“La fierté avec laquelle j’ose vous attribuer cette qualité d’ami1” : Zacharias Werner et August Wilhelm Schlegel à Coppet

Sabine Gruber et Ralph Zade

p. 103-121

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Sabine Gruber et Ralph Zade, « “La fierté avec laquelle j’ose vous attribuer cette qualité d’ami” : Zacharias Werner et August Wilhelm Schlegel à Coppet », Cahiers Staëliens, 66 | 2016, 103-121.

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Sabine Gruber et Ralph Zade, « “La fierté avec laquelle j’ose vous attribuer cette qualité d’ami” : Zacharias Werner et August Wilhelm Schlegel à Coppet », Cahiers Staëliens [En ligne], 66 | 2016, mis en ligne le 15 avril 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://cahiersstaeliens.edinum.org/122

L’occasion qui déclencha l’arrivée de Zacharias Werner dans le groupe de Coppet n’aurait pas pu être plus prestigieuse, ni la personne qui le présenta à Germaine de Staël. G. de Staël et Werner se rencontrèrent le 18 août 1808 par l’intermédiaire du dauphin bavarois Ludwig à Interlaken, lors de la célébration des cinq cents ans du Serment du Grütli2. Dès le lendemain, Werner dînait avec G. de Staël et ses deux enfants, Auguste et Albertine3. Dans son journal, après avoir dressé la liste des personnalités qui participaient à la fête, il ne faisait qu’une brève référence à cette rencontre qui devait devenir si importante pour lui :

Promenade à la taverne à Interlachen, puis au château …. Le dauphin et ses accompagnateurs, l’envoyé bavarois, le prince de Neuwied, von Schönburg, le baron Romberg, deux demoiselles d’honneur, le général et landaman Watewyl, …. Le temps, qui a toujours été pluvieux, s’éclaircit, procession au champ de foire, amphithéâtre merveilleux orné avec des gens innombrables, discours ennuyeux de l’aman d’Interlachen, lancement de pierres, balançoire, course, le prince de Bavière me présente à Mme de Staël4 [...].

Le jour suivant, il notait ses impressions d’une manière plutôt concise, soulignant néanmoins que G. de Staël le trouvait « très aimable5 ». Le jour après, il rapportait qu’ils avaient fait une promenade en bateau sur le lac de Thun, pendant laquelle il avait récité des poèmes tandis qu’elle avait chanté. Dans une lettre, G. de Staël relatait également la rencontre à Interlaken et la conversation de Werner qui l’avait « charmée6 ». Werner parut si intéressant et sympathique à G. de Staël qu’elle l’invita à Coppet. À cette époque, Werner était considéré comme l’un des plus importants dramaturges de langue allemande grâce notamment à son drame sur Luther, Die Weihe der Kraft (La consécration de la force), créé en 1806 avec beaucoup de succès. Iffland le considérait même comme le successeur de Schiller7. G. de Staël était visiblement impressionnée par le talent poétique de Werner et en lui ouvrant les portes de Coppet et de ses fidèles – surtout Schlegel – elle voulait soutenir son essor artistique. Outre Schlegel, il fit la connaissance de Oehlenschläger, le futur poète national danois, de Constant, Sabran, Sismondi, Bonstetten et plusieurs hôtes hébergés pendant son séjour8.

Dans leur correspondance, les frères Schlegel évoquaient le dramaturge avant même la rencontre entre A. W. Schlegel et Werner à Coppet. Dans une lettre à son frère du 18 mars 1808, Friedrich le critiquait fortement et le décrivait comme une « empreinte encore plus confuse de Kotzebue9 », tandis qu’August Wilhelm le défendait, comme en témoigne la lettre de Friedrich 12 avril de la même année : « J’ai également lu le Luther et la Käthe du Werner. C’est une pasquinade historique assez grimaçante. Comment as-tu pu la juger d’une manière aussi clémente10 ? ». Werner répondit à l’invitation de G. de Staël et resta à Coppet du 14 octobre au 3 novembre 1809. Dans son journal, il consigna minutieusement ses impressions sur son séjour, des détails quotidiens comme « acheter brosse à dents », « boire du chocolat » ou « valser avec de Staël11 », aux conversations et à ses lectures12. Werner put bientôt multiplier les échanges et les collaborations avec Schlegel – à qui Oehlenschläger attribuait érudition, perspicacité, esprit et un talent linguistique extraordinaire, mais qu’il considérait comme pédant et arrogant13. Schlegel apporta surtout à Werner les connaissances historiques nécessaires à l’élaboration du drame Cunegunde die Heilige14 (Cunégonde la Sainte). Il lui démontra notamment par le Teutscher Nation Heldenbuch de Pantaléon15, que Cunégonde était la femme d’Henri II et que Werner devait inclure l’empereur dans la pièce. Le drame traite – non sans allusions contemporaines, notamment dans la scène finale – du conflit guerrier entre Henri II et l’usurpateur Hardouin. Cunégonde – telle une deuxième Judith – veut terminer ce conflit et tente, au cours d’une rencontre, de convaincre Hardouin de ne plus commettre d’actes de guerre et de le détourner, plus généralement, du mal. Hardouin accepte de terminer la guerre, mais il lui arrache la promesse de garder secrète leur conversation. Cunégonde ne peut donc pas expliquer son absence et se voit soupçonnée d’adultère. Elle doit se soumettre à un jugement de Dieu. Pendant cette épreuve, elle est défendue par un jeune chevalier qui l’adore – les éléments érotiques et religieux se mêlent – et qui, plus tard, sera identifié comme le fils d’Hardouin. Selon Hankamer, Schlegel aida Werner non seulement par son savoir historique, mais aussi en le familiarisant avec la doctrine de Saint Martin – influencée par Jakob Böhme – qui, parallèlement à la confiance d’Hardouin dans l’astrologie, devenait aussi plus importante pour Cunégonde16. Les plans concernant Cunegunde die Heilige furent le sujet d’une lettre destinée à Goethe et envoyée de Paris le 22 novembre 1808, dans laquelle il cachait l’aide qu’il avait déjà obtenue de la part de Schlegel pour l’arrière-plan historique : « Je prépare le plan d’une tragédie vraiment allemande, en vue de laquelle je dois d’abord préciser les dates nécessaires à la bibliothèque impériale locale ; je ne peux pas encore, par conséquent, entrer dans les détails. Le sujet est tiré de l’histoire de l’empereur Henri II et de son épouse Cunégonde, qui, tous les deux, ont été canonisés et enterrés à Bamberg17 ».

