… Les spirituels commérages de madame Geoffrin, les monologues éloquents de madame de Staël, le charme de la société d’Auteuil de madame Helvétius ou de madame Récamier n’auraient pas changé le monde, encore moins les femmes scribes, la plume infatigable de madame de Genlis.
Au total, femme excellente, d’un bon cœur et d’un grand talent, qui, peut‑être, sans les salons, sans les amitiés médiocres, sans les misères du monde parleur, du monde scribe, eut du génie…
Jules Michelet, Les femmes de la révolution, chapitre 2.
On imagine volontiers les monologues intérieurs de Germaine de Staël, les argumentaires et les plaintes, les fictions et les sentiments. Il suffit de lire quelques‑unes de ses correspondances pour entendre son discours intime. Mais le monologue intérieur n’implique pas l’éloquence, laquelle indique une extériorité, un public. Ces deux termes, joints par Michelet pour la distinguer de ses contemporaines, commères ou scribes, obligent à la considérer dans sa singularité. Même sans génie, dit l’historien, elle surpasse, par son talent, les femmes de son temps. L’adjectif « éloquent » nous indique clairement, et surtout nous rappelle, que tout monologue se tient sur une scène, dans un espace où il y a du public. Le monologue éloquent n’est ni la conversation, ni le dialogue. Il s’énonce sur une scène, scène de théâtre, scène de la vie publique, scène de l’Histoire. « Le théâtre du monde » est l’image clé de l’introduction de De l’Influence des passions. L’expression de Michelet semble donc adéquate. C’est à un monologue lumineux et convaincant que Germaine de Staël nous convoque dans une représentation où elle tient son rôle de personnage, autant que de figure historique. Et c’est là sans doute que Michelet la juge : elle a du talent, elle est une autrice de théâtre, doublée d’une magnifique comédienne sur scène. Mais elle n’est pas une créatrice au sens strict, elle n’est pas un génie.
Le monologue éloquent se distingue, dit‑il, du monde parleur et du monde scribe, où il range quelques femmes célèbres de la Révolution. Entre le parleur et le scribe, la bavarde et la copiste, s’exerce donc le talent de cette femme qui brille. On mesure le cadeau qu’il lui fait à la pertinence de l’image qu’il propose. D’autres écrivains souligneront l’importance de la parole, de sa parole, mais pour la mettre en déséquilibre parmi les écrivains de son temps, façon, justement, de conjurer son « talent ». Le vicomte de Bonald note que la Révolution a développé en France « l’art de parler sous toutes les formes », il souligne que Germaine de Staël y a excellé, mais c’est pour conclure à sa limite :
Ses écrits ne sont en général que ses conversations, et comme ils en ont tout le brillant, ils en ont aussi toute la précipitation2.
Monologue et éloquence : Germaine de Staël a elle‑même tenté de qualifier la place où elle se tient sur la scène du « théâtre du monde » : des Réflexions sur le procès de la reine aux Dix années d’exil, du début jusqu’à la fin de sa vie littéraire, elle se place face à une salle fictive, une audience possible. Le monologue est donc une adresse qui réunit le plateau et la salle de théâtre. Le spectateur est associé à la scène. Ainsi, pour défendre la reine, elle ne sera pas « jurisconsulte… Les mots de plaidoyer, de preuve, de jugement » ne feront pas l’affaire. Il faut, en revanche,
parler à l’opinion, analyser la politique, raconter ce que j’ai vu, ce que je sais de la reine, et représenter les suites affreuses qu’aurait sa condamnation3.
Pas de dissertation savante mais une représentation vivante, celle d’un moment où le personnage, solitaire, suspend l’action pour à la fois résumer et anticiper, ici, ce qu’elle a vu de la reine et ce qu’elle imagine lui arriver. Or, tenir un discours singulier ne va de soi. Un monologue ne se récite pas simplement, comme un texte déjà appris et répété. On invente au fur à mesure et ce n’est pas si courant. Dans la préface de 1814 pour la réédition des Lettres sur les écrits et le caractère de Jean‑Jacques Rousseau, Germaine de Staël tient à marquer le travail qui sous‑tend le monologue, la respiration de l’air vif :
Dans la classe élégante et oisive, les habitudes qu’on prend dessèchent le cœur si l’on n’y supplée point par des études vivifiantes… si vous ne respirez pas enfin l’air dans une région plus vaste, vous n’êtes qu’une poupée bien apprise, qui chante toujours sur le même ton, lors même qu’elle change de paroles4.
