Les constitutions dans les Considérations sur les principaux événements de la Révolution française

Constitutions in the Considérations sur les principaux événements de la Révolution française

Alain Laquièze

p. 261-275

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Alain Laquièze, « Les constitutions dans les Considérations sur les principaux événements de la Révolution française », Cahiers Staëliens, 69 | 2019, 261-275.

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Alain Laquièze, « Les constitutions dans les Considérations sur les principaux événements de la Révolution française », Cahiers Staëliens [En ligne], 69 | 2019, mis en ligne le 03 mai 2022, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://cahiersstaeliens.edinum.org/377

Les Considérations sur la Révolution française peuvent être lues au prisme du droit constitutionnel, comme l’analyse des différentes constitutions françaises, de l’Ancien Régime à la Charte de 1814 et à l’Acte additionnel de 1815. Cette interprétation de l’histoire constitutionnelle se fait à l’aune de la constitution anglaise, dont Staël entend démontrer la supériorité, avant d’envisager sa possible transposition en France.

Les Considérations sur les principaux événements de la Révolution française est un ouvrage qui peut être interprété à partir d’une grille de lecture empruntant au droit constitutionnel. Cette optique est d’autant plus aisée à adopter que Germaine de Staël propose une méditation sur l’histoire politique et constitutionnelle de la France qui se déroule de la fin de l’Ancien Régime jusqu’au début de la Restauration. Elle décrit et analyse longuement, dans les volumes de son livre, les différentes constitutions qui se sont succédées en France à cette époque : elle évoque ainsi, dans différents chapitres, la Constitution de l’Ancien Régime – fait en soi très original, car l’existence d’une Constitution sous l’Ancien Régime était discutée, y compris par elle-même – la Constitution de 1791, la Constitution de l’an III, fondatrice du régime du Directoire, qu’elle avait déjà étudiée dans son manuscrit Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution, celle de l’an VIII qui institue le Consulat de Bonaparte, la Charte octroyée par Louis XVIII en 1814 et l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire d’avril 1815.

Cette interprétation de l’histoire constitutionnelle française est systématiquement faite par Germaine de Staël en la confrontant à ce qui apparaît à ses yeux comme le mètre-étalon de la liberté : la Constitution anglaise, ce « plus beau monument de justice et de grandeur morale existant parmi les Européens1 ». La supériorité de la Constitution anglaise, énoncée dès la fin du chapitre premier de la première partie, est maintes fois rappelée dans l’ouvrage, de manière quasi-obsessionnelle, et se retrouve encore à la fin, dans l’important chapitre IX de la sixième partie, intitulé « Peut-il y avoir d’autres bases d’une monarchie constitutionnelle que celles de la Constitution anglaise ? » Il n’est pas fortuit que la rédaction du livre s’est faite d’une part en Angleterre, d’autre part dans la France du début de la Restauration, période de vive anglomanie, qu’il s’agisse des mœurs ou des institutions.

On notera que les termes « constitution » ou « constitutionnel » sont fréquemment utilisés par Madame de Staël dans son livre. Mais le sens qu’elle accorde au mot « constitution » évolue en fonction des passages et peut même varier au sein d’un chapitre. Cette variation sémantique n’est pas surprenante pour l’époque. En effet, le terme « constitution » recèle trois significations distinctes à la fin du xviiie siècle. Le premier sens, le plus traditionnel, renvoie à l’établissement ou à la création d’une institution : il peut s’agir d’une cour souveraine, d’un impôt ou même de la monarchie. Le deuxième sens rejoint l’idée générale d’ordre. Il s’agit d’un certain ordre des choses qui supposerait un assemblage ordonné de ses composants et qui suppose généralement une certaine harmonie. Il s’emploie à propos de l’organisation d’un tribunal ou d’une assemblée délibérante. Cette signification est souvent utilisée par les cours souveraines entre 1750 et 1789. La troisième signification du mot « constitution » qui s’applique plus spécialement à la politique et au droit recouvre en réalité deux acceptions distinctes : l’une, du point de vue matériel, désigne le contenu de la constitution d’un État et implique en particulier la détermination d’un régime politique donné. La constitution est très souvent entendue dès 1750 comme synonyme de régime politique. L’autre signification est formelle et appréhende la constitution comme une norme juridique, en particulier comme une norme fondamentale qui viendrait limiter les pouvoirs du roi. Ce sens de la constitution commence à être utilisé à partir des années 1770, à la faveur des écrits d’Emer de Vattel et de la doctrine jusnaturaliste2.

Dans le texte de Germaine de Staël, ces différentes acceptions de la constitution sont présentes, à l’exception du premier. Le deuxième sens, la constitution comme ordre, est rarement utilisé, preuve sans doute de sa relative désuétude à son époque, encore qu’on peut sans doute l’identifier dans le passage suivant : « Une des grandes beautés de la Constitution anglaise, c’est que chaque branche du gouvernement y est tout ce qu’elle peut être : le roi, les pairs et les Communes ; ainsi donc les pouvoirs sont égaux entre eux, non par leur faiblesse, mais par leur force3 ». Le troisième sens du terme constitution est en revanche très souvent utilisé, le plus souvent d’un point de vue matériel en visant un régime politique, mais parfois aussi comme norme juridique. Ainsi, le chapitre IX de la sixième partie déjà évoqué oscille entre d’une part la constitution anglaise entendue dans l’existence de trois pouvoirs distincts – roi, Chambre des pairs, Chambre des communes – ce qui correspond au régime politique et d’autre part les « lois constitutionnelles », expression qui renvoie aux normes juridiques.