À Coppet, Werner lisait des extraits de ses œuvres à Schlegel, mais il lisait aussi les œuvres de Schlegel, notamment le manuscrit de ses Considérations sur la civilisation, dont la lecture – apparemment très intense – l’occupa durablement18. Cette découverte des Considérations, qui n’étaient pas encore publiées, doit être replacée dans le contexte des discussions fréquentes de Werner et Schlegel sur la religion – surtout le catholicisme. Dès le deuxième jour de son séjour, Werner notait : « Conversation et lecture de Schlegel, conversation intéressante avec lui sur le catholicisme19 ». Le catholicisme était également un sujet actuel pour Schlegel : son frère Friedrich se convertit à la foi catholique en 180820. La religion était aussi un sujet important à Coppet en général. Le 22 octobre, Werner relatait plusieurs échanges sur ce sujet avec des interlocuteurs différents :

Conversation indécise entre Constant et Schlegel sur l’état et la religion, après le souper entre moi et Oehlenschläger sur le catholicisme et le protestantisme, pendant laquelle apparaissaient les limites de la vision d’Oehlenschläger, mais aussi sa cordialité louable, sa franchise et la noblesse de son âme pleine de confiance envers moi.21

L’année suivante, dans une lettre à Friederike Brun du 12 octobre 1809, Bonstetten aussi mentionnait l’importance croissante de la religion à Coppet et en attribuait la responsabilité à Schlegel :

Rien n’est plus changé que Coppet. Tu verras, tout le monde deviendra catholique, bohémien, martiniste, mystique, tout à cause de S[chlegel], et surtout tout deviendra allemand […] Quand de Staël va seule en voiture, elle lit mystique22 !

Alors que la religion avait d’abord été un sujet parmi d’autres, elle domine les conversations entre 1808 et 1809. Cette évolution était probablement liée à la visite de Mme de Krüdener à Coppet le 7 octobre 180823. Caspar von Voght, aussi présent à Coppet à cette époque, évoque, en outre, une double vision de la religion à Coppet : d’un côté « Bonstetten et Sismondi [...] à la tête des positifs, droits24 », de l’autre « Schlegel et Werner à la tête des spéculatifs et mystiques, avec la différence que c’est sentiment chez Werner et chez Schlegel force de l’imagination25 ». D’après cette analyse, Schlegel et Werner étaient donc perçus comme proches en matière de questions religieuses. En témoigne, comme preuve supplémentaire que Schlegel lui-même considérait Werner comme un allié dans ce domaine, qu’il ne donna le manuscrit de ses Considérations sur la civilisation en général et sur l’origine et la décadence des religions qu’à Werner et à lui seul26. Dans ce texte, Schlegel présente un tour d’horizon très large en commençant par la préhistoire. La critique de la philosophie rationaliste et matérialiste du temps devait avoir un intérêt particulier pour Werner.

Le premier séjour de Werner à Coppet coïncide avec un autre bouleversement dans la vie du dramaturge. Il voyagea peu après à Rome et s’y convertit au catholicisme. En 1814, de retour en Allemagne, il fut même ordonné prêtre après avoir réussi à faire annuler ses trois mariages grâce au soutien de von Dalberg27. Cette réorientation de sa vie se dessinait déjà lors de son séjour à Coppet. Werner le termina début novembre 1808 et alla d’abord à Paris, puis à Weimar. Il y annonça son arrivée imminente à Goethe, à qui il avait écrit pour la première fois en 1804, et qu’il représentait, dans ses lettres, comme un mélange de héros antique et d’envoyé du Dieu chrétien. Il donna à cette occasion un court rapport de son séjour à Coppet. De Coppet encore, le 31 octobre, il avait déjà retracé exhaustivement son passage à sa confidente Sophie von Schardt28. Il y avait comparé G. de Staël à une sorcière, dont l’influence était si grande qu’il était presque impossible de s’en libérer :

Mme de Staël est une maîtresse née, et tous les hommes d’esprit qui vivent dans sa sphère d’influence ne peuvent pas en sortir, parce que sa grandeur d’âme les attire dans son cercle sorcier. Ils reçoivent d’elle, qui possède l’art de mêler admirablement les éléments les plus hétérogènes, au moins sa culture sociale. Et même s’ils sont plus ou moins en désaccord entre eux, ils se réunissent dans l’adoration de leur idole commune ; […] il faut l’adorer comme mes amis A. W. Schlegel et B. Constant, dont le dernier est vraiment le favori de son cœur29.

Dans sa lettre à Goethe, a contrario, Werner dessinait une image plutôt critique de G. de Staël :

[…] Je suis resté à Coppet, plus longtemps que je ne voulais au début. Mme de Staël est extrêmement curieuse, à l’oral aussi. Elle s’est montrée très bonne envers moi et elle est, si l’on excepte ses entêtements (ce que Votre Excellence nomme les bons anges qui torturent) intelligente, bonne et vraie, mais déchirée du dehors et de l’intérieur. J’éprouve la plus profonde compassion pour elle30.

Une autre lettre révèle le regard critique de Werner sur G. de Staël, malgré la gentillesse qu’elle lui avait témoignée. Werner prend alors parti pour son nouveau confident, Schlegel, qui, selon Werner, avait été maltraité par G. de Staël :

Excusez-moi, amie adorable, ma conscience m’oblige d’ajouter deux mots sur notre digne ami, mon compatriote A.W.S. Vous savez que cet homme, peut-être le plus honnête et le plus estimable de tous les gens de lettres allemands, vous est lié par un attachement sans bornes. Pourtant c’est le seul homme que vous, qui êtes l’idéal de la générosité, traitez, excusez-moi, d’une manière qui ne répond pas à votre magnanimité. La santé d’A.W.S. est aussi fragile et délicate que sa vie est précieuse au monde. Songez au moment de sa mort et faites ce que votre grand cœur vous dictera pour sauver votre conscience. Pardonnez-moi, qui suis votre ami sincère, ce que le zèle désintéressé pour votre bonheur lui inspire31.

Werner arriva à Weimar le 21 décembre 1808. Du moins, Goethe écrit-il dans son journal : « À midi Werner à table, qui venait d’arriver32 ». Des propos tenus par Werner sur Coppet furent notés par Carl Bertuch dans son journal le lendemain : « Le soir chez Mde Schopenhauer où il était brillant. Werner était de retour de Paris, où il avait passé 4 semaines. À Coppet, pour 3 semaines il a vécu avec Benjamin Constant, Sismondi, Oelenschlaeger, Schlegel chez la Staël qui, avec son entourage masculin, tente de bonne raison de faire la vie très agréable. On vit sans gêne chez elle33 ».

G. de Staël avait auparavant prié Werner de faire une autre visite à Coppet :
« Je vous envoie, mon cher Werner, trois lettres que je vous expliquerai. M. Sismonde ira avec vous à Genève et vous épargnera tous les embarras. Vous ne partirez qu’à deux heures, et de midi à deux heures je vous verrai. […] Revenez-moi l’été prochain, je vous en prie34 ». Elle avait aussi recommandé Werner à Mme De Gérando et Mme Récamier, qu’il rencontra à Paris ensuite, comme l’indique sa lettre à Goethe du 22 novembre 180835. Le 3 novembre elle écrivit à Mme de Gérando :

Me permettez-vous de vous recommander M. Werner, l’auteur de Luther, qui a fait tant d’impression à Berlin, et de plusieurs autres tragédies qui l’appellent à remplacer Schiller dans l’opinion ? Comme vous parlez allemand, je puis vous dire que c’est un des littérateurs les plus distingués que j’aie rencontrés en ma vie. Il ne passe que trois semaines à Paris et retourne à Weimar auprès du grand-duc, qui l’aime beaucoup. Montrez-lui, je vous prie, que vous avez de la bienveillance pour mes amis36.

