p. 8.

9 Ibid., p. 316.

10 Ibid., p. 189.

11 Ibid., p. 146.

12 Ibid., p. 205 et p. 207.

13 Richesse commerciale, p. 7.

14 Nouveaux Principes d’économie politique ou De la richesse dans ses rapports avec la population, Œuvres économiques complètes, V, Paris, Economica, 2015, p. 4.

15 Biancamaria Fontana, Rethinking the Politics of Commercial Society : the Edinburgh Review, 1802-1832, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, p. 70.

16  Qui ne sera publié qu’en 1825. Sur l’histoire compliquée de cet article, voir l’introduction des éditeurs à « Économie politique », in Écrits d’économie politique 1799-1815, Œuvres économiques complètes, III, Paris, Economica, 2012, p. 25-34.

17 James Mackintosh (1765-1832), historien, philosophe politique et politicien whig écossais. Appartient au groupe d’intellectuels des Lumières écossaises attaché au nom de Dugald Stewart, professeur de philosophie morale à Edimbourg. Très impliqué dans la conception et l’édition de l’Edinburgh Review et de l’Encyclopaedia Britannica durant les années 1790-1815. Beau-frère de Sismondi.

18 Lettre datée du 18 mars 1819, Epistolario, éd. Carlo Pellegrini, Florence, La Nuova Italia, 1933-1975, IV, p. 41.

19 Nouveaux Principes, p. 15.

20 Epistolario, II, p. 390.

21 David Ricardo, The Works and Correspondence of David Ricardo, éd. Piero Sraffa et Maurice H. Dobb, Cambridge, Cambridge University Press, 1951-1973, VIII, p. 22.

22 John Ramsay McCullloch in Works and Correspondence, VIII, p. 24-25.

23 Works and Correspondence, VIII, p. 57.

24 Nicolas Eyguesier, « Trois lettres de Sismondi à Jean-Baptiste Say », in Sismondi. Républicanisme moderne et libéralisme critique, éd. Pascal Bridel et Béla Kapossy, Genève, Slatkine, 2013, p. 231.

25 Voir la recension de Sismondi du pamphlet de Say intitulé « De l’Angleterre et des Anglais », in Écrits d’économie politique 1816-1842, Œuvres économiques complètes, IV, Paris, Economica, 2015, p. 17-22.

26 Ibid., p. 221.

27 Nouveaux Principes, p. 453. Une superbe anticipation du Poverty in plenty de Keynes durant les années Trente : John Maynard Keynes, « Poverty in Plenty : Is the Economic System Self-adjusting ? » in Collected Writings, XIII, Cambridge, Cambridge University Press, 1973, p. 485-492.

28 Jean-Baptiste Say, « Sur la balance des consommations avec les productions », Revue encyclopédique, XXIII, 1824, p. 18-31.

29 « Examen de cette question : le pouvoir de consommer s’accroît-il dans la société avec le pouvoir de produire ? », in Écrits d’économie politique 1816-1842, p. 205-223.

30 Sismondi, « Sur la balance des consommations avec les productions », reproduit en annexe aux Nouveaux Principes, p. 519-543.

31 Ricardo rapporte ainsi le débat avec Sismondi : « M. Sismondi, who has published a work on Political Economy, and whose views are quite opposed to mine, was on a visit at the Duke’s house [Victor de Broglie portait le titre de duc]. M. Sismondi advanced his peculiar opinions, which were combated by the Duke and me – but the difficult part of the contest fell chiefly on the Duke, who defended our common principles so well that it appeared to me Monsr Sismondi had no chance with him », Lettre de Ricardo à Trower, 14 décembre 1822, Works and Correspondence, IX, p. 243.

32 Jean-Baptiste Say, « Sur la balance des consommations avec les productions ». La réponse de Sismondi à l’article de Say se trouve dans l’annexe à la deuxième édition des Nouveaux Principes, sous le titre « Notes sur l’article de M. Say intitulé “Balance des consommations avec les productions” », Nouveaux Principes, p. 545-547.

33 Nouveaux Principes, p. 3.

34 Thomas R. Malthus, Principes d’économie politique, Paris, Aillaud, 1820, II, p. 144, note. Il s’agit de la traduction M. F. S. Constancio.

35 « Malthus était [...] persuadé, avec toute l’école d’où il était sorti, que la grande 
Cause efficiente de la richesse c’était de produire toujours plus et toujours plus vite, que les nations devaient de toute leur puissance activer l’industrialisme », Études sur les sciences sociales, Œuvres économiques complètes, VI, Paris, Economica, 2018, p. 292-293.

36 Works and Correspondence, VIII, p. 57 ; voir également p. 80. Ricardo pouvait cependant montrer une certaine estime pour Sismondi. Dans une lettre datée du 14 décembre 1822 (déjà citée plus haut), il écrit néanmoins : « Notwithstanding my difference with Monsr Sismondi, on the doctrines of Political Economy, I am a great admirer of his talents, and I was very impressed by his manners – I did not expect from what I had seen of his controversial writings to find him so candid and agreeable », Works and Correspondence, IX, p. 243.

37 Écrits d’économie politique 1816-1842, p. 303.

38 Ibid., p. 307.

39 « Lettre à M. Julien », Ibid., p. 439-442.

40 « When he contends that the abundance of production caused by machinery, and by other means, is the cause of the unequal distribution of property, and that the end he has in view cannot be accomplished while this abundant production continues, he, I think, entirely misconceives the subject, and does not succeed in shewing the connection of this premises with his conclusion », lettre de Ricardo à Trower, 14 décembre 1822, Works and Correspondance, IX, p. 243-244.

41 Nouveaux Principes, p. 470, note 4.

42 Ibid., p. 538.

43 Ibid., p. 547.

44 Voir « On the Corn Laws », in Écrits d’économie politique 1816-1842, p. 379-389, texte qui montre Sismondi prenant directement part au débat en cours en Angleterre durant l’été 1826. Il intervient aussi, au moyen de deux articles parus dans le Times et le Representative, dans le débat concernant un soutien éventuel du gouvernement anglais à la Grèce après la chute de Missolonghi. Voir Epistolario, IV, p. 444.

45 « McCulloch a la réputation d’être rude et méprisant dans ses manières. Il a un petit regard de côté qui va chercher l’approbation de ses voisins quand il croit avoir mis son adversaire dans l’embarras, qui me piqua. Je crois que j’eus complètement l’avantage sur lui dans la dispute », lettre à Jessie Allen datée du 11 août 1826, Epistolario, V, p. 304.

46 Lettre de Sismondi à Edward Baines du 16 juillet 1826, West Yorkshire Archive Service, Leeds, WYL 383/49/6.

47 « C’en est donc fait de ce séjour où j’ai tant vécu, où je me croyais si bien chez moi ! C’en est fait de cette société vivifiante, de cette lanterne magique du monde que j’ai vu s’éclairer là pour la première fois et où j’ai appris tant de choses ! », lettre de Sismondi à sa mère au lendemain de la mise au tombeau de G. de Staël en juillet 1817, Lettres inédites de J. C. L. de Sismondi, de M. de Bonstetten, de Madame de Staël et de Madame de Souza à Madame la comtesse d’Albany, éd. Saint-René Taillandier, Paris, Michel Lévy, 1863, p. 36.

Pascal Bridel

Université de Lausanne.