Dans la « région plus vaste » que celle des leçons trop bien apprises, dans le « théâtre du monde », on ne répète pas ; on improvise, pour y enflammer les passions. La petite fille éduquée dans un grand salon de son époque mouvementée y a appris à ne pas se contenter des convenances et des apparences. Certes, elle ne risquait pas, dans le salon de sa mère, d’apprendre à discourir comme un automate. Restait, cependant, à exercer sa critique en choisissant avec exigence où se placer sur la scène. Elle le dit dans Dix années d’exil où, regardant en arrière, elle réfléchit à son lieu d’énonciation dans le « vaste tableau » de la Révolution :
Jetant […] quelques regards sur l’ensemble, je me flatte de me faire souvent oublier en racontant ma propre histoire5.
N’est‑ce pas le propre du monologue que de se dédoubler entre soi et le récit ? Raconter l’histoire, raconter son histoire sans y paraître : le monologue a vocation à devenir universel, à parler de tous en parlant de soi. Cela demande une certaine audace, puiser en soi le courage de parler seul tout en prenant le public à témoin, trouver en soi le texte commun sans recourir à la conversation. C’est bien plus difficile qu’une simple narration, ou qu’un dialogue construit à deux. C’est à partir de cette solitude qu’elle s’adresse à tous. Est‑ce le moment d’y voir ce dont Germaine de Staël nous parle si souvent, la solitude du personnage parlant sur la scène si vaste du monde ? Oui, mais si on n’oublie pas que la scène théâtrale comme telle lui importe et qu’elle souhaite la mettre en valeur, la démultiplier à travers l’Europe. Dans son Essai sur les traductions, elle insiste sur la nécessité de faire circuler les auteurs dramatiques :
Le théâtre est vraiment le pouvoir exécutif de la littérature6.
Le « pouvoir exécutif » implique une efficacité possible, une « émulation active », ajoute‑t‑elle. C’est une lourde charge politique. Ce pouvoir du théâtre s’applique‑t‑il au monologue, doublé d’éloquence, que Michelet reconnaît à Germaine de Staël? Ses monologues sont éloquents, mais sont‑ils convaincants ? L’éloquence appelle l’improvisation brillante, mais peut‑elle emporter l’adhésion ? Ses contemporains la placent, sans hésiter, à cet endroit. Schlegel la décrit comme « un fleuve éloquent7 » et, plus tard, Sainte‑Beuve perçoit sa défense de la reine comme un « cri d’éloquence8 ». Sophie Gay résume ainsi la chose :
La répétition de ces plaidoyers en faveur de la liberté se faisait le soir, en causant avec Mme de Staël. Les plus adroits de ces orateurs étaient ceux qui lui dérobaient le plus d’idées et de mots ; la plupart sortaient de chez elle avec un discours tout fait pour le lendemain et, ce qui était plus encore, avec la résolution de le prononcer, acte courageux qui n’était pas moins son ouvrage9.
L’éloquence fait alors débat mais on s’accorde à y voir un signe de rupture, rupture avec le siècle précédent. Sous la plume de Lamartine, qui y voit l’alliance de la raison et du sentiment après l’esprit géomètre du XVIIIe siècle, l’éloquence est un parti pris philosophique10. Michelet n’emploie donc pas cet adjectif sans raison. Quant à Germaine de Staël, elle consacre à l’éloquence un chapitre entier, le dernier, dans De la littérature11.
Mais d’abord, commençons par distinguer, en ce qui concerne les femmes, c’est‑à‑dire elle‑même, l’éloquence de l’influence :
Je crois fermement que dans l’Ancien Régime, où l’opinion exerçait un si salutaire empire, cet empire était l’ouvrage des femmes distinguées par leur esprit et leur caractère : on citait souvent leur éloquence quand un dessein généreux les inspirait, quand elles avaient à défendre la cause du malheur, quand l’expression d’un sentiment exigeait du courage et déplaisait au pouvoir… Elles avaient sans doute, dans l’Ancien Régime, trop d’influence sur les affaires12.
Ainsi, l’éloquence des femmes d’Ancien Régime allait avec leur indépendance et leur fierté naturelle, tandis que l’influence fut une position politique historiquement problématique.
Arrêtons‑nous un instant sur cette notion d’influence : elle est théorisée, par exemple, par le médecin philosophe Julien‑Joseph Virey comme un « dédommagement13 » offert aux femmes de la monarchie, compensation séculaire à leur exclusion du pouvoir politique. Or le dédommagement de l’exclusion ne peut pas intéresser Germaine de Staël. Certes, ce fut une fonction régulatrice pendant la monarchie, ce sera aussi, bientôt, un dédommagement dans la société post révolutionnaire… Par exemple, le comte de Ségur et Madame de Genlis repensent alors, chacun, l’influence des femmes au début du XIXe siècle ; et ce sont même leurs titres de livre14. Car il est vrai que cette place d’influence permet de supporter l’exclusion renouvelée des femmes face à la citoyenneté masculine et plus tard dans les républiques à venir.