En septembre 1809, Werner arriva à Coppet pour un deuxième séjour37. Malheureusement son journal ne comporte aucune information concernant cette période. On ne peut donc que consulter ses lettres. L’évènement central du deuxième séjour de Werner fut la première représentation de sa tragédie Der vierundzwanzigste Februar (Le vingt-quatre février), imprimée seulement en 1815, sur la scène privée de G. de Staël38. La pièce fut jouée en allemand, langue comprise à Coppet, même si elle n’était pas celle des conversations quotidiennes. Oehlenschläger, dans son autobiographie, donne les détails des langues maîtrisées par les hôtes de Coppet et conclut que presque tous comprenaient l’allemand. Il attribue un « talent linguistique extraordinaire39 » à Schlegel. Werner lui-même jouait le père, Mlle de Zeuner, une ancienne dame de compagnie de Berlin, la mère, et Schlegel le fils40. On a longtemps supposé deux sources à la pièce de Werner : le récit horrible d’un crime relaté dans un journal, lu à haute voix pendant une réunion chez Goethe41. En réalité, il s’agissait d’une légende. Il aurait aussi été inspiré par sa visite dans une auberge isolée à la Gemmialp. La première supposition se révèle caduque : aucune légende transposée en article ne figure dans la presse de l’année 180842. Werner devait donc connaître l’intrigue de son drame par « la tradition orale ou littéraire43 ». Quand on lit l’entrée du 21 août 1808 dans son journal, on peut supposer qu’il a tiré l’un des fils de son intrigue – le meurtre de la fille des aubergistes (dans sa pièce : par son propre frère) – du lieu même : « Promenade au Gemmi, au-delà du glacier, repas à Schwerenbach qui est semblable à une cave de meurtrier, soupe mauvaise, histoire de la fille assassinée, lac, jolie descente du Gemmi44 [...] ». En fait, un guide touristique publié beaucoup plus tard raconte un meurtre qui se serait passé un an auparavant, en 1807, et lie ce meurtre au drame de Werner :

Le chemin mène en zig-zag, à la paroi de la montagne au-dessous du Gellihorn ; auprès de la forêt de sapins il se sépare du vieux (à dr.) et monte à gauche, avec pleine vue de la vallée de Gastern, aux cabanes de bergers de la Spitalmatt (3 h.) et continue à l’auberge montagnière (½ h.) Schwarenbach 6360’. Ici, en 1807, deux italiens tuèrent la fille de l’aubergiste, ce qui amena Zach. Werner à écrire la tragédie macabre « le 24 février45 ».

Un guide anglais contient en outre une indication se référant à un meurtre du XVIIe siècle qui aurait eu lieu à l’auberge, mais il confond celui-ci avec l’intrigue du drame de Werner :

Auberge solitaire de Schwarenbach, un châlet seulement, n’offre que du fromage, du lait et du brandy comme rafraîchissement et 6 ou 8 lits misérables …. Un petit droit de passage est exigé pour la maintenance de la rue. Un évènement qui s’est passé à l’endroit a inspiré au poète allemand, Werner, l’intrigue d’une tragédie, un peu extravagante et improbable, qui s’appelle « Le 24 février ». Durant le 17ème siècle, un voyageur, qui avait l’apparence d’un étranger, en croisant au col demanda de passer une nuit à cette baraque. Son propriétaire était un paysan, que la misère avait réduit à la pauvreté et à la misère. La fille avait été tuée par accident par son frère, pendant que les deux étaient des enfants, et le garçon, conséquemment, avait disparu46.

La pièce de Werner raconte l’histoire d’un couple qui, à cause d’une malédiction vieille de plusieurs décennies et d’une crise financière, tue son fils qu’il ne reconnaît pas lorsqu’il passe par son auberge. Le père avait jeté un couteau au grand-père, qui s’en était sorti sans blessure, mais qui mourut immédiatement après à cause d’une apoplexie ; avant de disparaître, il maudit son fils. Plusieurs années plus tard, le fils du couple tua sa petite sœur en jouant avec elle – et son père le maudit. Le temps passe et le fils considéré comme mort revient anonymement à la maison parentale : le père, surendetté et qui doit être arrêté le lendemain, l’assassine pour lui prendre son argent. En mourant, le fils dévoile son identité. La malédiction s’est accomplie puisque tous les drames ont eu lieu à la même date, le 24 février. Mais elle se dénoue dès que le fils pardonne à son père avant de mourir. Le 24 février était un jour funeste pour Werner lui-même, qui avait perdu sa mère à sa cette date. Cette structure autorise à considérer Le vingt-quatre février comme un drame fataliste (« Schicksalsdrama »), parce que « l’intrigue est dominée par le conflit de la personnalité avec un destin qui s’abat de l’extérieur47 », même si la « volonté individuelle » n’est pas étouffée par « un destin inévitable48 ». Mais Werner ne souhaitait pas, dans son poème macabre, représenter une fatalité archaïque : il voulait en revanche montrer l’enraiement de la culpabilité grâce au motif chrétien de l’expiation et du pardon49.

La plupart des renseignements concernant la représentation du drame à Coppet se trouvent dans la lettre détaillée de Werner à Goethe du 20 octobre 1809, écrite quelques jours plus tard50. « L’effet de la pièce » (« der Effeckt des Stücks ») qu’il avait lue à haute voix à Schlegel et Constant, et donnée à lire à G. de Staël avant la représentation, avait surpassé toutes ses espérances. Constant et Staël avaient été impressionnés, mais auraient critiqué le fait « que le motif propre du meurtre, la nécessité octroyée à Kuntz d’être incarcéré avec une honte insupportable ou de se prendre la vie » (« daß das eigentliche Motiv des Mordes, nehmlich die Nothwendigkeit, in welche Kuntz versetzt sey, entweder mit einer ihm unerträglichen Schmach in den Schuldthurm gesteckt zu werden, oder sich selbst das Leben zu nehmen ») était évacué. Il fallait donc le rappeler aux spectateurs, à la fin de la pièce et avant le meurtre. Ils avaient également critiqué la froide exécution du crime par les parents qui « causait une impression répulsive » (« wiedrigen Eindruck hinterlasse ») ; une critique que Werner attribuait au « sens français » (« französischen Sinne »). Il était donc nécessaire que le meurtre soit commis par le père en proie au délire. Schlegel, lui, n’avait pas ressenti la nécessité de changements. À Coppet, Werner et Schlegel n’étaient donc pas seulement d’accord en matière de religion : ils partageaient aussi des jugements esthétiques. Comme la plupart des spectateurs avait un goût « français », Werner avait cédé aux désirs de Staël et Constant et ajouté les « additions remarquées dans l’annexe », « qui s’élèvent à 50 lignes ou vers nets. J’ai annoté les lieux où les additions doivent être insérées au manuscrit que j’ai laissé à Votre Excellence, ainsi que les détails que je croyais devoir observer en vue de la représentation51 ». Même si le drame, dans sa forme originale, s’écartait considérablement du goût français, il devait exercer une influence considérable sur le genre du drame fataliste52. Werner laissa Goethe seul juge de la nécessité d’introduire ou non les additions faites à Coppet, ou d’en ajouter d’autres. En outre Schlegel, lors de la représentation donnée à Coppet, avait joué à la perfection : son interprétation du fils avait été « reçue d’une manière très bienveillante » (« sehr gütig aufgenommen ».) et la pièce avait été « prise avec un enthousiasme général » (« mit allgemeinem Enthusiasmus ergriffen »). Werner concluait sa lettre sur la prière de « faire représenter Le vingt-quatre février, comme la plus réussie de mes pièces, à Weimar très bientôt, avec toutes les restrictions qui vous plaisent53 ». Même si la pièce n’eut pas le même succès que la Consécration de la force, elle reçut un accueil très favorable.