On trouve même sous la plume de Germaine de Staël une définition de ce que devrait contenir matériellement une constitution, propos d’une grande modernité : dans un développement consacré à la révision de la Constitution de 1791 et pour critiquer l’abus par l’Assemblée constituante de décrets prétendument à portée constitutionnelle, Germaine de Staël écrit : « Les lois dont dépend la liberté civile et politique, se réduisent à un très petit nombre, et ce décalogue politique mérite seul le nom de décrets constitutionnels4 ». Cette définition fait écho au chapitre « De la Constitution » dans les Circonstances actuelles, où figure une ébauche de définition matérielle de la constitution5. Elle doit sans doute également à Benjamin Constant qui avait, dans plusieurs textes, développé cette conception matérielle de la constitution. Sous le Directoire, il précise ainsi qu’« une constitution est la garantie de la liberté d’un peuple ; par conséquent, tout ce qui tient à la liberté est constitutionnel, et, par conséquent aussi, rien n’est constitutionnel de ce qui n’y tient pas6 ». Au début de la Restauration, il ajoute :

Tout ce qui ne tient pas aux limites et aux attributions respectives des pouvoirs, aux droits politiques et aux droits individuels, ne fait pas partie de la constitution, mais peut être modifié par le concours du roi et des deux chambres7.

La préoccupation de définir précisément ce que doit contenir une constitution est motivée par le souci, tant de Madame de Staël que de Constant, d’assurer la stabilité constitutionnelle de la France : vouloir rédiger une constitution qui aurait pour ambition de prévoir l’ensemble des situations susceptibles d’émerger dans la vie institutionnelle est impossible selon eux et expose le texte à être remis en cause, ce qu’a du reste montré l’expérience révolutionnaire.

Le terme « constitution » est donc utilisé par Germaine de Staël, tantôt comme synonyme de loi fondamentale, tantôt comme synonyme de régime politique, notamment dans l’expression « constitution anglaise » qui s’applique à la monarchie constitutionnelle britannique ou pour le dire autrement, à un régime de balance des pouvoirs. On ne s’étonnera pas que la « constitution anglaise » soit comprise avant tout comme synonyme de régime politique, dès lors que la Grande Bretagne n’avait pas de constitution écrite, mais disposait seulement d’un ensemble de précédents et de quelques textes qui pouvaient faire office de constitution.

Tout le projet de Madame de Staël est de démontrer la supériorité de la constitution anglaise, comme garantie des libertés (I), et elle affiche sa conviction que cette constitution peut être transposée en France. Pour l’auteur des Considérations, si l’histoire anglaise a pu aboutir à des institutions politiques équilibrées, il n’y a pas de raison que l’histoire française ne puisse en faire autant et son historique des constitutions françaises depuis l’Ancien Régime est rédigé dans cette optique (II).

La supériorité de la Constitution anglaise

Pour Germaine de Staël, les conditions de formation de la Constitution anglaise, puisées pour l’essentiel dans le jeu des coutumes et des précédents, liés au lent cheminement du temps, sont une source principale de son succès. Cet attachement à l’histoire pour forger une constitution qui tranche avec le volontarisme et l’artificialisme constitutionnels des révolutionnaires français est rappelé à de nombreuses reprises et traduit l’influence de Burke. Elle explique ainsi que « Les Anglais s’étaient créé lentement une organisation politique nouvelle ; les Français, la voyant solidement établie ailleurs depuis plus de cent ans, devaient s’en tenir à l’imiter8 ». Et elle estime encore que « […] la Constitution d’Angleterre s’est établie en greffant le nouveau sur l’ancien, et s’il en est résulté le maintien de quelques abus, on peut dire aussi que l’on a donné de cette manière à la liberté l’avantage de tenir à une ancienne origine9 ».

À de nombreuses reprises, on trouve sous la plume de Germaine de Staël des opinions conservatrices qui ne doivent toutefois pas être confondues avec les points de vue d’un Joseph de Maistre ou d’un Bonald. À propos de l’Assemblée constituante de 1789, elle juge que « Les institutions à la longue disposent des hommes beaucoup plus facilement que les hommes ne s’affranchissent des institutions. Conserver le roi, et le dépouiller de ses prérogatives nécessaires était le parti le plus absurde et le plus condamnable de tous10 ». Edmund Burke est d’ailleurs expressément cité par l’auteur des Considérations qui n’hésite pas à dénoncer l’interprétation réactionnaire faite par les partisans de la contre-révolution de son livre Réflexions sur la Révolution de France :

ceux du parti aristocrate qui, sur le continent, citent aujourd’hui Burke comme l’ennemi de la Révolution, ne savent peut-être pas qu’à chaque page il reproche aux Français de ne s’être pas conformés aux principes de la Constitution d’Angleterre11.

Ce jugement est très caractéristique d’une lecture burkienne de la constitution que l’on pourrait qualifier de libérale-conservatrice12.