Mais Germaine de Staël n’a aucune raison, personnelle ou politique, de s’intéresser à l’influence historique des femmes. Pire encore, le moment révolutionnaire l’a alourdie de fautes multiples. Car cette influence n’avait plus de boussole à la fin de l’Ancien Régime. Elle faisait des femmes des responsables, voire aussi des coupables :
Si, pour comble de malheur, c’était au milieu des dissensions politiques qu’une femme acquit une célébrité remarquable, on croirait son influence sans bornes alors même qu’elle n’en exercerait aucune15.
On l’accuserait, on la haïrait, écrit‑elle encore. Elle serait une coupable idéale. L’argument de la culpabilité des femmes lors d’un désordre politique relève presque de l’anthropologie historique tant il apparaît dans des contextes divers.
C’est pourquoi il vaut mieux s’attarder sur l’éloquence conquise par les femmes, éloquence qui l’emporte sur l’influence qu’on leur accorde. Le discours éloquent aura des effets (tel le « pouvoir exécutif » du théâtre), mais il n’est pas une fonction, telle l’influence, « dédommagement dû à leur exclusion ». Il est le signe d’une autonomie de l’expression quand l’influence n’est qu’une faculté de médiation. C’est pourquoi l’éloquence, privilégiée par ses potentialités, appartient aux deux sexes et c’est là que Germaine de Staël se retrouve.
Alors, nous comprenons que l’éloquence s’associe au monologue. Le chapitre sur l’éloquence, à la toute fin de De la littérature est explicite :
Dans les pays libres, la volonté des nations décidant de leur destinée politique, les hommes recherchent et acquièrent au plus haut degré les moyens d’influer sur cette volonté ; et le premier de tous, c’est l’éloquence16.
On ne saurait mieux dire : « influer sur la volonté des nations » ne renvoie pas à la notion de médiatrice du politique, attribuée aux femmes. « Influer » est au cœur même du politique, c’est un rôle qui appartient à tous et probablement aux hommes d’abord. Au service de l’influence, ici repensée, l’éloquence apparaît comme la meilleure des stratégies. Perfectionner l’éloquence, en ces temps troublés, est une tâche nécessaire pour l’exercice d’une véritable influence. Car les discours sont malheureusement devenus « un mot d’ordre » et on a vu
la parole marcher sans la pensée, sans le sentiment, sans la vérité, comme une espèce de litanie, comme si l’on exorcisait, avec des phrases convenues, l’éloquence et la raison17.
Si je résume, il faut retrouver l’éloquence, l’éloquence alliée à la raison comme moyen d’influence, et par conséquent l’éloquence comme alliée de la vérité. « Tout ce qui est éloquent est vrai18 » ; ou l’éloquence est « le son pur de la vérité19 » ; ou encore « on ne peut être éloquent dès qu’il faut s’abstenir de la vérité20 ». Comment trouver cette vérité? Sont énumérées alors plusieurs sources de vérités, à commencer par la morale, puis la précision mathématique, « la langue de la logique21 » garante de profondeur. « La force dans les discours ne peut être séparée de la mesure22 ». La mesure évite la confusion, la « mêlée ». Puis le raisonnement, celui qui dénature, ne doit pas être séparé du sentiment.
L’éloquence ayant toujours besoin du mouvement de l’âme, ne s’adresse qu’aux sentiments des hommes, et les sentiments de la multitude sont toujours pour la vertu23.
On le voit, Germaine de Staël est soucieuse de restituer la valeur de l’éloquence, sans doute après les errements de la Révolution. Lamartine a eu raison de souligner la nécessité de l’alliance entre raison et sentiment, propre à toute éloquence. Mais ce qu’il appelait un parti‑pris philosophique est explicité par l’autrice, quand elle conclut au partage pour tous. Là réside l’avenir.
Ce n’est que par l’éloquence que les vertus d’un seul deviennent communes à tous ceux qui l’entourent24.
Le « talent de la parole25 », cette expression finale sous sa plume rejoint le « monologue éloquent » dont la qualifie Michelet. Ce talent de la parole, qui ne triche pas avec la vérité, est ce qui permet le passage à l’universel ; par le partage avec tous. L’éloquence est ce qui fait lien entre l’unique orateur et la foule comme le monologue fait lien entre la scène et la salle de théâtre. Ce lien, entre une singularité capable d’un « monologue éloquent » et la rupture révolutionnaire, invite démocratiquement tous les êtres d’une société. Telle est l’une des originalités philosophiques de la pensée de Germaine de Staël : l’éloquence, expression d’une singularité intouchable, est par là‑même disposée au partage. Sa notice Aspasie écrite pour la Biographie universelle de Michaud décrit un « orateur26 » qui avait de l’ »ascendant ». On trouve aussi sous sa plume le mot « emprise ». Remarquons, au passage, que ces mots, « ascendant » et « emprise », sonnent bien plus fort que celui d’influence !