Dans De l’Allemagne, G. de Staël consacre un chapitre entier à la pièce54, et ce avant la publication de l’œuvre de Werner en 1815. Elle en donne une description détaillée et arrive à des conclusions assez ambivalentes, principalement parce que le sujet de la pièce ne lui plaisait pas :

Ces situations sont terribles ; elles produisent, on ne saurait le nier, un grand effet : cependant on admire bien plus la couleur poétique de cette pièce, et la gradation des motifs tirés des passions, que le sujet sur lequel elle est fondée55.

Elle critique tout particulièrement la représentation de faits atroces dans un milieu contemporain :

Transporter la destinée funeste de la famille des Atrides chez des hommes du peuple, c’est trop rapprocher des spectateurs le tableau des crimes. L’éclat du rang, et la distance des siècles, donnent à la scélératesse elle-même un genre de grandeur qui s’accorde mieux avec l’idéal des arts ; mais quand vous voyez le couteau au lieu du poignard ; quand le site, les mœurs, les personnages peuvent se rencontrer sous vos yeux, vous avez peur comme dans une chambre noire ; mais ce n’est pas là le noble effroi qu’une tragédie doit causer56.

Dans ce contexte, elle analyse la différence entre la conception antique du destin et la conception chrétienne, fondée sur la morale :

La fatalité des anciens est un caprice du destin ; mais la fatalité, dans le christianisme, est une vérité morale sous une forme effrayante. Quand l’homme ne cède pas au remords, l’agitation même que ce remords lui fait éprouver le précipite dans de nouveaux crimes ; la conscience repoussée se change en un fantôme qui trouble la raison57.

Elle apprécie cependant les qualités poétiques de la pièce, mentionnant la description des Alpes et de la solitude, qui sont d’une grande beauté. Elle souligne l’isolement de l’environnement du temps58. Mais elle formule une conclusion en demi-teinte, dans laquelle elle reprend la critique formulée précédemment : « Le sujet de cette pièce, et les mœurs qu’elle représente, sont trop rapprochés de la vérité, et d’une vérité atroce, qui ne devrait point entrer dans le cercle des beaux-arts59 ». Ce jugement rejoint, partiellement au moins et à des années de distance, ce que Werner avait rapporté à Goethe sur la réception de la pièce. Schlegel n’accepta pas seulement de jouer un rôle dans la première représentation de la pièce. Il était aussi convaincu de sa qualité, comme le montre sa recommandation de la pièce, plusieurs années plus tard, pour une anthologie française qui allait rassembler les meilleurs textes de théâtre étrangers60. Le contact avec l’éditeur, Pierre-François Ladvocat, fut établi par Auguste de Staël. Le rapport de Werner dans sa lettre à Goethe, selon lequel Schlegel avait pris parti pour lui et l’avait défendu contre la critique de Constant et Staël, paraît donc tout à fait plausible.

Werner abandonna Coppet une deuxième fois en novembre 180961 et continua son voyage à Rome62. Quand son changement de vie et sa conversion, le 19 novembre 181063, furent devenus évidents, Goethe rompit tout lien avec celui qu’il avait tant estimé64. Dans l’esquisse d’une lettre à Werner du 1er octobre 1809, Goethe avait écrit : « Vous me connaissez suffisamment pour savoir que nous pouvons, toujours de nouveau, parcourir une distance ensemble avec plaisir. Mais abstenez vous de me jeter des pièges de la couronne d’épines devant mes pas65 ». Dans une sorte de lettre d’adieu de Rome du 23 avril 1811, à laquelle Goethe ne répondit pas, Werner prévoyait la réaction de Goethe à sa conversion : « Mais Votre Excellence ne va plus vouloir me voir, me parler, me recevoir66 » et « Parmi tous les sacrifices du Christianisme, que je lui porte, c’est, Dieu est mon témoin, le plus grave : la possibilité de perdre […] la bienveillance gracieuse de Votre Excellence67 ». Deux ans plus tard, Goethe, dans l’ébauche d’une lettre destinée à Christian Schlosser, tenait des propos très critiques sur Werner. Faisant référence à la terminologie biblique, il se compare sciemment à Dieu le Père, rôle que lui avait assigné Werner dans ses lettres à de nombreuses reprises :

En ce qui concerne Werner, par contre, je ne serais pas capable de dire : lui aussi est un fils qui m’apporte satisfaction ; un mauvais génie a mené son talent magnifique au-delà des frontières dans lesquelles repose le véritable et le vrai ; il erre dans l’empire des ombres et risque de n’en pas revenir68.

Werner fut obligé de chercher d’autres partenaires et bienfaiteurs littéraires. Son contact avec Schlegel, qui avait été un interlocuteur important pour lui à Coppet, non pas seulement pour les questions littéraires, mais aussi en matière de religion, gagna vraisemblablement en importance pour lui. Il avait probablement l’intention de privilégier, sur tous ces plans, l’échange avec Schlegel sur celui avec Goethe. Dans une lettre de Werner à Schlegel écrite depuis Rome en 1810, il s’adressa à lui d’une manière enthousiaste comme à un « ami très honoré, estimé sincèrement, cher et noble ». Dans ses remarques concernant les sujets religieux, il faisait probablement allusion aux nombreuses conversations tenues à Coppet. Sa remarque du moins : « Vous voyez, mon ami très honoré et excellent qu’aucun de vos mots n’a été oublié par moi69 » permet de le supposer. Werner informait surtout Schlegel de ses projets littéraires d’une manière si exhaustive que l’on voit qu’il était devenu pour lui un interlocuteur littéraire important. À la différence de ce qui s’observe dans ses lettres à Goethe, Werner traitait Schlegel d’une manière respectueuse, sans être obséquieuse :