Madame de Staël expose également une conception whig de l’histoire britannique, en vertu de laquelle il y a eu un progrès politique et social en Angleterre qui a abouti à une constitution, dont les bases peuvent être fixées à la Glorieuse Révolution de 1688, période correspondant au renversement de Jacques II Stuart et à son remplacement par Guillaume d’Orange. Les développements qu’elle consacre à l’histoire anglaise sont très instructifs. On se reportera à la sixième partie des Considérations et plus spécialement à son chapitre II intitulé : « Des différentes époques de l’histoire de l’Angleterre sous le point de vue de l’esprit de liberté13 ». Elle commence par rappeler ce moment fondateur qu’a été, pour les libertés anglaises, la Grande Charte de 1215. Cette importance de la Grande Charte est rappelée ultérieurement par de nombreux représentants du courant libéral, comme Auguste de Staël, François Guizot dans son Histoire des origines du gouvernement représentatif, et Émile Boutmy qui était un excellent connaisseur du droit constitutionnel britannique. La référence à la Grande Charte, comme palladium des libertés, est le lieu commun de la pensée libérale française du xixe siècle14. Mais Madame de Staël note dans le même chapitre que la Grande Charte n’a pas été respectée pendant une bonne partie des siècles ultérieurs par les monarques britanniques successifs. On sait d’ailleurs qu’il a fallu, à de nombreuses reprises, rappeler son contenu par de nouveaux actes juridiques. La nouveauté de la Glorieuse Révolution de 1688 est qu’elle va permettre aux libertés énoncées par la Grande Charte de pouvoir être désormais garanties.

Deux raisons, présentées par Madame de Staël, expliquent la réussite de la Glorieuse Révolution : la première est qu’elle institue un contrat entre le roi et la nation. Cette convention revêt une grande importance car elle assure un consentement libre des individus au gouvernement, sur le modèle du trust lockien. En permettant un partage de souveraineté, elle écarte une monarchie absolue qui serait fondée sur une légitimité de droit divin du monarque. La seconde raison est que la Constitution anglaise prévoit un système de balance des pouvoirs qui va garantir les libertés. Il est à noter que la description de cette constitution britannique par Madame de Staël est très proche de celle présentée par Montesquieu dans le fameux chapitre de l’Esprit des lois sur la Constitution d’Angleterre. Selon cette interprétation, le pouvoir législatif qui consiste à édicter des actes de souveraineté est partagé entre trois organes : la Chambre des communes, la Chambre des pairs et le roi. Dans ce système, le roi est co-législateur par son pouvoir de sanction.

Or, déjà au moment de la publication de l’Esprit des lois, la présentation que Montesquieu faisait de la constitution britannique était de l’ordre du mythe, car elle ne correspondait plus au fonctionnement des institutions britanniques. Pour une large part, Germaine de Staël reprend, près de soixante-dix ans après l’Esprit des lois, cette idée mythique de la constitution anglaise15. L’idée de trois pouvoirs qui collaborent de manière égale au fonctionnement de l’État, notamment pour l’adoption des lois, est une pure fiction, sans lien avec le parlementarisme britannique, alors en émergence. En effet, le roi n’utilise plus son droit de sanction sur les lois depuis 1714. En outre, son pouvoir est largement concurrencé par l’émergence d’un cabinet dirigé par un Premier ministre, dont la collégialité s’affirme et qui doit rendre des comptes à la Chambre des communes. On assiste au demeurant à la mise en place d’une responsabilité politique des ministres devant la Chambre des communes, qui traduit à la fois la montée en puissance du ministère – être responsable, c’est à la fois avoir le pouvoir et rendre des comptes – et l’accroissement des prérogatives de la Chambre des communes. En somme, à la place d’un système équilibré de trois pouvoirs, on voit un couple cabinet – Chambre des communes qui tend progressivement à s’affirmer, face aux institutions monarchiques que sont le roi et la Chambre des pairs16.

Germaine de Staël n’ignore certes pas les évolutions de la constitution britannique dans un sens parlementaire, mais elle tend à les minorer. On citera par exemple la réponse qu’elle apporte aux critiques dirigées contre la corruption du système britannique. Du fait d’un corps électoral faible et des bourgs pourris, on accusait fréquemment la Chambre des communes d’être sous la dépendance du ministère qui pouvait acheter les élections, voire les députés. Selon elle, cette corruption ne concernerait que quelques dizaines de députés sur six cent cinquante. La proportion réduite du phénomène n’altèrerait donc pas l’indépendance du Parlement britannique17. Elle n’ignore pas non plus l’existence de ministres responsables politiquement, mais ils sont conçus d’abord comme une protection contre les tendances du roi à vouloir retourner à une monarchie absolue18, et non comme les instruments d’une dépossession progressive des compétences royales, alors que c’est là une des questions essentielles qui se pose sous le règne de George III.