Dans une république, la politique étant le premier intérêt de tous les hommes, ils ne seraient point associés du fond de l’âme avec les femmes qui ne partageraient pas cet intérêt. Aspasie s’occupa donc d’une manière remarquable de l’art des gouvernements, et en particulier de l’éloquence, l’arme la plus puissante des pays libres27.
Et ainsi, dans notre propos, se noue l’éloquence comme « art des gouvernements » avec le théâtre précédemment reconnu comme « pouvoir exécutif ».
Le monologue éloquent de Germaine de Staël, c’est donc cela : un art du gouvernement exécutif. Place plus intéressante, pour une femme, en république qu’en monarchie. Dans ses oppositions entre les deux régimes, elle a varié les analyses, mais toujours préféré le régime à venir, la république. Soutenue par la logique de l’affirmation, de soi‑même et par soi‑même, Germaine de Staël assume, ou plutôt incarne, une figure du passage entre deux mondes politiques.
On me raconte qu’il y eut cet automne, sur les bords du lac, la réunion la plus étonnante ; c’étaient les états généraux de l’opinion européenne… Ai‑je besoin de nommer le personnage étonnant qui était comme l’âme de cette grande assemblée ? À mes yeux ce phénomène s’élève jusqu’à l’importance politique. (Stendhal, 6 août, Rome, Naples, Florence)
Dans ce cas, Germaine de Staël est bien plus qu’une femme célèbre, elle dessine un espace politique où elle se meut avec science. Certes, c’est une femme remarquable et, à ce titre, elle est une exception au regard des femmes de son temps. Lors d’un travail déjà ancien, Muse de la raison28, je m’interrogeais sur le statut d’exception, sur « la politique de l’exception » que représentaient aussi bien Germaine de Staël que sa contemporaine Constance de Salm. Cette « politique de l’exception » indiquait une réalité propre à la vie de ces femmes mais aussi rapportée à leurs écrits. Du côté de la vie, en effet, une femme d’exception, au moment de la Révolution, n’est pas simplement une femme illustre. Elle est nécessairement impliquée dans l’histoire des femmes au pluriel. Comment ? C’est là où les chemins de ces deux écrivaines se séparent. Constance de Salm plaide pour l’égalité, en politique comme dans les arts, quand Germaine de Staël, penseuse de la liberté, fait le lien entre la singularité d’une femme, politique ou artiste, et l’ensemble des femmes, tout en acceptant la hiérarchie entre femmes. Pour la première, une égale toutes, pour la seconde, une vaut pour toutes. Dans les deux cas, l’important c’est le rapport entre l’exception et la règle ; rapport d’égalité, ou rapport de liberté, c’est là que se fait la différence, mais dans une problématique commune.
Les deux romans de Germaine de Staël illustrent l’exception dans la règle, et l’exception contre la règle: Delphine est l’histoire d’une femme qui pourrait être toutes les femmes, histoire d’amour et de divorce, alors question éminemment politique ; et Corinne est le témoignage d’une artiste, d’une femme loin de l’image de toutes les femmes. Entre ces deux héroïnes littéraires, Germaine de Staël fait le lien comme elle le fera sans cesse dans ses écrits : une veut dire toutes, et une n’existe pas sans l’ensemble des femmes. Ainsi dans son chapitre, dans De la littérature, sur « les femmes qui cultivent les lettres », elle commence par parler de toutes les femmes, « ni dans l’ordre de la nature, ni dans l’ordre de la société » et elle termine par la femme d’exception, telle « les parias de l’Inde29 ». Les unes ne se pensent pas sans les autres. Et une est une parmi toutes les autres, singulière comme héroïne de roman, exemplaire comme représentative de la condition des femmes. Étonnamment donc, elle parle au singulier et au pluriel en même temps.
Elle monologue et elle est seule, elle monologue et son éloquence emporte l’adhésion de beaucoup si ce n’est de tous. C’est pourquoi elle n’est pas une héroïne. Sa singularité ne délivre pas de figure exemplaire ; plutôt une référence remarquable pour le siècle qui va suivre. Elle incarne, cependant, une figure historique et on dira alors qu’elle est emblématique de ces femmes qui profitèrent de la rupture historique que fut la Révolution et qui nous apparaissent aujourd’hui exceptionnelles.
De là s’exprime la déception de Charles Fourier qui adresse, à elle et à quelques autres femmes remarquables de l’époque, ce reproche : celui de s’être trop occupées d’elles‑mêmes, d’avoir voulu « singer le maître » en recherchant la « banale gloire de composer un livre ».
Les femmes avaient à produire, non pas des écrivains, mais des libérateurs, des Spartacus politiques, des génies qui concertassent les moyens de tirer leur sexe d’avilissement30.
En effet, il n’y a pas eu de Spartacus féminin et « le théâtre du monde » reste un théâtre ; un lieu de vérité ; rien de plus.