Ami très honoré, estimé sincèrement, cher et noble ! La fierté avec laquelle j’ose vous attribuer cette qualité d’ami égale la joie avec laquelle j’ai reçu votre lettre des plus estimables. (La générosité dont vous avez fait preuve en me l’adressant me vaut des charbons ardents sur la tête !) [...] – J’ai envoyé quelques lignes sur mon séjour à Rome à notre Sainte Aspasie. À vous, j’avoue que je ne me suis pas encore remis des miracles divins et humains que l’on trouve à Rome ; je n’ai donc commencé aucune tragédie ni aucune œuvre semblable ; j’ai en revanche multiplié les œuvres minuscules et passables comme des sonnets, une explication en forme de canzone, une gravure en cuivre de Riepenhausen sur la vie de Raphaël, une canzone sur plusieurs sujets des chambres de Raphaël … Vous voyez, excellent et estimé , qu’aucun de vos mots n’a été oublié ! D’ailleurs je travaille sincèrement ici, à Rome, et, grâce à Dieu, non sans succès pour ce qui a plus de valeur que tous les trésors et les mots du monde, le salut de mon âme70 !

Il en a toutefois été autrement des intentions que Werner avait encore en ce temps-là. Le nombre de ses interlocuteurs diminuait, dans la mesure où il se retirait peu à peu de la vie littéraire. Certes, il négociait encore les représentations de ses pièces, de ses honoraires et de ses droits, mais il se concentrait sur ses tâches d’accompagnement spirituel et sur son travail en faveur de la cause catholique, comme collaborateur de Clemens Maria Hofbauer. Les œuvres qui furent encore publiées, comme le drame Die Mutter der Makkabäer (La Mère des Maccabées) en 1816, furent écrites dans cet esprit71. À la différence de son écrivain-collègue Clemens Brentano, après la rencontre de celui-ci avec Anna Katharina Emmerick, Werner pratiqua une rupture résolue dans son existence.

1 « Der Stolz mit dem ich Ihnen dies Prädikat Freund beyzulegen wage [...] » (Les citations en langue étrangère ont été traduites en français par

2 Werner avait fait la connaissance du dauphin juste avant, pendant son voyage en Suisse au lac des Quatre-Cantons, comme on l’apprend dans une lettre

3 Madame de Staël. Correspondance générale, éd. Béatrice W. Jasinski, Genève, Slatkine, t. VI, 1993, p. 521, note 20.

4 « Gang ins Wirtshaus zu Interlachen, dann ins Schloß […]. Der Kronprinz und seine Begleiter, der baiersche Gesandte, der Prinz von Neuwied, von

5 Ibid.

6 À Maurice O’Donnell, lettre du 17 ou 18 août 1808, Correspondance générale, t. VI, p. 520.

7 Voir Eugen Wohlhaupter, Dichterjuristen, Vol. 2, éd. H. G. Seifert, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1955, p. 2.

8 Voir Werner. Tagebücher. (Texte), p. 32-41.

9 « noch verwirrtere[n] Abdruck vom Kotzebue », Krisenjahre der Frühromantik, Vol. 1, 2. éd., p. 520.

10 « Auch des Werner Luther und Käthe las ich. Das ist ja ein recht fratzenhaftes historisches Pasquill. Wie konntest Du nur so gar glimpflich darüber

11 « Zahnbürste kaufen », « Chocoladetrinken », « Walzen mit der Stael ». Werner. Tagebücher. (Texte), p. 34.

12 En ce qui concerne le séjour à Coppet dans le journal voir ibid., p. 32-41.

13 Ibid. p. 171.

14 Friedrich Ludwig Zacharias Werner, Cunegunde die Heilige, Römisch-Deutsche Kaiserin. Ein romantisches Schauspiel in fünf Akten, Leipzig und

15 Heinrich Pantaleon, Teutscher Nation Heldenbuch, Basel, Niclaus Bylingers Erben, 1568; Werner. Tagebücher. (Texte), p. 35 et commentaire, p. 51.

16 Paul Hankamer, Zacharias Werner. Ein Beitrag zur Darstellung des Problems der Persönlichkeit in der Romantik, Bonn, Friedrich Cohen, 1920, p. 192.

17 « Ich habe den Plan einer ächtdeutschen Tragödie auf dem Korn, zu der ich aber erst in der hiesigen keyserlichen Bibliotheck die nöthigen Data

18 Werner. Tagebücher. (Texte), p. 38 et ss.; Considérations sur la civilisation en général et sur l’origine et la décadence des religions, dans :

19 « Gespräch und Vorlesen von Schlegel, interessantes Gespräch mit ihm über Katholicismus », Werner. Tagebücher. (Texte), p. 32.

20 Voir John Claiborne Isbell, The Birth of European Romanticism. Truth and progaganda in Staël’s De l’Allemagne, 1810-1813, Cambridge, Cambridge

21 « Unentschiedenes Gespräch zwischen Constant und Schlegel über Staat und Religion, und nach dem Souper zwischen mir und Oehlenschläger über

22 « Nichts ist veränderter als Coppet. Du wirst sehen, die Leute werden alle noch katholisch, böhmisch, martinistisch, mystisch, alles durch S[

23 Voir Isbell, p. 187.

24 « Bonstetten und Sismondi [...] an der Spitze der positiven, geradsinnigen », Bonstettiana, Tome X/2, p. 664.

25 « Schlegel und Werner an der Spitze der spekulativen und Mystiker, mit dem Unterschied, daß dies bey Werner Gefühl, bei Schlegel Einbildungskrafft

26 Voir Roger Paulin, The Life of August Wilhelm Schlegel. Cosmopolitan of Art and Poetry, Cambridge (UK), Open Book Publishers 2016, p. 322.

27 Voir Wohlhaupter, p. 29.

28 On trouve un court exposé de la vie de von Schardt dans Werner, Briefe, Vol. 2, p. 153, note 1.

29 « Frau von Staël ist eine geborene Meisterin und alle geistreichen Menschen, die in ihrem Umkreise leben und aus demselben nicht fortkönnen, weil

30 « [...] Ich bin in Coppet gewesen, länger als ich anfangs willens war. Über die höchst merkwürdige Frau von Stael auch mündlich. Sie war sehr gütig

31 Lettre du 10 novembre 1809. Pauline de Pange, Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Stael d’après des documents inédits, Paris, Albert, 1938, p.

32 « Mittags Werner zu Tische, der erst angekommen war ». Goethe. Begegnungen und Gespräche, Vol. VI 1806-1808, éd. Renate Grumach, Berlin / New York

33 « Abends bey Mde Schopenhauer, wo es brillant war – Werner war seit gestern von Paris zurück, wo er 4 Wochen war. – In Coppet lebte er 3 Wochen mit

34 Correspondance générale, t. VI, p. 550.

35 Werner. Briefe, Vol. 2, p. 157 ss.

36 Correspondance générale, t. VI, p. 551.

37 Voir Paulin, p. 325.

38 Michael Schmidt, Zacharias Werner. Der vierundzwanzigste Februar, dans Kindlers Neues Literatur-Lexikon, éd. Walter Jens, 2. éd, Vol. 17, München

39 Oehlenschlägers Levnet, p. 170 ss.

40 À propos de cette réprésentation, voir la lettre de Werner à Goethe du 20 octobre 1809 ; Werner. Briefe, Vol. 2, p. 212.