Madame de Staël loue aussi la Constitution anglaise pour avoir fait, avec la Chambre des pairs, une grande place à l’aristocratie. Elle remarque que la noblesse anglaise a le mérite d’être plus ouverte socialement que l’aristocratie française19 et qu’elle a historiquement concouru à la liberté avec le peuple au xviie siècle, alors que les nobles se sont mis du côté du roi dans la France de 1789. Son affirmation selon laquelle l’aristocratie joue un rôle décisif dans l’équilibre politique et social de l’Angleterre est un constat partagé par d’autres représentants de l’école libérale, qu’il s’agisse de Constant, dans ses conférences à l’Athénée royal sur la constitution anglaise, de son fils Auguste de Staël dans les Lettres sur l’Angleterre ou encore de cet excellent connaisseur de l’histoire britannique qu’est François Guizot.

Rares sont par conséquent les critiques de Germaine de Staël à l’égard des institutions anglaises et grande est sa conviction qu’elles peuvent être transposables dans la France de son époque.

Les constitutions françaises depuis l’Ancien Régime jusqu’à la Restauration

Une des particularités de l’histoire constitutionnelle française, telle qu’elle est décrite par Germaine de Staël, est de l’appréhender à partir de la grille de lecture britannique.

Cela est déjà très visible dans sa conception de l’histoire, marquée là encore par une vision whig. Contrairement à ce que soutiennent les contre-révolutionnaires, Germaine de Staël estime tout d’abord que l’Ancien Régime ne connaissait pas de constitution au sens de garantie des libertés. « En quoi donc consistait la Constitution de France ? demande-t-elle. Dans l’hérédité du pouvoir royal seulement. C’est une très bonne loi, sans doute, puisqu’elle est favorable au repos des empires, mais ce n’est pas une constitution20 ». L’autorité royale était sans bornes et il n’existait pas de règle juridique stable. L’auteur des Considérations peut ainsi conclure que

la France a été gouvernée par des coutumes, souvent par des caprices et jamais par des lois. Il n’y a pas un règne qui ressemble à l’autre sous le rapport politique ; on pouvait tout soutenir et tout défendre dans un pays où les circonstances seules disposaient de ce que chacun appelait son droit21.

Depuis la fin de l’Ancien Régime, on assiste selon elle à une conquête progressive de la liberté. Cette conquête ne se fait pas de manière linéaire, mais l’aboutissement en est la Charte de 1814. Ce texte, en fondant le régime de la Restauration, doit conduire à un nouveau 1688, français cette fois. 1789 comportait d’excellents principes, mais n’a pas abouti à fonder un gouvernement. Son jugement est d’ailleurs sévère à propos de la Constitution de 1791 : « Cette malheureuse constitution, si bonne par ses bases et si mauvaise par son organisation, fut présentée à l’acceptation du roi22 ». La Constitution de l’an III est déjà un peu meilleure, même si la question du pouvoir exécutif n’a pas été résolue. La Constitution de l’an VIII, avec Bonaparte, fait replonger la France dans le despotisme. Et il faut attendre la Charte de 1814 pour voir réapparaître la liberté. Cette Charte de 1814 est vue avec beaucoup d’espoir par Madame de Staël qui en espère une conciliation possible de la monarchie et de la liberté. Elle en loue au demeurant le contenu : « La Charte constitutionnelle, en garantissant les bons principes de la Révolution, est le palladium du trône et de la patrie23 ».

Le jugement de Germaine de Staël sur Louis XVIII est plutôt flatteur et tranche avec celui qu’elle porte sur Bonaparte. Elle reproche toutefois au frère de Louis XVI d’avoir octroyé la Charte en se fondant sur une légitimité traditionnelle, au lieu d’être passé par un contrat entre le roi et la nation. Plutôt que de dater la constitution des dix-neuf ans du règne de Louis XVIII et de rappeler la prééminence du droit divin, le roi de France qui remontait sur le trône appuyé par la force étrangère « […] aurait dû inventer l’idée du contrat avec la nation, du consentement de ses députés […]24 ». En somme, il aurait fallu concevoir la Charte constitutionnelle comme un contrat, sur le modèle du Bill of Rights de 1689. Madame de Staël donnait là une interprétation de la Charte qui a été celle des libéraux, tout au long de la Restauration. En fondant la Charte sur un contrat et non sur l’octroi royal, elle proposait une légitimité du pouvoir issue de la nation et non une légitimité traditionnelle. C’était prendre le contrepied des thèses constitutionnelles de la droite royaliste25.

Il convient de souligner également le caractère très personnel et vivant de cette histoire des constitutions françaises, telle qu’elle est racontée par l’auteur des Considérations. Tout le récit qu’elle fait des événements du début de la Révolution, jusqu’en 1792, puis de 1795 à 1799, est étroitement lié à sa propre vie, en tant que fille d’un des principaux acteurs du début de la Révolution, Jacques Necker, de maîtresse d’un ministre important au temps de la Législative, le comte de Narbonne, mais aussi d’animatrice d’un salon, qu’elle a hérité de sa mère, où elle reçoit les grandes personnalités du temps. Son influence politique, on le sait, a été importante sous le Directoire et au début du Consulat. L’histoire constitutionnelle qu’elle raconte se double d’une autobiographie et on a souvent l’impression, en la lisant, de vivre les événements révolutionnaires de l’intérieur, avec le jugement partial de l’acteur politique qui défend son camp : celui des Monarchiens en 1789 et celui des républicains modérés sous le Directoire. En revanche, les développements qui concernent la première Restauration et les Cent-jours apparaissent plus extérieurs à l’événement. Madame de Staël est moins actrice que spectatrice. Les analyses demeurent stimulantes, toujours cohérentes sur la défense de la liberté et du modèle anglais, mais plus distanciées.

Ce qui est notable surtout dans son récit des péripéties constitutionnelles de la France, est l’importance accordée aux jugements de certaines personnalités, expertes en constitutions. Outre Burke qui a déjà été évoqué, deux hommes jouent un rôle important aux yeux de Germaine de Staël : Jacques Necker qui est très présent dans les Considérations et Benjamin Constant, bien que le nom de ce dernier ne soit généralement pas cité.

Il n’est pas surprenant que Jacques Necker soit une des figures centrales des Considérations. Le livre était conçu initialement comme devant être le récit de la vie publique du ministre de Louis XVI26. Il en est resté, dans le manuscrit final, un grand hommage de la fille à son père, témoignant de sa part d’une grande piété filiale. Cet hommage ne se réduit pas à l’action de l’homme d’État, mais met également en avant le penseur original et pénétrant des constitutions. Necker est présenté comme un grand connaisseur de la Constitution anglaise, celui qui dès 1789, a défendu une approche réformiste des institutions françaises sur le modèle anglais. C’était la position des Monarchiens, celle de Mounier et de Malouet. Au-delà, il est vu comme une sorte d’oracle constitutionnel, notamment dans ses livres De la Révolution française (1796) et Dernières vues de politique et de finance offertes à la nation française (1802).

Pour Germaine de Staël, Necker a été celui qui, en analysant la Constitution de l’an III, a prévu que la séparation stricte des pouvoirs instituée par le texte allait déboucher sur une lutte sans merci entre le Directoire et les assemblées. En ne donnant pas au pouvoir exécutif les moyens d’intervenir contre le pouvoir législatif, ni par le veto, ni par un éventuel droit de dissolution, sur le modèle britannique, le texte constitutionnel mettait en péril l’ordre ou la liberté. Bref, Necker aurait anticipé les coups d’État qui ont fragilisé le régime, coups d’État qui étaient rendus possible par une organisation des pouvoirs trop rigide27. Il est à noter que cette interprétation est devenue la vulgate pour les constitutionnalistes du xxe siècle, avant d’être remise en cause, au début du siècle suivant, les plus récentes lectures de la Constitution de l’an III contestant qu’elle instituait une séparation stricte des pouvoirs28.

Necker a également prédit la tournure autoritaire que prendrait la Constitution de l’an VIII. Il a observé qu’il n’y avait pas de système représentatif, s’il n’y avait pas d’élection directe du peuple. Il a anticipé aussi l’élimination du Tribunat, ce qui devait effectivement survenir sous le Consulat, lorsque Bonaparte décida d’éliminer l’opposition. Sa démonstration visait à établir qu’il n’y avait pas de république sous le gouvernement consulaire et que Bonaparte avait pour objectif d’établir une royauté, entreprise vouée à l’échec si elle n’était pas accompagnée d’une aristocratie forte29.

En s’appuyant sur un passage du livre De la Révolution française qui prenait l’hypothèse d’un discours de Saint Louis adressé à la nation française, Germaine de Staël salue encore celui qui avait envisagé le retour en France d’un prince qui délivrerait le pays de la tyrannie et apaiserait les tensions. Necker aurait donc eu la prescience qu’une période de compromis pourrait s’ouvrir, grâce à la monarchie constitutionnelle qui pourtant ne fut mise en place que dix ans après sa mort30.

Dans les écrits de Necker, les Dernières vues de politique et de finance occupent une place à part pour Madame de Staël. La publication du livre avait suscité la colère de Bonaparte qui y voyait une attaque sévère contre son régime. Il avait donc décidé d’exiler Madame de Staël qu’il accusait d’avoir participé à la rédaction de l’ouvrage, ce qui était erroné. Cette sanction injuste affecta Necker qui protesta auprès d’un des Consuls, Lebrun31. Le jugement sévère que Germaine porte sur Bonaparte n’est sans doute pas étranger à cet événement.

Benjamin Constant, lui, n’est jamais cité. Et pourtant il est présent à plusieurs reprises dans le texte. C’est lui qui tient au courant son amie de l’évolution des événements à Saint-Cloud au moment du 18 brumaire32. C’est lui qui, par son intervention au Tribunat, le 5 janvier 1800, jugée hostile à Bonaparte, entraîne la désertion du salon de Madame de Staël33. On le retrouve aussi dans le chapitre XIV de la 5ème partie, chapitre intitulé « De la conduite de Bonaparte à son retour34 ». Constant est cette fois vivement critiqué par l’auteur des Considérations pour avoir collaboré à l’élaboration de l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire et il est accusé d’avoir trahi les principes de liberté qu’il avait toujours professés. Les critiques ne cachent pas un ressentiment personnel. Les mots sont sévères :

Quelques amis de la liberté, cherchant à faire un compromis avec eux-mêmes, ont voulu s’excuser de se rattacher à Bonaparte en lui faisant signer une constitution libre ; or, il n’y avait point d’excuse pour servir Bonaparte ailleurs que dans le champ de bataille35.