41 Wohlhaupter, p. 26.

42 Ibid., p. 289.

43 « aus der mündlichen oder literarischen Überlieferung », Ibid., p. 289.

44 « Gang auf den Gemmi über den Schneesturz, Essen in dem einer Mörderhöhle ähnlichen Schwarenbach, schlechte Suppe, Geschichte der ermordeten

45 « Der Weg führt im Zickzack an der Bergwand unter dem Gellihorn in die Höhe, trennt sich beim Tannenwald vom (r.) alten u. steigt links mit vollem

46 « Solitary Inn of Schwarenbach, a mere chalet, affording no other refreshment than cheese, milk, and brandy; and containing 6 or 8 miserable beds [

47 « die Handlung durch den Konflikt der Persönlichkeit mit e. von außen hereinbrechenden Schicksal bestimmt wird ». Gero von Wilpert, Sachwörterbuch

48 « durch e. unabwendbare Schicksalshaftigkeit », Ibid.

49 Kindlers Neues Literatur-Lexikon, Vol. 17, p. 563.

50 Werner. Briefe, Vol. 2, p. 211-216.

51 « die in der Anlage bemerckten Zusätze, [...] welche netto 50 Zeilen oder Verse betragen. An welchen Orten die Zusätze meinem Ew. Excellenz

52 Voir Anke Detken, Mme de Staël und Zacharias Werner : Formen der Geselligkeit in Coppet und Berlin und ihr Einfluß auf den Stellenwert eines

53 « den vier und zwanzigsten Februar, als mein gelungenstes Stück, mit allen Ihnen nur irgend gefälligen Einschränkungen, recht bald in Weimar

54 « La littérature et les arts » chapitre XXIV, « Luther, Attila, Les Fils des la Vallée, La Croix sur la Baltique, Le Vingt-Quatre Février, par

55 De l’Allemagne, Quatrième édition, t. III, Paris, Nicolle,1818, p. 69.

56 Ibid.

57 Ibid. p. 70.

58 Ibid. p. 70-71.

59 Ibid. p. 71.

60 Voir Paulin, p. 427 ; voir aussi John Isbell, « Les chefs-d’oeuvre des théâtres étrangers de Ladvocat, 1821-1823», Cahiers staëliens, n° 50, 1999

61 Paulin, p. 325.

62 Wohlhaupter, p. 28.

63 Ibid.

64 Wohlhaupter, p. 26 ss.

65 « Sie kennen mich genug, um zu wissen, daß wir immer einmal eine Strecke Wegs mit Lust zusammen fortwandern können, wo wir uns auch treffen mögen;

66 « Aber Ew. Exzellenz werden mich gar nicht mehr sehn, nicht mehr sprechen, nicht mehr vorlassen wollen », Werner. Briefe, Vol. 2, p. 223.

67 « Unter allen Opfern des Christenthums, die ich nehmlich ihm bringe, ist, Gott ist mein Zeuge, das schwehrste: die Möglichkeit Ew. Excellenz

68 « Was hingegen Wernern betrifft, so könnte ich nicht sagen: dies ist auch ein Sohn an dem ich Wohlgefallen habe; ein böser Genius hat sein

69 Krisenjahre der Frühromantik, Vol. 2, 2. éd., p. 123.

70 « Hochverehrter, innigstgeschäzzter, theurer und edler Freund! Der Stolz mit dem ich Ihnen dies Prädikat Freund beyzulegen wage, ist der Freude

71 Wohlhaupter, p. 29 ss.

1 « Der Stolz mit dem ich Ihnen dies Prädikat Freund beyzulegen wage [...] » (Les citations en langue étrangère ont été traduites en français par Ralph Zade). Pour le texte allemand, voir Krisenjahre der Frühromantik. Briefe aus dem Schlegelkreis, éd. Josef Körner, Vol. 2, 2. éd., Bern/München, Francke Verlag, 1969, p. 123.

2 Werner avait fait la connaissance du dauphin juste avant, pendant son voyage en Suisse au lac des Quatre-Cantons, comme on l’apprend dans une lettre destinée à Goethe le 24 septembre 1808 : « Connaissance du dauphin de Bavière (qui voyage comme comte de Helffenstein,) et de ses accompagnateurs. Lui, un bon jeune homme, avec un sens et de l’amour pour l’art », (« Bekanntschafft mit dem Cronprinzen von Bayern, (der als Graf Helffenstein reist,) und dessen Begleitern. Er, ein guter junger Mensch, mit Sinn und Liebe für Kunst. »); Briefe des Dichters Friedrich Ludwig Zacharias Werner, éd. Oswald Floeck, Vol. 2, München, Georg Müller, 1914, p. 142.

3 Madame de Staël. Correspondance générale, éd. Béatrice W. Jasinski, Genève, Slatkine, t. VI, 1993, p. 521, note 20.

4 « Gang ins Wirtshaus zu Interlachen, dann ins Schloß […]. Der Kronprinz und seine Begleiter, der baiersche Gesandte, der Prinz von Neuwied, von Schönburg, Baron Romberg, 2 Kränzelmädchen, General und Landammann Watewyl […]. Das immer regnicht gewesene Wetter klärt sich auf, Zug nach dem Festplatze, herrliches mit zahllosem Volk geschmücktes Amphitheater, langweilige Rede des Amtmanns von Interlachen, Steinwerfen, Schwingen, Laufen, der Prinz von Baiern präsentirt mich der Frau von Stael [...] ». Die Tagebücher des Dichters Zacharias Werner. (Texte), éd. Oswald Floeck, Leipzig, Karl W. Hiersemann, 1939, p. 11.

5 Ibid.

6 À Maurice O’Donnell, lettre du 17 ou 18 août 1808, Correspondance générale, t. VI, p. 520.

7 Voir Eugen Wohlhaupter, Dichterjuristen, Vol. 2, éd. H. G. Seifert, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1955, p. 2.

8 Voir Werner. Tagebücher. (Texte), p. 32-41.

9 « noch verwirrtere[n] Abdruck vom Kotzebue », Krisenjahre der Frühromantik, Vol. 1, 2. éd., p. 520.

10 « Auch des Werner Luther und Käthe las ich. Das ist ja ein recht fratzenhaftes historisches Pasquill. Wie konntest Du nur so gar glimpflich darüber urtheilen? », Krisenjahre der Frühromantik, Vol. 1, 2. éd., p. 533.

11 « Zahnbürste kaufen », « Chocoladetrinken », « Walzen mit der Stael ». Werner. Tagebücher. (Texte), p. 34.