Pour Germaine de Staël, l’attitude de Constant qui s’est rallié à l’Empire a été une grave erreur :

Si c’était un crime de rappeler Bonaparte, c’était une niaiserie de vouloir masquer un tel homme en roi constitutionnel ; du moment qu’on le reprenait, il fallait lui donner la dictature militaire, rétablir la conscription, faire lever la nation en masse, enfin ne pas s’embarrasser de la liberté quand l’indépendance était compromise36.

Ses critiques ne sont pas exemptes d’une certaine mauvaise foi : « Une grande faute aussi qu’on a fait faire à Bonaparte, c’est l’établissement d’une Chambre des pairs37 », affirme-t-elle, en déplorant que la création d’une pairie serait purement artificielle, sans racine historique. Le raisonnement apparaît quelque peu spécieux, alors même que Madame de Staël défend constamment dans son livre une monarchie constitutionnelle sur le modèle britannique, qui ne saurait être stable qu’avec une aristocratie forte, représentée au sein de l’État par une Chambre des pairs38.

Dans l’important chapitre IX de la sixième partie des Considérations, intitulé « Peut-il y avoir d’autres bases d’une monarchie constitutionnelle que celles de la constitution anglaise ? », Germaine de Staël écrit :

La forme républicaine ou monarchique est commandée par la grandeur et la situation de l’État ; mais il y a toujours trois éléments donnés par la nature : la délibération, l’exécution et la conservation ; et ces trois éléments sont nécessaires pour garantir au citoyen de n’être privé ni de sa fortune, ni de sa liberté arbitrairement et de pouvoir développer sans crainte ses facultés, assuré qu’il doit être d’en retirer tous les avantages que ses travaux et ses talents lui méritent39.

Ce point de vue affichant la nécessité de protéger la propriété, la liberté et la sûreté est très proche de celui qu’elle donnait déjà dans son manuscrit du Directoire, Des circonstances actuelles, à une époque où elle se prononçait alors en faveur d’un système républicain. On retrouve également, à vingt ans de distance, le même souci de voir se créer des institutions politiques modérées et en particulier une institution conservatrice susceptible de stabiliser les institutions. En 1798, la proposition se décline par une sorte de fusion entre le Conseil des Anciens et le jury constitutionnaire que Sieyès avait proposé en l’an III. Au début de la Restauration, elle soutient la création d’une Chambre des pairs qui pourra être un allié de la royauté et un instrument de stabilité politique et sociale. La Chambre haute n’est pas seulement conçue comme un élément de contrepouvoir politique mais aussi comme une manifestation institutionnelle de la place indispensable de l’aristocratie dans une société française désormais pacifiée.

Il faut noter également que Necker est présenté dans les Considérations comme le grand penseur des constitutions et éclipse Constant, alors que la postérité a changé complètement cette vision des choses, ce dernier étant aujourd’hui considéré comme l’un des fondateurs du constitutionnalisme moderne40, tandis que Necker est d’abord appréhendé comme le ministre de Louis XVI et non comme un théoricien constitutionnel d’envergure. Il est clair en tout cas qu’aux yeux de Madame de Staël, l’adoption de la Charte de 1814 traduit la victoire posthume du vaincu de la Révolution. L’histoire française aurait donné raison en quelque sorte à Necker et aux monarchiens qui auraient juste eu raison trop tôt. Cela est encore plus vrai si l’on interprète la Charte de 1814 comme un contrat entre le roi et la nation, caractéristique on l’a déjà dit de l’interprétation libérale du texte qui triomphera en 1830. Si Germaine de Staël avait vécu l’événement, nul doute qu’elle aurait vu là la victoire définitive des thèses constitutionnelles de son père.

1 Staël, Germaine de, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française [1818], rééd. Lucia Omacini et Stefania Tesser, OCS-III/

2 Voir, sur ces différentes significations, Vergne, Arnaud, La notion de constitution d’après les cours et assemblées à la fin de l’Ancien Régime

3 Staël, Germaine de, op. cit., vol. 1, p. 314.

4 Ibid., vol. 1, p. 331 : il s’agit d’un passage du chapitre XXII de la deuxième partie.

5 Voir Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder la République en France, édition critique

6 Constant, Benjamin, Des réactions politiques, Paris, 1797, chapitre IX : « De l’arbitraire », in Cours de politique constitutionnelle, éd. Laboulaye

7 Constant, Benjamin, Réflexions sur les constitutions et les garanties, Paris, 1814, chapitre IX : De ce qui n’est pas constitutionnel, in Cours de

8 Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, op. cit., vol. 1, p. 206.

9 Ibid., vol. 2, p. 853.

10 Ibid., vol. 1, p. 250.

11 Ibid., vol. 1, p. 367. La mise en garde d’une interprétation réactionnaire de Burke qui n’est pas fidèle à la pensée du député whig se retrouvera

12 Sur la réception de Burke par Madame de Staël, on pourra se reporter à Pasquiet-Briand, Tanguy, La réception de la constitution anglaise au xixe 

13 Considérations, op. cit., vol. 2, p. 815 et s.

14 Voir Laquièze, Alain, « La réception de la Grande Charte dans la France du xixe siècle », dans Emmanuel Cartier et Jean-Pierre Machelon (dir.), Le

15 C’est une vision semblable à celle de Montesquieu qu’expose le genevois Jean Louis de Lolme dans son livre Lolme, Jean Louis de, la Constitution de

16 Sur ce sujet, voir Baranger, Denis, Parlementarisme des origines, Paris, PUF, coll. Léviathan, 1999.

17 Voir la sixième partie du chapitre IV : « De la liberté et de l’esprit public chez les Anglais », Considérations, op. cit., vol. 2, p. 858-859. Ses

18 « En Angleterre, la responsabilité des ministres met obstacle à ce double gouvernement des affidés du roi et de ses agents officiels. Aucun acte du

19 « […] tandis que l’aristocratie anglaise est l’espoir de tous, puisque tout le monde y peut parvenir, l’aristocratie française en était

20 Ibid., vol. 1, p. 116.

21 Ibid.

22 Ibid., vol. 1, p. 339.

23 Ibid., vol. 2, p. 701.

24 Ibid., vol. 2, p. 731 : cinquième partie, chapitre VII : « De la Charte constitutionnelle donnée par le roi en 1814 ».

25 Sur les interprétations divergentes des fondements et du contenu de la Charte de 1814, tout au long de la Restauration, voir Laquièze, Alain, « La

26 Voir l’introduction de Lucia Omacini et de Stefania Tesser au Considérations, op. cit., vol. 1, p. XVIII.

27 Ibid., vol. 1, p. 484-486.

28 Reprenant, sans le citer, la thèse de Necker, voir Deslandres, Maurice, Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à 1870, Paris, Sirey, 1932

29 Considérations, op. cit., vol. 2, p. 582-586.

30 Ibid., vol. 2, p. 486.

31 Ibid., vol. 2, p. 588-589. Cet épisode est également relaté dans Dix années d’exil, édition critique par Simone Balayé et Mariella Vianello

32 Considérations, op. cit., vol. 2, p. 542.

33 Germaine parle à ce propos d’un « supplice de salon », ibid., vol. 2, p. 595.

34 Ibid., vol. 2, p. 791 sq.

35 Ibid., vol. 2, p. 792.

36 Ibid., vol. 2, p. 791.

37 Ibid., vol. 2, p. 793.

38 Elle note d’ailleurs, dans le chapitre IX de la sixième partie consacrée pour l’essentiel à la constitution anglaise : « Quel obstacle y aurait-il

39 Ibid., vol. 2, p. 939.

40 Voir Beaud, Olivier, « Constitution et constitutionnalisme », dans Philippe Raynaud et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de philosophie politique

1 Staël, Germaine de, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française [1818], rééd. Lucia Omacini et Stefania Tesser, OCS-III/2, dir. Lucia Omacini, Paris, Champion, 2017, vol. 1, p. 17 (1ère partie, chapitre 1).

2 Voir, sur ces différentes significations, Vergne, Arnaud, La notion de constitution d’après les cours et assemblées à la fin de l’Ancien Régime, 1750-1789, Paris, De Boccard, 2006, p. 30 sq.

3 Staël, Germaine de, op. cit., vol. 1, p. 314.

4 Ibid., vol. 1, p. 331 : il s’agit d’un passage du chapitre XXII de la deuxième partie.

5 Voir Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder la République en France, édition critique par Lucia Omacini, Paris-Genève, Librairie Droz, 1979, Seconde partie, chapitre 1er : « De la Constitution », p. 157-158 : « Il y a dans la constitution actuelle de France, ou pour mieux dire encore, dans l’esprit de la Révolution, trois principes qui en font la force et qui en sont l’objet, trois principes dont on ne pourrait s’écarter sans sortir du gouvernement républicain : la division du pouvoir exécutif en plusieurs membres, parce qu’en France tout homme qui ne serait pas roi ne serait pas souffert seul à la tête du gouvernement, et que tout homme qui y serait souffert, voudrait devenir roi ; l’élection par le peuple du Conseil des Cinq-Cents, parce que de là dépend tout le système représentatif et la non-hérédité des pouvoirs, parce que c’est par l’égalité que la Révolution s’est faite, que c’est par elle qu’elle a de l’influence et qu’enfin la destruction des privilèges des classes, des castes, est la conquête de l’esprit humain dans cette époque ».

6 Constant, Benjamin, Des réactions politiques, Paris, 1797, chapitre IX : « De l’arbitraire », in Cours de politique constitutionnelle, éd. Laboulaye, Paris, Guillaumin, 2ème édition, 1872, t. 2, p. 123-124.

7 Constant, Benjamin, Réflexions sur les constitutions et les garanties, Paris, 1814, chapitre IX : De ce qui n’est pas constitutionnel, in Cours de politique constitutionnelle, op. cit., t. 1, p. 265.

8 Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, op. cit., vol. 1, p. 206.

9 Ibid., vol. 2, p. 853.

10 Ibid., vol. 1, p. 250.

11 Ibid., vol. 1, p. 367. La mise en garde d’une interprétation réactionnaire de Burke qui n’est pas fidèle à la pensée du député whig se retrouvera chez Charles de Rémusat dans son article Rémusat, Charles de, « Burke, sa vie et ses écrits », Revue des deux mondes, janvier-mars 1853, t. 1, p. 455.