12 En ce qui concerne le séjour à Coppet dans le journal voir ibid., p. 32-41.

13 Ibid. p. 171.

14 Friedrich Ludwig Zacharias Werner, Cunegunde die Heilige, Römisch-Deutsche Kaiserin. Ein romantisches Schauspiel in fünf Akten, Leipzig und Altenburg, F. A. Brockhaus, 1815.

15 Heinrich Pantaleon, Teutscher Nation Heldenbuch, Basel, Niclaus Bylingers Erben, 1568; Werner. Tagebücher. (Texte), p. 35 et commentaire, p. 51.

16 Paul Hankamer, Zacharias Werner. Ein Beitrag zur Darstellung des Problems der Persönlichkeit in der Romantik, Bonn, Friedrich Cohen, 1920, p. 192.

17 « Ich habe den Plan einer ächtdeutschen Tragödie auf dem Korn, zu der ich aber erst in der hiesigen keyserlichen Bibliotheck die nöthigen Data sammeln muß und mich also noch nicht darüber auslassen kann. Er ist aus der Geschichte Keyser Heinrichs II und seiner Gemahlin Cunegunde, die beyde nach ihrem Tode heilig gesprochen und in Bamberg begraben sind ». Werner. Briefe, Vol. 2, p. 156.

18 Werner. Tagebücher. (Texte), p. 38 et ss.; Considérations sur la civilisation en général et sur l’origine et la décadence des religions, dans : Oeuvres de M. Auguste-Guillaume de Schlegel, écrites en Français, éd. Edouard Böcking, Leipzig, Weidmann, 1846, t. 1, p. 277-316.

19 « Gespräch und Vorlesen von Schlegel, interessantes Gespräch mit ihm über Katholicismus », Werner. Tagebücher. (Texte), p. 32.

20 Voir John Claiborne Isbell, The Birth of European Romanticism. Truth and progaganda in Staël’s De l’Allemagne, 1810-1813, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 186.

21 « Unentschiedenes Gespräch zwischen Constant und Schlegel über Staat und Religion, und nach dem Souper zwischen mir und Oehlenschläger über Katholicismus und Protestantismus, bei dem sich zwar Oehlenschläger’s Beschränktheit der Ansicht, aber doch seine löbliche Herzlichkeit, Offenheit und der Adel seines gegen mich sehr zutrauungsvollen Gemüths offenbarte », Werner. Tagebücher. (Texte), p. 35.

22 « Nichts ist veränderter als Coppet. Du wirst sehen, die Leute werden alle noch katholisch, böhmisch, martinistisch, mystisch, alles durch S[chlegel], und obenein wird alles deutsch. [...] Wenn die Staël allein im Wagen fährt, so liest sie Mystik », Bonstettiana. Briefkorrespondenzen Karl Victor von Bonstettens und seines Kreises, 1805-1811, t. X/2, 1808-1811, Coppet, Baskenland, Genf, éd. Doris et Peter Walser-Wilhelm, Göttingen, Wallstein, 2003, p. 654 ss.

23 Voir Isbell, p. 187.

24 « Bonstetten und Sismondi [...] an der Spitze der positiven, geradsinnigen », Bonstettiana, Tome X/2, p. 664.

25 « Schlegel und Werner an der Spitze der spekulativen und Mystiker, mit dem Unterschied, daß dies bey Werner Gefühl, bei Schlegel Einbildungskrafft ist ». Ibid.

26 Voir Roger Paulin, The Life of August Wilhelm Schlegel. Cosmopolitan of Art and Poetry, Cambridge (UK), Open Book Publishers 2016, p. 322.

27 Voir Wohlhaupter, p. 29.

28 On trouve un court exposé de la vie de von Schardt dans Werner, Briefe, Vol. 2, p. 153, note 1.

29 « Frau von Staël ist eine geborene Meisterin und alle geistreichen Menschen, die in ihrem Umkreise leben und aus demselben nicht fortkönnen, weil die Seelengröße dieser einzigen Frau sie in ihren Zauberkreis bannt, […] erhalten vielmehr durch sie, die die Kunst, die heterogensten Elemente zu vereinigen, in einem wundervollen Grade besitzt, wenigstens ihre soziale Bildung, und obwohl alle untereinander mehr oder weniger uneins sind, so vereinigen sie sich doch in der Anbetung dieses ihres gemeinschaftlichen Idols. […] man muß sie anbeten, wie meine Freunde A. W. Schlegel und B. Constant, von denen der letzte eigentlich der Liebling ihres Herzens ist. », Werner. Briefe, Vol. 2, p. 153.

30 « [...] Ich bin in Coppet gewesen, länger als ich anfangs willens war. Über die höchst merkwürdige Frau von Stael auch mündlich. Sie war sehr gütig gegen mich, und ist, bis auf ihre Entêtements (was Ew. Exzellenz gute Engel nennen, die einen peinigen) gescheut, gut und wahrhafft, aber zerrissen von innen und aussen. Ich habe das tiefste Mitleid mit ihr. [...] ». Werner. Briefe, Vol. 2, p. 157 s.

31 Lettre du 10 novembre 1809. Pauline de Pange, Auguste-Guillaume Schlegel et Madame de Stael d’après des documents inédits, Paris, Albert, 1938, p. 253.

32 « Mittags Werner zu Tische, der erst angekommen war ». Goethe. Begegnungen und Gespräche, Vol. VI 1806-1808, éd. Renate Grumach, Berlin / New York, De Gruyter, 1999, p. 610.

33 « Abends bey Mde Schopenhauer, wo es brillant war – Werner war seit gestern von Paris zurück, wo er 4 Wochen war. – In Coppet lebte er 3 Wochen mit Benjam. Constant, Sismondi, Oelenschlaeger, Schlegel bey der Stael, die mit ihren mänlichen Umgebungen wohlweislich das Leben sehr angenehm zu machen sucht. Man lebt bey ihr sehr ungenirt. », Begegnungen und Gespräche, Vol. VI, p. 611.

34 Correspondance générale, t. VI, p. 550.

35 Werner. Briefe, Vol. 2, p. 157 ss.

36 Correspondance générale, t. VI, p. 551.

37 Voir Paulin, p. 325.

38 Michael Schmidt, Zacharias Werner. Der vierundzwanzigste Februar, dans Kindlers Neues Literatur-Lexikon, éd. Walter Jens, 2. éd, Vol. 17, München, Kindler Verlag, 1992, p. 563 ss.

39 Oehlenschlägers Levnet, p. 170 ss.

40 À propos de cette réprésentation, voir la lettre de Werner à Goethe du 20 octobre 1809 ; Werner. Briefe, Vol. 2, p. 212.

41 Wohlhaupter, p. 26.

42 Ibid., p. 289.

43 « aus der mündlichen oder literarischen Überlieferung », Ibid., p. 289.

44 « Gang auf den Gemmi über den Schneesturz, Essen in dem einer Mörderhöhle ähnlichen Schwarenbach, schlechte Suppe, Geschichte der ermordeten Tochter, See, hübsches Absteigen des Gemmi [...] ». Werner. Tagebücher. (Texte), p. 12.