12 Sur la réception de Burke par Madame de Staël, on pourra se reporter à Pasquiet-Briand, Tanguy, La réception de la constitution anglaise au xixe siècle. Une étude du droit politique français, Institut Universitaire Varenne, collection des thèses, 2017, spéc. p. 142-161.

13 Considérations, op. cit., vol. 2, p. 815 et s.

14 Voir Laquièze, Alain, « La réception de la Grande Charte dans la France du xixe siècle », dans Emmanuel Cartier et Jean-Pierre Machelon (dir.), Le huitième centenaire de la Magna Carta. Généalogie et filiation d’un texte constitutionnel, éditions Mare et Martin, 2016, p. 111-125.

15 C’est une vision semblable à celle de Montesquieu qu’expose le genevois Jean Louis de Lolme dans son livre Lolme, Jean Louis de, la Constitution de l’Angleterre, dont la première édition date de 1771 et qui est plusieurs fois réédité jusqu’à la Restauration.

16 Sur ce sujet, voir Baranger, Denis, Parlementarisme des origines, Paris, PUF, coll. Léviathan, 1999.

17 Voir la sixième partie du chapitre IV : « De la liberté et de l’esprit public chez les Anglais », Considérations, op. cit., vol. 2, p. 858-859. Ses critiques mesurées sur la corruption du système politique britannique et sur l’existence des bourgs pourris sont également présentes chez Constant, notamment dans ses Réflexions sur les Constitutions, chapitre IV : Du pouvoir représentatif ; voir le Cours de politique constitutionnelle, op. cit., t. 1, p. 215 note 1 et p. 226-227.

18 « En Angleterre, la responsabilité des ministres met obstacle à ce double gouvernement des affidés du roi et de ses agents officiels. Aucun acte du pouvoir royal n’étant exécuté sans la signature d’un ministre, et cette signature pouvant coûter la vie à celui qui la donne à tort, quand le roi serait entouré de chambellans qui prêcheraient le pouvoir absolu, aucun de ces chambellans même ne se risquerait à faire comme ministre ce qu’il soutiendrait comme courtisan » (Considérations, op. cit., vol. 1, p. 167).

19 « […] tandis que l’aristocratie anglaise est l’espoir de tous, puisque tout le monde y peut parvenir, l’aristocratie française en était nécessairement le désespoir ; car on ne pouvait se donner par les efforts de toute sa vie ce que le hasard n’avait pas accordé » (ibid., vol. 2, p. 841).

20 Ibid., vol. 1, p. 116.

21 Ibid.

22 Ibid., vol. 1, p. 339.

23 Ibid., vol. 2, p. 701.

24 Ibid., vol. 2, p. 731 : cinquième partie, chapitre VII : « De la Charte constitutionnelle donnée par le roi en 1814 ».

25 Sur les interprétations divergentes des fondements et du contenu de la Charte de 1814, tout au long de la Restauration, voir Laquièze, Alain, « La Charte de 1814 et la question du gouvernement parlementaire », Jus Politicum, n° 13, décembre 2014. [http://juspoliticum.com/article/La-Charte-de-1814-et-la-question-du-gouvernement-parlementaire-951.html]

26 Voir l’introduction de Lucia Omacini et de Stefania Tesser au Considérations, op. cit., vol. 1, p. XVIII.

27 Ibid., vol. 1, p. 484-486.

28 Reprenant, sans le citer, la thèse de Necker, voir Deslandres, Maurice, Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à 1870, Paris, Sirey, 1932, t. 1, p. 385 et s. ; Chevallier, Jean-Jacques, Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à nos jours, Paris, Dalloz, 6ème édition, 1981, p. 87-89 ; contra Troper, Michel Terminer la Révolution. La Constitution de 1795, Paris, Fayard, 2006, p. 134 et s. ; Morabito, Marcel, Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958), Paris, Montchrestien Lextenso éditions, 10ème édition, 2008, p. 126 et s.

29 Considérations, op. cit., vol. 2, p. 582-586.

30 Ibid., vol. 2, p. 486.

31 Ibid., vol. 2, p. 588-589. Cet épisode est également relaté dans Dix années d’exil, édition critique par Simone Balayé et Mariella Vianello Bonifacio, Paris, Fayard, 1996, p. 136-139.

32 Considérations, op. cit., vol. 2, p. 542.

33 Germaine parle à ce propos d’un « supplice de salon », ibid., vol. 2, p. 595.

34 Ibid., vol. 2, p. 791 sq.

35 Ibid., vol. 2, p. 792.

36 Ibid., vol. 2, p. 791.

37 Ibid., vol. 2, p. 793.

38 Elle note d’ailleurs, dans le chapitre IX de la sixième partie consacrée pour l’essentiel à la constitution anglaise : « Quel obstacle y aurait-il donc en France plutôt qu’en Angleterre, à l’existence d’une Chambre des pairs, nombreuse, imposante et éclairée ? Les éléments en existent, et nous voyons déjà combien il serait facile de les combiner heureusement ». (ibid., vol. 2, p. 938-939).

39 Ibid., vol. 2, p. 939.

40 Voir Beaud, Olivier, « Constitution et constitutionnalisme », dans Philippe Raynaud et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de philosophie politique, Paris, PUF, 2ème édition, 1998, spéc. p. 121-122.