45 « Der Weg führt im Zickzack an der Bergwand unter dem Gellihorn in die Höhe, trennt sich beim Tannenwald vom (r.) alten u. steigt links mit vollem Einblick in das Gasternthal zu den Sennhütten der Spitalmatt (3 St.) hinan und weiter zum einsamen Bergwirthshaus (½ St.) Schwarenbach 6360’. – Hier tödteten 1807 2 Italiener die Tochter des Wirthes, was Zach. Werner zur Schauertragödie “der 24. Februar veranlasste ». Iwan Tschudi’s Schweizerführer, St. Gallen, Scheitlin und Zollikofer, 1864, p. 75.

46 « Solitary Inn of Schwarenbach, a mere chalet, affording no other refreshment than cheese, milk, and brandy; and containing 6 or 8 miserable beds […]. A small toll is demanded here for the maintenance of the road. A circumstance which occurred on this spot has furnished the German poet, Werner, with the plot of a tragedy, somewhat extravagant and improbable, called “ The 24th of February.” In the course of the 17th century, a traveller, having the appearance of a foreigner, in crossing the pass, asked for a night’s lodging at this hovel. Its tenant was a peasant, whom misfortune had reduced to the depth of poverty and misery. His daughter had been accidentally killed by her brother, while they were both children, and the boy had in consequence disappeared. ». A Hand-Book for Travellers in Switzerland and the alps of Savoy and Piedmont, including the protestant valleys of the Waldenses, London, Murray, 1838, p. 104 s.

47 « die Handlung durch den Konflikt der Persönlichkeit mit e. von außen hereinbrechenden Schicksal bestimmt wird ». Gero von Wilpert, Sachwörterbuch der Literatur, 8. éd, Stuttgart, Kröner, 2001, p. 730.

48 « durch e. unabwendbare Schicksalshaftigkeit », Ibid.

49 Kindlers Neues Literatur-Lexikon, Vol. 17, p. 563.

50 Werner. Briefe, Vol. 2, p. 211-216.

51 « die in der Anlage bemerckten Zusätze, [...] welche netto 50 Zeilen oder Verse betragen. An welchen Orten die Zusätze meinem Ew. Excellenz hinterlassenen Manuskripte einzuschalten sind, habe ich aufs genauste eben so wie die Details bemerckt, die ich bey der Darstellung beobachten zu müssen geglaubt habe ».)

52 Voir Anke Detken, Mme de Staël und Zacharias Werner : Formen der Geselligkeit in Coppet und Berlin und ihr Einfluß auf den Stellenwert eines deutschen Schriftstellers in Deutschland und Frankreich, dans : Europa, ein Salon? Beiträge zur Internationalität des literarischen Salons, éd. Roberto Simanowski, Göttingen, Wallstein, 1989, p. 232-250, ici p. 232.

53 « den vier und zwanzigsten Februar, als mein gelungenstes Stück, mit allen Ihnen nur irgend gefälligen Einschränkungen, recht bald in Weimar aufführen zu lassen. » : Werner. Briefe, Vol. 2, p. 214.

54 « La littérature et les arts » chapitre XXIV, « Luther, Attila, Les Fils des la Vallée, La Croix sur la Baltique, Le Vingt-Quatre Février, par Werner ».

55 De l’Allemagne, Quatrième édition, t. III, Paris, Nicolle,1818, p. 69.

56 Ibid.

57 Ibid. p. 70.

58 Ibid. p. 70-71.

59 Ibid. p. 71.

60 Voir Paulin, p. 427 ; voir aussi John Isbell, « Les chefs-d’oeuvre des théâtres étrangers de Ladvocat, 1821-1823», Cahiers staëliens, n° 50, 1999, p. 105-133.

61 Paulin, p. 325.

62 Wohlhaupter, p. 28.

63 Ibid.

64 Wohlhaupter, p. 26 ss.

65 « Sie kennen mich genug, um zu wissen, daß wir immer einmal eine Strecke Wegs mit Lust zusammen fortwandern können, wo wir uns auch treffen mögen; nur enthalten Sie sich ja, mir Fußangeln aus der Dornenkrone vor meine Schritte hinzustreuen. », Goethe. Sämtliche Werke, Vol. 6, p. 495.

66 « Aber Ew. Exzellenz werden mich gar nicht mehr sehn, nicht mehr sprechen, nicht mehr vorlassen wollen », Werner. Briefe, Vol. 2, p. 223.

67 « Unter allen Opfern des Christenthums, die ich nehmlich ihm bringe, ist, Gott ist mein Zeuge, das schwehrste: die Möglichkeit Ew. Excellenz huldvolles Wohlwollen […] zu verliehren », Werner. Briefe, Vol. 2, p. 225.

68 « Was hingegen Wernern betrifft, so könnte ich nicht sagen: dies ist auch ein Sohn an dem ich Wohlgefallen habe; ein böser Genius hat sein herrliches Talent über die Grenzen hinaus geführt, innerhalb derer das Echte und Wahre ruht, er irret in dem Schattenreiche aus dem keine Rückkehr zu hoffen ist ». Goethe. Sämtliche Werke, Vol. 7, p. 258.

69 Krisenjahre der Frühromantik, Vol. 2, 2. éd., p. 123.

70 « Hochverehrter, innigstgeschäzzter, theurer und edler Freund! Der Stolz mit dem ich Ihnen dies Prädikat Freund beyzulegen wage, ist der Freude gleich mit der ich Ihren mir unendlich schätzbaren Brief (Ihre Großmuth ihn zu schreiben, hat feurige Kohlen auf mein Haupt gesammelt!) empfieng. [...] – Über meinen Aufenthalt in Rom habe ich unsrer heiligen Aspasia ein paar Zeilen geschrieben. Ihnen melde ich daß ich noch in Rom noch gar nicht vor allen göttlichen und menschlichen Wundern zur Besinnung gekommen bin, also auch noch gar nichts von Tragödie oder so was angefangen, dagegen allerlein Kleinigkeiten, (zum Theil passables Zeug) an Sonnetten etc. gemacht, item eine Erklärung in Canzonenform zu einem Kupferwerke des Riepenhausen über das Leben Raphaels, item eine Canzonne über mehrere Gegenstände der Raphaelschen Stanzen, […] Sie sehen, mein hochverehrter trefflicher Freund, daß keines Ihrer Worte von mir vergessen ist! Übrigens arbeite ich hier in Rom ernstlich und gottlob nicht erfolglos an dem was über alle Schäzze und Worte dieser Welt geht, an meinem Seelenheile! [...] ». Lettre du 10 avril 1810, Krisenjahre der Frühromantik, Vol. 2, 2. éd., p. 123.

71 Wohlhaupter, p. 29 ss.

Sabine Gruber

Université de Tübingen.

Ralph Zade

Leipzig et Francfort-sur-le-Main.